La Moldavie répond aux propos de Sergeï Lavrov

Echange musclé entre les ministres des Affaires étrangères de la Moldavie et de la Russie au sujet des tensions autour de la région séparatiste pro russe de Transnistrie.
Sergeï Lavrov menace la Moldavie
.Mercredi 28 février 2023, le Congrès des Délégués Populaires de Transnistrie a adopté une résolution appelant la Russie à l’aide dans le contexte de l’instauration de droits de douane par les autorités moldaves. Malgré sa volonté séparatiste, la République Moldave du Dniestr (Transnistrie) bénéficiait pendant des années d’un régime de libre-échange avec le reste du pays, témoignage du refus de l’Etat central d’abandonner cette région, composée d’un étroit bandeau de terre de 4 200 km carrés entre la Moldavie et l’Ukraine.
Interrogé, à la télévision d’Etat sur une éventuelle réponse de la Russie à cet „appel”, le ministre des Affaires étrangères russe Sergeï Lavrov a abondamment critiqué le gouvernement moldave et en particulier sa présidente, Maia Stanciu, accusée d’avoir été élue de façon non démocratique et d’être une marionnette anti-russe placée par l’Occident et l’OTAN. Il a ajouté que „si elle poursuit sur cette lancée, la Moldavie pourrait devenir la prochaine Ukraine”, ce qui constitue une menace à peine voilée.
La Russie dispose de 2 000 soldats déployés en Transnistrie depuis près de 30 ans. Une grande partie de la population de cette région est constituée de descendants de colons russes installés après l’annexion de la Bessarabie par Staline en 1940. De la même manière que pour la Crimée et les oblasts de Donetsk et Lougansk en Ukraine, Moscou y a suscité un séparatisme pro russe dès la fin des années 1980, ce qui a abouti à une guerre en 1992 dont l’issue a été l’établissement d’un statut de relative autonomie de la Transnistrie au sein de la Moldavie, assorti de la présence de soldats russes et du renforcement de l’influence de Moscou dans la région.
La Transnistrie est régulièrement accusée de faire fonctionner des réseaux mafieux pour gérer le trafic d’armes et des pans entiers de l’économie, en lien avec la Russie. Malgré la chute de l’URSS, elle a conservé une forte symbolique communiste, notamment son drapeau et ses armoiries, arborant la faucille, le marteau et l’étoile rouge.
La région fait partie du projet „Novorossiya”, qui est l’une des lignes directrices de la diplomatie russe et qui consiste à „rétablir” la souveraineté de Moscou sur les villes de Donetsk, Lougansk, Kharkiv, Dnipropetrovsk, Nikolaev, Kherson, Odessa et sur la Transnistrie, en plus de la Crimée. L’invasion de l’Ukraine est à replacer dans ce projet, mais aussi la politique de Moscou à l’égard de la Moldavie.
Réponse de la Moldavie
.Après cette menace russe, qui n’est pas la première lancée à destination de Chisinau depuis le début de la guerre en Ukraine, le ministère des Affaires étrangères moldave a publié un communiqué sur son site Internet : „Nous rejetons catégoriquement les déclarations du chef du ministère russe des Affaires étrangères, car elles ne correspondent pas à la réalité et font partie de la rhétorique agressive déjà connue de la diplomatie russe”. „La République de Moldavie a clairement défini son avenir, et cet avenir doit faire partie du monde libre”- a déclaré le représentant officiel du ministère des Affaires étrangères et de l’Intégration européenne, Daniel Voda.
Le ministre des Affaires étrangère, Mihai Popsoi, a également réagi, en marge du Forum diplomatique d’Antalya, en Turquie : „Le ministre Lavrov et le régime du Kremlin n’ont aucun droit moral de donner des leçons de démocratie et de liberté. Le pays qui emprisonne les politiciens de l’opposition et les tue, qui attaque ses voisins de manière injustifiée, ne peut offrir au monde que du sang et de la douleur. Nous rappelons au ministre Lavrov que les politiciens moldaves sont élus dans le cadre de processus électoraux libres et transparents, reconnus par la communauté internationale”.
La Moldavie a fait le choix, depuis plusieurs années, d’un rapprochement avec l’Union européenne. Ceci pourrait être considéré comme un prétexte suffisant pour le Kremlin pour justifier une attaque militaire contre ce pays. Le porte-parole du Quai d’Orsay, Christophe Lemoine, a déclaré „suivre avec beaucoup d’attention les tentatives de déstabilisation de plus en plus agressives, vraisemblablement pilotées par la Russie”.
L’élargissement plutôt que la centralisation
„Surtout, les politiques de l’UE doivent changer. Pas vers une plus grande centralisation et le transfert du pouvoir à quelques institutions clés et aux pays les plus forts, mais vers le renforcement des rapports de force entre les peuples d’Europe du Nord, de l’Ouest, du Centre, de l’Est et du Sud. Et pour achever l’intégration de l’UE avec les Balkans occidentaux, l’Ukraine et la Moldavie – conformément aux frontières géographiques de l’Europe.”
Il poursuit, critiquant les menées fédéralistes des progressistes européens: „J’entends souvent dire que l’UE a besoin de réformes si elle veut s’élargir. Il s’agit très souvent d’une proposition camouflée de fédéralisation, de facto – une proposition de centralisation. C’est parce que le mot d’ordre de « fédéralisation » est une concentration imposée du haut vers le bas de la prise de décision.”
Insistant sur le maintien de la souveraineté des Etats et le respect des valeurs de liberté et de démocratie, il déclare : „J’ai une autre proposition : gardons-nous d’empiéter sur des questions où l’intérêt national reste divisé. Faisons un pas en arrière pour faire deux pas en avant. Concentrons-nous sur les domaines où le traité de Rome a donné des compétences à l’Union et laissons-nous guider pour le reste par le principe de subsidiarité.”
Nathaniel Garstecka