
Hommage commun aux victimes du génocide de Volhynie

Le président polonais Andrzej Duda et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky ont rendu un hommage commun aux victimes des massacres de 1943 et 1944 dans les régions du sud-est de la Pologne.
Hommage commun à la cathédrale de Luck
.Andrzej Duda s’est rendu à Luck, dans l’oblast de Volhynie, ce dimanche 9 juillet 2023, afin de participer à un office religieux commun avec Volodymyr Zelensky et commémorer les 80 ans du génocide perpétré par l’UPA (“Armée insurrectionnelle ukrainienne”) contre les civils polonais.
La cérémonie a eu lieu dans la cathédrale Pierre et Paul, en la présence de dignitaires catholiques et orthodoxes. Les deux présidents ont ensuite déposé des bougies funéraires au pied de l’autel de l’église.
Le président polonais a commenté cet événement : „A Luck en Volhynie, pour les 80 ans du „Dimanche Sanglant”, nous honorons ensemble, avec le président Zelensky, la mémoire des polonais innocents massacrés. Nous sommes liés par cette mémoire. Ensemble nous sommes plus forts”.
Le président ukrainien lui a emboîté le pas : „Nous honorons ensemble les victimes innocentes de Volhynie ! La mémoire nous unit ! Ensemble nous sommes plus forts !”
Le 11 juillet 1943, profitant de l’office religieux catholique, les troupes de l’UPA lancèrent une attaque sur plusieurs dizaines de villages de la région de Volhynie, habitée conjointement par des Polonais et des Ukrainiens. L’organisation nationaliste visait en particulier les Polonais, afin de procéder à un nettoyage ethnique sur ces terres considérées comme devant faire partie d’un Etat indépendant ukrainien. Plusieurs autres régions ont été touchées par des vagues de massacres contre les Polonais, de 1942 à 1945. Le nombre de victimes est estimé à 100 000.
La question du génocide de Volhynie et de sa mémoire est un obstacle à l’amélioration des relations entre Ukrainiens et Polonais. Des gestes allant dans le sens de la réconciliation sont régulièrement effectués depuis 2016 et l’agenouillement du président ukrainien Petro Porochenko devant le monument aux victimes du génocide, à Varsovie. L’hommage commun de MM. Duda et Zelensky s’inscrit dans ces efforts mutuels, à un moment où le drame de Volhynie est instrumentalisé par la propagande pro russe afin de diviser le camp occidental.
„En discutant du massacre de Volhynie, nous devrions nous concentrer sur une analyse factuelle des sources”
„Le sujet du massacre de Volhynie suscite beaucoup d’émotions. Il s’agit d’une question importante, surtout dans le contexte actuel de la guerre russo-ukrainienne. En effet, la Russie a lancé une invasion sous le prétexte de la « dénazification de l’Ukraine ». L’État russe utilise n’importe quel prétexte pour déclarer les Ukrainiens modernes nationalistes ou même nazis, en se servant souvent d’événements choisis dans le passé qui deviennent partie intégrante de la propagande russe. L’un de ces événements est le massacre en Volhynie”.
„La Fédération de Russie adopte un comportement différent de celui de l’URSS à cet égard. La propagande soviétique et ceux qui ont créé des publications spéciales pour discréditer le mouvement de libération nationale ukrainien n’ont pas accordé d’attention particulière au massacre de Volhynie. En Pologne socialiste, ce sujet était également passé sous silence. La Volhynie n’était pas au centre de l’attention à l’époque. Ce n’est que dans la Pologne indépendante, après la chute du régime communiste, que le sujet est revenu sur le tapis. En effet, l’URSS et la République populaire de Pologne ne voulaient pas saper les fondements de l’ « amitié » polono-ukrainienne. Nous savons très bien ce qu’était cette « amitié » : l’union de deux systèmes non démocratiques, appartenant alors au « camp socialiste »”.
„Dans le contexte du massacre de Volhynie, il est essentiel de ne pas présenter le problème de manière unidimensionnelle. Il est également conseillé de limiter autant que possible l’interférence de la politique et des politiciens dans l’affaire de la Volhynie. Je suis convaincu que les évaluations, publications et conclusions ouvertement ou unilatéralement anti-polonaises et anti-ukrainiennes ne peuvent en aucun cas servir de base aux déclarations politiques de nos pays. Toutes les tensions polono-ukrainiennes sur cette question seront immédiatement exploitées par les forces radicales en Pologne et en Ukraine, ainsi qu’en Russie. Les historiens doivent donc faire des recherches et ne pas avoir peur de ce que j’appelle le patriotisme critique. Sur le plan politique, en revanche, la condamnation de la violence est tout à fait suffisante pour que ce « léviathan volhynien » ne se réveille plus jamais sur le territoire de nos États indépendants”.
„Pour pardonner, il faut se vaincre soi-même”
„Le temps guérit les blessures. Même celles qui se créent au fil des ans, des siècles, exposées ou cachées. Car il s’avère qu’il n’y a rien de plus durable chez un être humain que les regrets. Des occasions manquées, des griefs non résolus depuis longtemps, des tragédies qui s’étendent sur des générations, du sang versé. Un cri de vengeance au ciel”.
„Il y a eu de nombreux problèmes de ce type entre les nations d’Europe centrale et orientale. Ce n’est pas sans raison, après tout, que Timothy Snyder a qualifié notre partie du monde de « terres ensanglantées ». Alors qu’à l’Ouest la civilisation s’épanouissait, que la culture se développait et que les opéras de Paris et de Berlin résonnaient des concerts de Mozart et de Beethoven, entre la Baltique et la mer Noire se déroulaient des drames d’un genre rarement vu dans l’histoire du monde : le voisin faisait du mal à son voisin, contre toutes les règles et tous les commandements, et au lieu de la musique, on entendait les cris de désespoir et, le plus souvent, le fracas des armes et les coups de feu dans les champs et les forêts vides. Notre partie du monde a trop souvent été victime de rivalités et de batailles, trop souvent une terre de sang versé. Et le pire, c’est que peu de ces problèmes ont été résolus. Une multitude de problèmes balayés sous le tapis, en contradiction avec les paroles des prophètes de tous les temps – commodes pour les ennemis, incompréhensibles pour les voisins, difficiles pour nous-mêmes. On entend toujours les échos des querelles passées, le ferment des guerres successives. Toujours et encore du pareil au même”.
„Mais la paix est aussi un don et une tâche. Un don de nous-mêmes lorsque nous sommes capables de renoncer à cette partie de nous-mêmes qui réclame réparation, voire vengeance, pour les torts du passé. Laisser le passé derrière soi, en tirer des leçons, les enseigner à soi-même et aux autres, voilà qui est fondamental. Et cela fait partie de la tâche ou non de nous atteler à la paix. Car parfois le pardon ne suffit pas, il faut aussi maîtriser la partie de soi qui veut encore se battre. Bien sûr qu’il faut se battre, mais il y a des moments où se battre contre les autres n’apporte pas de solution. Il faut d’abord se vaincre soi-même”.
Nathaniel Garstecka