fr Language FlagIl y a 15 ans éclata la guerre entre la Russie et la Géorgie

Guerre Géorgie

Le 8 aout 2008, la Russie s’est engagée auprès des séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du sud contre la tentative de la Géorgie de restaurer son autorité sur ces régions.

Origines du conflit

.Les tensions entre séparatistes ossètes et abkhazes et forces géorgiennes sont récurrentes depuis les années 1980 et le début de l’effondrement de l’URSS. Le statut de ces régions est peu clair, entre déclarations d’indépendance, soutien de la Russie, non reconnaissance par la communauté internationale et relative autonomie au sein de la république de Géorgie.

Si la politique soviétique avait permis de geler la question des nationalités dans le Caucase depuis l’invasion de la Géorgie en 1921, la Russie a rapidement utilisé à son avantage le principe „diviser pour mieux régner”, soutenant les séparatismes régionaux non seulement dans cette zone, mais dans la plupart des pays de l’ex-URSS, en particulier en Moldavie et en Ukraine.

La Géorgie s’est déjà opposée à plusieurs reprises aux tentatives d’indépendance, non reconnues par la communauté internationale, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud. Plusieurs guerres éclatèrent, dans le contexte de la chute de l’Union Soviétique entre 1991 et 1993, se soldant à chaque fois par des avancées pour les séparatistes soutenus par la Russie.

Depuis, les accrochages entre forces géorgiennes et miliciens séparatistes se succédèrent, même après l’arrivée au pouvoir d’un dirigeant géorgien pro occidental et moderniste, Mikhail Saakachvili. Ayant besoin d’une victoire diplomatique de poids, ce dernier s’oppose à l’établissement de relations officielles entre la Russie de Vladimir Poutine et les indépendantistes abkhazes et ossètes, qui ouvrait la voix à la reconnaissance de l’indépendance des deux régions sécessionistes. Cette opposition s’est muée en nouveau conflit armé.

Déroulement des événements

.Dans la nuit du 7 au 8 aout 2008, les troupes géorgiennes sont lancées afin de restaurer l’autorité légale de la Tbilissi sur l’Ossétie du sud, qui était protégée par des forces de maintien de la paix russes. Bénéficiant d’un relatif effet de surprise, les Géorgiens infligent des pertes aux Russes mais ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs initiaux, notamment la capture de la capitale ossète, Tskhinvali.

La suite des événements est un recul rapide de l’armées géorgienne au fur et à mesure de l’arrivée de plus en plus de renforts russes. La Russie avait élaboré un plan d’attaque contre la Géorgie qui consistait à occuper les routes et les points stratégiques de la moitié nord du pays, jusqu’à la capitale Tbilissi, en particulier le port de Poti et la ville de Gori.

Les populations civiles souffrent de la violence des combats. Des dizaines de milliers de personnes fuient les zones de bataille, des centaines sont tuées dans des bombardements tant géorgiens que russes et séparatistes. La Russie exige un renoncement complet de la Géorgie à sa souveraineté sur l’Abkhazie et l’Ossétie du sud tandis que le Président français, Nicolas Sarkozy, propose un plan de paix consistant à un retour aux positions d’avant-guerre et de négociations sur le statut des deux régions sécessionistes. Le nouveau Président russe, Dimitri Medvedev valide le plan et le soumet aux dirigeants abkhazes et ossètes, alors que le Président géorgien, Mikhail Saakachvili, refuse d’accepter la perte de territoires.

Le 12 aout, les Présidents de la Pologne, de l’Ukraine, de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie arrivent à Tbilissi afin de soutenir la Géorgie, au moment où la menace russe plane toujours sur la capitale. A partir du 16 aout, un cessez-le-feu entre en vigueur et la Russie s’engage à évacuer le territoire géorgien, mais des accrochages ont toujours lieu. Le 25 aout, l’Abkhazie et l’Ossétie du sud demandent à la Russie de reconnaître leur indépendance, ce qui suscite des protestations de la part des pays européens et des Etats-Unis.

