
5 et 6 septembre 1940, Ion Antonescu devient dirigeant de la Roumanie

Le général Ion Antonescu organisa un coup d’Etat contre le roi Carol II, instaura un régime fasciste puis engagea la Roumanie sur le chemin de l’alliance avec l’Allemagne nazie.
La Roumanie, entre l’Allemagne nazie et l’URSS
.Le Royaume de Roumanie, qui est sorti vainqueur de la Première Guerre mondiale et qui à ce titre a pu s’agrandir notamment au détriment de la Hongrie, est un Etat qui subit une forte instabilité politique durant l’entre-deux-guerres. Le roi Carol II, qui est monté sur le trône en 1930, tente de maintenir une démocratie parlementaire mais se heurte à la montée en puissance des extrémismes : les communistes (dont le parti a été délégalisé dans les années 1920) et surtout les nationaux-révolutionnaires de la Garde de fer (ou „Légion de l’Archange Michel”). Ces derniers commirent de nombreux attentats, comme par exemple contre le Premier ministre libéral Ion Duca en 1933.
La Roumanie essaie de garder ses distances tant avec l’Allemagne d’Adolf Hitler qu’avec l’URSS de Joseph Staline. Elle craint avant tout le revanchisme hongrois consécutif au Traité de Trianon de 1920. La Hongrie y avait perdu la Transylvanie et le Banat, les deux régions ayant été rattachées à la Roumanie. Cette dernière comptait donc sur son territoire une forte minorité magyare. Le rapprochement entre Miklos Horthy et Adolf Hitler inquiète les membres de la „Petit Entente” (Tchécoslovaquie, Roumanie, Royaume de Yougoslavie) et c’est auprès des Occidentaux que la Roumanie cherche du soutien, en particulier auprès de la France.
Carol II ne prend pas part au dépeçage de la Tchécoslovaquie, mais note la montée des ambitions allemandes et soviétiques. Il cherche à ménager les deux dictatures totalitaires tout en renforçant ses relations avec la France et la Pologne. En 1938, le roi est confronté à une montée des tensions internes. Les légionnaires de la Garde de fer ainsi que les Allemands de Transylvanie acquis au nazisme multipliaient les attentats et les pogroms contre les Juifs et les démocrates. Carol II suspend le régime démocratique et instaure un autoritarisme royal antifasciste. La Garde de fer est décapitée, certains de ses dirigeants sont exécutés.
En aout 1939, l’Allemagne nazie et l’Union Soviétique signent un pacte de non-agression assorti d’un projet de partage de l’Europe de l’est. Staline est autorisé à prendre la Bessarabie et la Bucovine du nord. Le plan est réalisé à l’été 1940.
Après la défaite de la France, protectrice de la Roumanie, l’URSS exige le transfert de ces territoires. Carol II n’est pas en mesure de s’y opposer. Parallèlement, la Hongrie menace à son tour la Roumanie afin de „réparer l’humiliation de Trianon”. Ce sera le deuxième arbitrage de Vienne. Craignant de subir le sort de la Pologne, totalement annihilée par les Allemands et les Soviétiques, Carol II consent à nommer un gouvernement pro-allemand. Le nouveau Premier ministre, Ion Gigurtu, valide les pertes de territoires et se rapproche de l’Allemagne. La Garde de fer, insatisfaite, organise un coup d’Etat au début septembre 1940 qui porte le général Ion Antonescu au pouvoir.
Ion Antonescu et l’alliance avec Hitler
.Le général Antonescu, militaire s’étant distingué au cours de la Première guerre mondiale puis homme politique proche de la Garde de fer, se trouvait emprisonné au moment du coup d’Etat. Il faisait partie d’un bref gouvernement antisémite, en 1937, en tant que ministre de la guerre. Lorsque le roi Carol II engagea la répression des Légionnaires, en 1938, Antonescu soutint ces derniers et fut arrêté. Les pertes territoriales de 1940 furent le déclencheur de la chute de Carol II et du triomphe de la Garde de fer. Le 5 septembre 1940, le roi nomma Antonescu Premier ministre. Le lendemain, le général prit les pleins pouvoirs et força le monarque à abdiquer et à s’exiler.
L’”État national-légionnaire” fut instauré, dirigé par Antonescu et la Garde de fer de Horia Sima. Le nouveau régime est d‘inspiration fasciste, orthodoxe intégriste, antisémite, anticapitaliste et anticommuniste. Antonescu se met sous la protection de l’Allemagne et autorise la Wehrmacht à pénétrer sur le territoire roumain et occuper ses riches champs pétrolifères.
