80 ans des premières exhumations dans la forêt de Katyń

Fin mars 1943, les Allemands procédaient aux premières fouilles dans la forêt de Katyń sur le site du crime commis par les Soviétiques sur des prisonniers de guerre polonais.
Forêt de Katyń: une découverte macabre
.S’il est difficile d’établir à quelle date exacte les fosses furent découvertes, il est communément admis que c’est vers la fin mars – début avril 1943 que les Allemands, qui avaient envahi l’URSS en juin 1941, débutèrent les travaux d’exhumation dans la forêt de Katyń, près de Smoleńsk (actuelle Russie). Ils mirent à jour des milliers de cadavres exécutés d’une balle dans la nuque et achevés à la baïonnette. Ces cadavres avaient les mains attachées dans le dos et portaient des uniformes polonais.
Il s’avéra rapidement qu’il s’agissait de prisonniers de guerre capturés par les Soviétiques durant l’invasion de la Pologne en septembre 1939 et exécutés au printemps 1940. La plupart étaient des officiers de l’armée polonaise. Les fosses de la forêt de Katyń comptaient entre 4 000 et 5 000 cadavres. Plusieurs milliers d’autres seront découverts ailleurs en URSS, notamment à Charkov, Tver et Mińsk. Le nombre total de victimes polonaises des exécutions massives soviétiques se fixera entre 20 000 et 30 000.
Un enjeu historique et une mémoire prégnante
.Rapidement, les Allemands comprennent qu’ils peuvent tirer profit de cette découverte afin de renforcer la propagande antisoviétique. Parallèlement, Staline nie fermement et ce n’est qu’en 1990 que Gorbatchev finira par admettre que c’est le NKVD (la police politique soviétique) qui a commis les crimes contre les prisonniers polonais.
Entre temps, de nombreuses commissions scientifiques se succédèrent sur les lieux de découverte des fosses communes, que ce soit pendant la guerre mais aussi après. Il a été manifeste très rapidement que les Allemands n’étaient pas coupables. L’état de décomposition des cadavres découverts en 1943 indiquait clairement que les victimes avaient été exécutées au moins un an avant l’entrée des troupes allemandes sur le territoire soviétique. Leur identification a révélé qu’il s’agissait de prisonniers polonais ayant été enfermés dans les camps soviétiques (principalement en Russie, en Ukraine et en Biélorussie) d’Ostaszków, Kozielsk et Starobielsk.
Ainsi, les Alliés savaient, au moment du procès de Nuremberg en 1946, que ce sont les Soviétiques qui avaient commis ces crimes. Ces derniers tentèrent néanmoins d’accuser les Allemands, sans succès. Pour autant, l’URSS siégeant à la table des vainqueurs, le tribunal préféra ne pas désigner de coupable mais valida le qualificatif de génocide pour décrire les massacres de prisonniers polonais. L’affaire, qui était en réalité un secret de polichinelle, resta ouverte jusqu’à l’ouverture des archives soviétiques.
Du fait de l’absence de reconnaissance officielle de la part des Soviétiques pendant des décennies, ce qui fut appelé „le massacre de Katyń” (désignant les exécutions massives de prisonniers et d’officiers polonais par le NKVD au printemps 1940) devint un enjeu mémoriel fondamental pour la Pologne. C’est l’élite de la nation polonaise qui avait été ciblée par le totalitarisme communiste, en tant qu’ „ennemis de classe”.
Les hitlériens avaient aussi essayé d’exterminer les élites polonaises mais le crime soviétique restait, lui, impuni. Katyń devint le symbole de l’occupation soviétique de la Pologne entre 1939 et 1941, en même temps que les déportations de centaines de milliers de Polonais en Sibérie et en Asie centrale.
Lors de la commémoration des 70 ans du crime de Katyń, en avril 2010, l’avion transportant vers Smoleńsk le Président polonais Lech Kaczyński et plusieurs membres du gouvernement et les familles des victimes s’écrasa, ce qui entraîna la mort de tous les passagers et de l’équipage. Cet événement rajouta une dimension dramatique supplémentaire à la tragédie de Katyń.
„82 ans et 400 km séparent Boutcha de Katyń”
.Enfin, l’invasion russe de l’Ukraine et les crimes commis entre autres dans la ville de Boutcha ont fait resurgir les traumatismes du passé.
Eryk Mistewicz, président de l’Institut des Nouveaux Médias (Instytut Nowych Mediów) et éditeur de « Wszystko co Najważniejsze » écrit au „Figaro”: „J’ai du mal à maîtriser mes émotions quand je vois les photos des charniers de Boutcha. Chaque Polonais connaît ces photos de fosses communes, d’exhumations, de cadavres avec des traces de balles tirées à bout portant dans la nuque, de corps excavés du sable, de fosses collectives au milieu de la forêt, couvertes de chaux pour dissimuler le plus vite possible les moindres traces de ces crimes. Seulement, elles ne datent pas d’avril 2022, mais de 1940. Et elles n’ont pas été prises à Boutcha, mais à quatre cents kilomètres de là, à Katyń, Ostaszków et Smoleńsk.”
Il ajoute: „Chaque Polonais, chaque habitant d’Europe centrale connaît ces noms. D’une balle dans la nuque, les Russes assassinèrent 25 000 officiers, professeurs, médecins et prêtres polonais. Ce n’était pas leur seul crime de masse. Les fusils et chars russes ne visaient pas que les Polonais. Chacune des nations d’Europe centrale et orientale a sa propre histoire meurtrie : Tchèques, Slovaques, Lituaniens, Lettons, Estoniens – pour nous limiter aux nations qui composent aujourd’hui l’Union européenne.”
Nathaniel Garstecka