Le lendemain, le Président russe Dimitri Medvedev décrète l’indépendance des régions séparatistes, mettant en avant „la nécessité de protéger les populations menacées de génocide par les Géorgiens”. L’ONU ne suit pas et la Géorgie rompt ses relations diplomatiques avec la Russie. La situation sur le terrain se stabilise, mais des bases militaires russes sont installées en Abkhazie et en Ossétie du sud.

Depuis, les relations entre la Russie et la Géorgie ne sont pas améliorées, bien que des tentatives de normalisation aient eu lieu. La Géorgie continue à dénoncer la présence militaire russe et la Russie soutient les mouvements d’opposition au cours pro occidental (pro UE et pro OTAN) pris par Tbilissi, notamment depuis l’arrivée au pouvoir de Salomé Zourabichvili. En 2022, la Géorgie dénonça l’invasion russe de l’Ukraine, mais ne s’associa pas aux sanctions économiques contre la Russie.

Le Président polonais en Géorgie

.Le 12 aout 2008, le Président polonais Lech Kaczynski se rendit à Tbilissi, accompagné de ses homologues ukrainien, lituanien, letton et estonien, afin de soutenir la Géorgie et d’alerter sur le renouveau de l’impérialisme russe. Il y prononça un discours marquant et prophétique, devant 150 000 Géorgiens :

„Nous sommes ici afin de témoigner de notre pleine solidarité. Nous sommes ici, dirigeants de cinq Etats, Pologne, Ukraine, Estonie, Lettonie et Lituanie. Nous sommes ici afin de lutter à vos côtés. Pour la première fois depuis longtemps, notre voisin du nord et de l’est a montré un visage que nous connaissons depuis des centaines d’années. Ce voisin estime que les nations qui l’entourent doivent lui être soumises. A cela, nous disons non! Ce voisin, c’est la Russie!”

„Ce pays estime que l’époque de son empire, effondré il y a presque 20 ans, revient. Il estime qu’il peut à nouveau dominer cette région, mais ce temps-là est révolu pour toujours! Nous tous avons subi cette domination par le passé, ce malheur pour une grande partie de l’Europe. Cette domination était un crime contre la nature humaine, on nous a imposé un régime étranger et hostile, on nous a imposé une langue étrangère.”

„En quoi la situation d’aujourd’hui diffère de celle du passé ? Aujourd’hui, nous sommes unis. Aujourd’hui, le monde devait réagir, même s’il a longtemps été peu enthousiaste à cette idée. Nous sommes ici pour que le monde réagisse encore plus fort, en particulier l’Union Européenne et l’OTAN.”

„Quand j’ai initié cette venue, certains pensaient que les présidents prendraient peur et ne se déplaceraient pas. Personne n’a eu peur, tout le monde est venu! L’Europe centrale a des dirigeants courageux! J’aimerais le dire non seulement à vous, mais aussi à nos amis de l’Union Européenne, que l’Europe centrale et la Géorgie sont une région qui va gagner en importance.”

„Nous savons très bien qu’aujourd’hui c’est la Géorgie, demain ce sera l’Ukraine, après demain les pays baltes et plus tard ce sera le tour de mon pays, la Pologne.”

„Nous étions profondément convaincus que l’appartenance à l’UE et à l’OTAN mettrait un terme à l’appétit russe. Il s’avère que non! Cependant, nous sommes capables de nous y opposer. Nous sommes capables de nous y opposer si les valeurs sur lesquels l’Europe est fondée peuvent être concrètement mises en application. Si ces valeurs ont un sens, nous devons être ici et toute l’Europe doit être ici. Il y a quatre pays ici, membres de l’OTAN, et l’Ukraine, un grand pays, il y a aussi le Président du Conseil européen, M. Sarkozy, mais la totalité des 27 pays de l’Union devrait être là!”

„Nous croyons fermement que l’Europe comprendra votre droit à la liberté et qu’elle comprendra son intérêt, qu’elle comprendra qu’après avoir vaincu la Géorgie, la Russie rétablira son empire et ce n’est pas dans notre intérêt. C’est pour cela que nous sommes là!”

Nathaniel Garstecka

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 08/08/2023
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