Il organise des crimes de masse contre les populations juives. Malgré cela, des tensions se développent entre le général et la Garde de fer. Celle-ci est beaucoup plus extrémiste et nationaliste, et rechigne à collaborer avec les Allemands. Elle tente de renverser Antonescu au début 1941 mais l’Allemagne assure la pérennité du régime. Les Légionnaires sont évincés du pouvoir, emprisonnés ou exilés (comme Horia Sima).
Ion Antonescu, qui ne doit son maintien au pouvoir qu’au soutien allemand, s’engage dans une alliance militaire solide avec eux. Il participe à l’invasion de l’URSS en juin 1941 avec un contingent de près de 500 000 soldats, reprend la Bessarabie et la Bucovine du nord, y commet un génocide de grande ampleur contre les Juifs, conquiert le sud de l’Ukraine et prend part à la prise de la Crimée et à la bataille de Stalingrad. Décimée, l’armée roumaine devra battre en retraite en même temps que l’armée allemande.
En mars 1944, l’Armée rouge est aux portes de la Roumanie. La résistance anti Antonescu s’organise. Le roi Michel I, que le général Antonescu avait placé sur le trône après l’exil de Carol II, ordonne un coup d’Etat afin de pouvoir se trouver dans le camp des vainqueurs. Ion Antonescu est assigné à résidence à Bucarest. Un nouveau coup d’Etat est réalisé, en mars 1945, cette fois par les communistes. Une dictature socialiste sera instaurée et durera jusqu’en 1989. Antonescu est transféré à Moscou, puis rapatrié en Roumanie pour y être jugé par les communistes. Ceux-ci le condamneront à mort et l’exécuteront le 1er juin 1946.
„Les leçons de la Seconde Guerre mondiale sont toujours actuelles”
.Le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, décrit, dans un article paru dans „Wszystko co Najwazniejsze”, les événements qui ont mené au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale :
„L’Europe d’avant-guerre est tombée dans le piège de la Seconde Guerre mondiale car elle était incapable, des années durant, de saisir et d’évaluer correctement les menaces posées par deux idéologies totalitaires. Comme phénomènes, tant le communisme soviétique que le nazisme allemand dépassaient l’entendement des élites politiques de l’époque. En particulier, le nazisme et la fascination des masses allemandes pour Hitler étaient inconcevables pour les Européens. Après tout, l’Allemagne, pendant des années, était restée un modèle de culture hautement développée, immunisée contre la folie de masse”.
„Dès son arrivée au pouvoir, Hitler ne cachait pas ses ambitions impériales. Et pas à pas, il s’est mis à les mettre en pratique, d’abord par l’Anschluss de l’Autriche, puis par l’annexion de la Tchécoslovaquie. L’un et l’autre n’ont rencontré que la passivité d’une Europe qui se leurrait en pensant que la guerre pourrait être évitée, si l’appétit allemand était satisfait. Le prix de la paix devait être la soumission des nations et des États que l’Allemagne considérait comme sa zone d’influence, son Lebensraum”.
„À cet égard, la Pologne était un cas à part. Plus d’une fois, Hitler avait agité des offres de coopération, en échange d’un statut d’État subordonné, mais la Pologne les avait toutes rejetées. Par conséquent, la décision de l’Allemagne ne pouvait être autre que d’envahir la Pologne. En même temps, Hitler avait deux préoccupations : la première, concernant la réaction de l’Occident à l’agression de son allié polonais ; l’autre – la réaction de l’Union soviétique officiellement hostile au Reich”.
„Faisant fi des nombreuses différences, les deux totalitarismes se sont unis dans leur désir de détruire l’État polonais. Le 23e août 1939, le IIIe Reich et l’URSS ont signé un pacte de non-agression, complété par un protocole supplémentaire secret, dans lequel les deux États se partageaient les territoires de la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Finlande et la Roumanie”.
„Le pacte Ribbentrop-Molotov a scellé le sort de l’Europe centrale et orientale. Le 1er septembre, l’Allemagne a attaqué la Pologne ; le 17e septembre l’Armée rouge a fait de même. La Pologne est ainsi devenue la première victime meurtrie de la guerre, Hitler et Staline ayant le sentiment d’une double victoire : non seulement ils ont pu triompher rapidement en mettant à profit leur avantage militaire écrasant, mais surtout ils n’ont rencontré aucune réaction concrète des États occidentaux”.
Nathaniel Garstecka