Il y a 80 ans, le capitaine Witold Pilecki s’évadait du camp d’Auschwitz

Il y a 80 ans, le capitaine Witold Pilecki s’évadait du camp d’Auschwitz

Dans la nuit du 26 au 27 avril 1943, le capitaine Witold Pilecki s’évadait du camp de concentration allemand d’Auschwitz afin de fournir aux Alliés un rapport sur les crimes allemands et la résistance polonaise.

Le capitaine Witold Pilecki, un héros polonais

.Witold Pilecki est un officier polonais, né en mai 1901, qui a déjà combattu pour l’indépendance de la Pologne lors de la guerre soviéto-polonaise en 1919-1921. Mobilisé en aout 1939, il prend part à la campagne de Pologne. Le pays étant rapidement défait sous les assauts conjoints des Allemands et des Soviétiques, Pilecki entre immédiatement en résistance, à l’automne 1939. Il fonde la TAP („Tajna Armia Polska”, Armée Secrète Polonaise) qui fusionne ensuite avec d’autres mouvements de résistance pour former l’AK („Armia Krajowa”, Armée de l’Intérieur).

En 1940, le capitaine Pilecki propose à ses supérieurs de se laisser capturer par les Allemands afin de se faire emprisonner au camp de concentration allemand d’Auschwitz et d’y organiser un réseau de résistance et de collecte d’informations sur les atrocités commises en ce lieu par les hitlériens. Son projet est approuvé et il est effectivement emprisonné à Auschwitz en septembre 1940. Il y restera presque trois ans.

Fin avril 1943, après avoir passé des mois à transmettre des informations à la résistance polonaise et à demander en vain aux Alliés d’attaquer le camp, il s’en évade avec plusieurs camarades. Il rédigera deux rapports sur les activités de la résistance au sein du complexe d’Auschwitz et sur l’inhumanité allemande dont il a été témoin.

Witold Pilecki, un témoin des crimes allemands et soviétiques

.Les „Rapports Pilecki” sont, avec les „Rapports Karski”, des documents importants qui témoignent de la réalité des crimes commis en Pologne occupée contre les Polonais et les Juifs. Ils ont été transmis aux Alliés qui les ont trouvés „exagérés” et ont refusé de croire à ce qui y été décrit. Ils ne prendront réellement conscience de l’horreur qu’au fur et à mesure de la libération de l’Europe.

Witold Pilecki, quant à lui, continue la lutte contre les Allemands après son évasion. Il rejoint Varsovie et participe à l’Insurrection de la ville en aout 1944. Suite à cela, les Allemands finissent par être repoussés par les Soviétiques qui occupent à leur tour la Pologne. Ils y établissent un nouveau régime de terreur et installent un gouvernement fantoche. Le capitaine Pilecki poursuit ses activités de résistance sur place, documentant les crimes commis par les Soviétiques en Pologne entre 1939 et 1941 et à partir de 1944. Découvert, il a la possibilité de quitter le pays mais refuse.

Il est capturé par des agents de la sécurité publique en mai 1947. En tant qu’ancien membre de l’AK et fidèle au gouvernement légal en exil, il n’a que très peu de chances de s’en sortir. Les communistes organisent une parodie de procès, dont l’issue est connue d’avance : la peine de mort. Il est exécuté dans la foulée et son corps ne sera jamais retrouvé. Après la chute du communisme, la Pologne libre le réhabilitera et le décorera à titre posthume de l’ordre de l’Aigle blanc, plus haute décoration polonaise.

La vie et la mort du capitaine Witold Pilecki sont symboliques de l’histoire de la Pologne : l’héroïsme, la lutte pour la liberté et contre les totalitarismes, le sacrifice au nom de ses idéaux. Michael Schudrich, grand rabbin de Pologne, écrira à son sujet: „Lorsque Dieu créa l’homme, Dieu pensa que nous devrions tous être comme le capitaine Witold Pilecki, de mémoire bénie. Que la vie de Witold Pilecki nous inspire à réaliser chaque jour de notre vie de bonnes actions”.

„L’un des hommes les plus courageux au monde”

.”Il y a encore un quart de siècle, le nom de Witold Pilecki n’était pas connu même de la majorité des Polonais. Aujourd’hui, il est un héros. Son nom orne des plaques de rue à travers tout le pays et les jeunes le choisissent comme patron de leurs écoles ou de leurs groupements de scouts. L’anniversaire de sa mort est célébré presque comme une fête nationale. Trente ans après la chute de la dictature communiste en Pologne et la fin de la domination soviétique en Europe centrale, Pilecki est devenu le symbole de l’héroïsme et du patriotisme polonais”, commente Jarosław Szarek, ancien président de l’Institut de la mémoire nationale de Pologne.

Il ajoute: „En septembre 1940, il se charge d’une mission à peine croyable : il se porte volontaire pour se laisser rafler par les Allemands. Ainsi, il se retrouve au camp de concentration allemand d’Auschwitz. Son rôle est de constater de ses propres yeux les conditions de vie au camp. Un mois plus tard, il envoie déjà un premier rapport à ses chefs. Numéro 4589, il reste derrière les barbelés deux ans et sept mois. Pendant ce temps, il met sur pied un réseau de conspiration « Związek Organizacji Wojskowych » (union clandestine des organisations militaires) regroupant plus de cent prisonniers de tous les kommandos. Avec méticulosité, il documente la sombre réalité du camp. Devant le risque d’arrestation et d’exécution, il entreprend une évasion pleine de bravoure. „

„Le personnage de Witold Pilecki est devenu un symbole. Les Polonais voient dans son destin la vraie histoire de leur patrie, comme contenue dans une biographie individuelle. Des choix dramatiques, la gloire, des souffrances. Son héroïsme voué à disparaître de la mémoire collective est aujourd’hui redécouvert. D’où la fascination pour ce personnage d’exception. Qui prouve aussi la véracité d’une conviction profondément ancrée dans l’âme polonaise : la vérité triomphe toujours”, conclut-il.

Nathaniel Garstecka

26/04/2023