La Grèce souhaite rejoindre l’Initiative des Trois Mers

Grèce

La candidature d’Athènes pourrait être validée lors du prochain sommet de l’Initiative des Trois Mers, à Bucarest en septembre 2023.

L’Initiative des Trois Mers

.Lancée en 2015 à sous le patronage du Président polonais Andrzej Duda, il s’agit d’un groupe de coopération intraeuropéen d’anciens pays du bloc de l’est. Pour l’instant, elle compte 12 pays : Autriche, Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie et Tchéquie. A cela s’ajoute l’Ukraine, qui a acquis le statut de partenaire en 2022.

L’objectif de l’Initiative (I3S) est de renforcer le dialogue entre Etats participants, de résoudre les problématiques régionales, de lancer des projets communs comme la Via Carpatia, des connections ferroviaires ou des terminaux de gaz naturel liquéfié reliés par gazoduc.

L’I3S a été nommée ainsi du fait que son ensemble se trouve au contacts de trois mers : la mer Baltique, la mer Noire et la mer Adriatique. C’est aussi un hommage au projet polonais de „fédération de l’entre-mers”, porté par le maréchal Józef Piłsudski durant l’entre-deux-guerres et devant représenter une force d’opposition aux menaces germanique et soviétique.

Le premier sommet eu lieu en 2016 à Dubrovnik, en Croatie. Le Président américain Donald Trump assista au sommet de Varsovie en 2017 et le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, participa à ceux de 2018 et 2019. En 2021, c’est la Présidente grecque Katerina Sakellaropoulou qui se rendit au sommet de Sofia, débutant le rapprochement entre l’I3S et la Grèce.

 Candidature de la Grèce

.Dès 2021, la Grèce avait signifié son intérêt pour l’Initiative des Trois Mers, insistant sur les bénéfices mutuels qui en résulteraient. La Présidente Sakellaropoulou avait déclaré à l’occasion : „Des relations approfondies entre la Grèce et l’Initiative ajouteraient une quatrième mer au projet : la mer Méditerranée, ce dont tout le monde profiterait”.

La Grèce avait déjà été invitée en 2015 à participer au lancement de l’Initiative, mais la crise économique à laquelle faisait face le gouvernement d’Alexis Tsipras l’a empêché de se joindre aux autres pays. Il s’agirait désormais de rattraper le temps perdu et d’accélérer les projets d’investissements déjà en cours. Dans un entretien avec la „Polska Agencja Prasowa”, le professeur Grigoris Zariotadis de l’Université Aristote de Salonique évoque cette candidature grecque : ” L’accession de la Grèce à l’Initiative des Trois Mers sera sans aucun doute bénéfique pour nous, mais aussi pour tout le groupe”. „La Grèce est une porte d’entrée en mer Méditerranée, ce qui est capital pour les flux de marchandises et d’énergie”, ajoute-t-il.

Varsovie soutient la candidature de la Grèce, par la voix de l’ambassadeur de Pologne à Athènes, Artur Lompart : „Nous espérons que la Grèce se joindra à nous et participera aux investissements routiers et ferroviaires qui relieront le nord de l’Europe au sud”.

Le rôle géopolitique de l’I3S a grandement augmenté suite à l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, faisant ainsi écho à la vision de Jozef Pilsudski. „Le port d’Alexandropolis, dans le nord-est de la Grèce et près de la frontière avec la Turquie, a désormais une importance cruciale pour l’OTAN”, commente le docteur Panagiota Manoli et cité par la „Polska Agencja Prasowa”.

„Un forum régional incontournable”

.Dans un article écrit pour “Wszystko co Najwazniejsze”, Horia-Victor Lefter, enseignant d’histoire à Bordeaux et spécialiste de la littérature d’Europe centrale, évoque ce projet fondamental de coopération des pays d’Europe centrale et orientale :

“Depuis la chute du Rideau de Fer, l’Europe centrale tente de trouver sa place dans un système est-ouest en cours de redéfinition : d’un côté, la Russie dont elle essaie de se protéger, de l’autre, l’Union européenne (UE) et l’OTAN auxquelles elle a adhéré. Après avoir posé les premiers jalons en constituant en 1991 avec la Hongrie, la Slovaquie et la Tchéquie, le Groupe de Visegrád (V3 puis V4), la Pologne, s’est alliée avec la Croatie et la Roumanie pour étendre, en 2016, ce noyau à huit autres États et former l’Initiative des Trois Mers (IdTM). Mais, dans une Europe à géométrie variable, l’Europe centrale peut-elle, à travers ce nouveau forum, faire entendre sa voix ?”

„Douze Etats. Reliant les mers Noire et Baltique à l’Adriatique, l’IdTM s’étend de l’Estonie à la Bulgarie, et de l’Autriche à la Roumanie, des États qui ont tous connu l’influence soviétique pendant la guerre froide. Tous sauf l’Autriche qui, d’habitude neutre puisque c’est le seul pays à n’être pas membre de l’OTAN, cherche ainsi à renouer avec les anciens territoires de l’Empire des Habsbourg. Si la Pologne, héritière de la République des Deux Nations, a les mêmes velléités, l’absence de l’Ukraine est la conséquence de l’interférence russe ayant rendu son adhésion à l’OTAN et à l’UE incertaine, puisque seuls les États membres de l’UE peuvent faire partie de l’IdTM. Depuis, Pologne et Lituanie ont formé avec l’Ukraine, en juillet dernier, le Triangle de Lublin, et elles ont aussi appelé cette dernière à coopérer avec les pays d’IdTM, Kyiv ayant fait part, en novembre 2019, de son intérêt à rejoindre l’Initiative.”

„Parler d’une même voix. Si l’Union européenne s’est depuis consolidée et élargie, avec l’adhésion des États situés jusqu’en 1989 derrière le Rideau de Fer, ces derniers estiment à présent qu’ils n’ont pas été suffisamment entendus par Bruxelles, dont le désintérêt pour l’Initiative est, selon les Américains, « visible ». L’Initiative se veut ainsi un moyen pour coordonner les efforts des États membres afin de répondre à des problématiques géopolitiques et de développement, parmi lesquelles l’interconnexion et la sécurité énergétique. Il s’agit de réduire la dépendance vis-à-vis de la Russie et d’améliorer compétitivité et niveau de vie. Aussi, lors du 4e sommet organisé en Slovénie, l’IdTM a-t-elle appelé l’Union européenne à incorporer ses objectifs dans les politiques actuelles et futures. Par ailleurs, ce forum présidentiel est censé rééquilibrer le centre décisionnel de l’UE menée aujourd’hui par la France et l’Allemagne afin de permettre aux États de l’Europe centrale une participation en tant que membres à part entière et de renforcer la légitimité démocratique de l’Union. Récemment, la Pologne, la Lituanie et la Roumanie ont été les principaux États à intervenir dans la crise bélarusse”.

Nathaniel Garstecka

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 16/07/2023