Aout 843, le Traité de Verdun partageait l’Empire de Charlemagne
Le partage de l’Empire de Charlemagne en trois royaumes mit à mal l’unité impériale. Le Traité de Verdun est considéré comme l’acte de naissance de la France et de l’Allemagne.
L’Empire de Charlemagne
.Il s’agit de l’un des Etats les plus remarquables du haut Moyen âge. Charles le Grand est parvenu à réunir les terres gauloises et germaniques. Grâce à la longévité de son règne, il a étendu son empire à la moitié nord de l’Italie, aux Pyrénées (malgré des complications contre les Arabes et les Basques, la célèbre bataille de Ronceveaux) et même au Danube dans l’actuelle Europe centrale. S’appuyant sur l’Eglise, il a pu se faire sacrer Empereur d’Occident, voulant ainsi perpétuer la tradition de l’Empire romain.
Charlemagne travailla aussi à organiser l’administration et la société. Il fallait un Etat fort pour gérer des peuples aussi différents que les Gallo-romains, les Francs, les Germains, les Lombards, dans le contexte de féodalité montante. Chaque année se tient une assemblée des seigneurs, des nobles et des hommes d’Eglise, au cours de laquelle Charlemagne dicte les grandes lignes de la tenue de l’Empire.
Le pouvoir local est détenu par des comtes, dont la fonction devient héréditaire. Se mettent ainsi en place les traditions de la monarchie française, qui prendra le relais après l’éclatement de l’héritage carolingien. Par ailleurs, l’écriture est réformée, des écoles sont ouvertes, les monastères recopient et transmettent les ouvrages antiques: cette époque est celle de progès culturels importants.
Charlemagne parvient à maintenir l’unité de ses possessions en les transmettant à son fils Louis I, „le Pieux” ou „le Débonnaire”. La coutume salique préconisait de partager le royaume entre tous les héritiers mâles. Les autres fils de Charlemagne étant morts rapidement, Louis resta le seul héritier légitime de l’Empire. Cependant, lui-même aura plusieurs fils et l’histoire de l’Europe basculera.
Le Traité de Verdun
.Charlemagne meurt en 814. Louis est sacré empereur en 816. Il a trois fils : Pépin, Lothaire et Louis II, qui se disputent au sujet des territoires qui leur reviendront. Il prend la décision d’organiser la partition de l’empire de son vivant, en attribuant des terres à ses fils. Plusieurs projets de partage voient le jour, évoluant au gré des rapports de force politiques et des complots de palais. Une guerre civile vient à éclater entre l’empereur Louis I et ses fils.
Après les troubles des années 830, Louis finit, épuisé, par mourir en 840, laissant l’avenir de l’empire dans l’incertitude. Les tensions reprennent, mais elles sont de courte durée. Les descendants de Louis sont conscients qu’un accord est inévitable. Pépin étant mort, c’est Charles II, fils tardif de Louis I, qui prend le relais en Aquitaine.
Ainsi, en aout 843, à Verdun, les petit-fils de Charlemagne se réunissent afin de se partager officiellement l’empire en royaumes distincts. Charles „le Chauve” reçoit la Francie occidentale (sans la Provence et une partie de la Bourgogne), qui deviendra le royaume de France. Louis „le Germanique” reçoit la Francie orientale : la Saxe, l’Austrasie, l’Alamannie et la grande Bavière. Lothaire, quant à lui, reçoit tous les territoires situées entre ceux de Charles et ceux de Louis : la Lotharingie (l’actuel Benelux et l’Alsace-Lorraine), la Bourgogne, la Provence et l’Italie du nord (Lombardie). Il hérite aussi du titre d’empereur.
De nombreuses corrections territoriales auront lieu durant les années suivantes, en particulier après la mort de Lothaire. Son royaume sera partagé entre ses fils, puis en partie récupéré par Charles et Louis. Deux grandes entités étatiques naîtront à cette occasion : le Royaume de France et le Saint-Empire Romain Germanique (englobant l’Italie du nord). C’est la naissance des royaumes médiévaux modernes et l’histoire de l’Europe s’articulera autour de cette région.
L’œil des historiens
.De nombreux historiens écriront au sujet du Traité de Verdun, l’un des événements les plus importants de l’histoire de l’Europe.
Jacques Bainville : „L’unité de l’empire carolingien était rompue. De cette rupture il allait mourir encore plus vite que la monarchie mérovingienne n’était morte. Les partages étaient l’erreur inguérissable de ces dynasties d’origine franque. Celui de Verdun eut, en outre, un résultat désastreux : il créait entre la France et l’Allemagne un territoire contesté, et la limite du Rhin était perdue pour la Gaule. De ce jour, la vieille lutte des deux peuples prenait une forme nouvelle. La France aurait à reconquérir ses anciennes frontières, à refouler la pression germanique : après plus de mille ans et des guerres sans nombre, elle n’y a pas encore réussi.”
„Nous devons un souvenir à celui des petit-fils de Charlemagne auquel la Gaule échut. Si Charles n’avait pas rétabli l’unité de l’Empire, il avait affirmé l’unité française. C’était une idée nationale. Pour qu’elle vécût, il n’était pas inutile qu’elle eût été proclamée avant la disparition de l’Etat carolingien. Cette idée vivrait. D’autres allaient la recueillir.”
Max Gallo : „Empire partagé, royaumes affaiblis. Comment résister à ces envahisseurs normands qui remontent la Seine jusqu’à Paris, massacrent les évêques de Chartres, de Bourges, de Beauvais, de Noyon, longent les côtes jusqu’au delta du Rhône, pillent Arles, Nîmes, Valence ? Les paysans s’arment ou fuient, échappant ainsi souvent à la condition d’esclaves, et c’est en hommes libres qu’ils s’établissent sur d’autres terres. Pendant que ces incursions normandes atteignent le cœur des royaumes francs, leurs rois s’entredéchirent dans l’espoir de reconstituer à leur profit l’unité impériale perdue. Quête vaine, épuisement d’une dynastie dans des guerres fratricides, qui tente en vain de réunir ce qu’on peut commencer d’appeler la France et l’Allemagne. C’est l’Eglise qui va choisir de soutenir une nouvelle dynastie.”
Jean Sévillia : „Les conséquences du traité de Verdun seront immenses, au point que l’acte de 843 peut être classé parmi les événements fondateurs de notre histoire. Les contemporains l’ignorent mais, contrairement aux précédents partages mérovingiens et carolingiens, il n’y aura pas de retour de l’unité des trois royaumes.”
„Le traité de Verdun pose donc une division de l’espace européen qui durera plus de mille ans, jusqu’à nos jours. En ce sens, il prépare la naissance de la France.
„A cet avènement, une nouvelle dynastie attachera son nom.”
Nathaniel Garstecka