10 décembre 1942, l’Occident est informé de la Shoah

10 décembre 1942

Le gouvernement polonais a toujours cherché à informer les Alliés de ce qui se passait en Pologne occupée. Le 10 décembre 1942, il publie la première note diplomatique au sujet de l’extermination des Juifs.

La Shoah en Pologne

.En septembre 1939, l’Allemagne nazie et l’Union soviétique envahirent et se partagèrent la Pologne. A cette époque, le pays comptait une forte communauté juive de près de 3,5 millions de personnes, ce qui était le résultat de siècles de politiques d’accueil et de tolérance de la part des autorités polonaises. Les machines totalitaires des deux occupants se mirent immédiatement en marche.

Tandis que les Soviétiques déportaient des centaines de milliers de citoyens de la II République de Pologne (dont des Juifs) et exterminaient les élites du pays, les Allemands, en plus de s’en prendre aussi aux élites polonaises, s’employaient à instaurer une politique discriminatoire puis génocidaire à l’égard des Juifs.

Si le premier ghetto (celui de Piotrkow Trybunalski) a été créé dès octobre 1939, c’est l’année suivante que leur nombre explosera et ce sont plus de 600 prisons de ce genre que les nazis feront fonctionner en Pologne. En juin 1941, Hitler attaque l’URSS et ses armées reçoivent l’ordre de massacrer les populations juives qui se trouvent sur leur chemin, à commencer par celles présentes dans l’ex zone d’occupation soviétique : c’est le début de la Shoah par balles.

Désireux de systématiser l’extermination des Juifs, les dirigeants allemands décident de l’ouverture de camps dédiés à cet objectif : Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Auschwitz-Birkenau et Majdanek. Certains de ces camps servaient déjà à emprisonner les prisonniers polonais ou soviétiques, et furent transformés en usines de mort, vers lesquels seront déportés les Juifs de toute l’Europe occupée. Au final, plus de 3 millions de Juifs polonais, soit 90% de leur population d’avant-guerre, périront.

10 décembre 1942, l’Occident est informé de la Shoah

.La Pologne est l’un des seuls pays (si ce n’est le seul) à ne pas avoir eu de gouvernement collaborateur ou allié aux Allemands. C’est l’un des seuls où aucune organisation politique ne s’est mise au service de l’occupant. Le gouvernement légal a continué de fonctionner, en exil en France puis à Londres. Ses représentants ont toujours refusé la moindre collaboration avec les nazis et se sont toujours montrés soucieux du sort de tous les citoyens de la II République de Pologne.

Le mouvement de résistance polonais était l’un des plus actifs d’Europe. Ses membres avaient notamment pour mission de pourchasser les dénonciateurs de Juifs et les maîtres chanteurs. Par ailleurs, ils ont reçu l’ordre de documenter le génocide commis par les Allemands. Plusieurs résistants se sont infiltrés dans les ghettos (comme Jan Karski à Varsovie) et dans les camps d’extermination (comme Witold Pilecki à Auschwitz) et ont écrit des rapports sur les atrocités qu’ils ont pu observer. Ces rapports sont remontés à Londres  jusqu’aux services diplomatiques polonais qui ont décidé de publier une première note destinée à informer les nations occidentales de l’extermination des Juifs de Pologne et d’Europe.

Cette note de 15 pages, rédigée en anglais et intitulée „The Mass Extermination of Jews in German Occupied Poland”, a été présentée aux Alliés le 10 décembre 1942 par le ministre des Affaires étrangères polonais Edward Raczynski (on l’appellera par la suite „note Raczynski”). Le rapport évoque la liquidation des ghettos, dont celui de Varsovie, la déportation de leurs habitants vers les camps d’extermination et la volonté génocidaire des Allemands. Le gouvernement polonais conclut la note en demandant aux Alliés de faire ce qui est en leur pouvoir pour empêcher les nazis de poursuivre leur politique criminelle.

Une semaine plus tard, les gouvernements de la coalition antihitlérienne publièrent la „Déclaration interalliée du 17 décembre 1942”, qui reprend les informations transmises par la note du 10 décembre et condamne le génocide mené par les Allemands.

Cependant, les dirigeants occidentaux continueront à douter de la réalité des faits décrits dans les rapports (notamment celui de Jan Karski), faisant du gouvernement polonais le seul à se préoccuper du sort des Juifs d’Europe.

„Polonais et Juifs unis dans le devoir de mémoire”

.Le rabbin américain Shmuley Boteach et le diplomate polonais Maciej Golubiewski, consul général à New York de 2017 à 2020, publient un appel, dans le „New York Post” et dans „Wszystko co Najwazniejsze”, à une concorde mémorielle entre Juifs et Polonais :

„Ce sont les Polonais et les Juifs agissant de concert qui tirent le mieux les leçons de la Seconde Guerre mondiale. Bien que l’agression allemande, tragique dans son bilan, ait mis fin à la coexistence géographique de nos deux nations, elle n’a pas changé le patrimoine construit durant 800 ans”. 

„Comme les cicatrices de la guerre ne sont toujours pas refermées, les Polonais restent naturellement emphatiques envers les Juifs, trahis eux aussi par le monde durant la Seconde Guerre mondiale. C’était le capitaine Witold Pilecki, un officier de l’armée polonaise, qui, sous la direction de l’État clandestin polonais, s’est laissé rafler en volontaire par les Allemands pour pénétrer dans leur camp de concentration d’Auschwitz. Voyant le génocide des Juifs, perpétré à une échelle industrielle, il était le premier homme au monde à exiger des alliés de bombarder ce camp de la mort. Ses rapports, rédigés au péril de sa vie et sortis clandestinement du camp, se sont avéré inefficaces”.

„Il y a eu aussi Jan Karski, un autre officier polonais et résistant. Il était parmi les premiers à informer les alliés de l’existence des camps de la mort et de la liquidation du ghetto de Varsovie. Les alliés, malgré toutes ces informations sur le massacre des Juifs d’Europe, ont refusé d’ouvrir leurs frontières pour accueillir les réfugiés. Ils ont refusé de bombarder les camps ou les voies ferrées qui y menaient. Ils ont refusé d’ouvrir les frontières de la Palestine sous mandat britannique pour permettre à des Juifs voulant fuir Hitler de s’installer dans leur patrie biblique”.

Nathaniel Garstecka

Materiał chroniony prawem autorskim. Dalsze rozpowszechnianie wyłącznie za zgodą wydawcy. 9 grudnia 2023