„La Pologne et la Lituanie sont les remparts du monde libre” – Mateusz Morawiecki
Le Premier ministre polonais et le Président lituanien, Gitanas Nauseda, se sont rencontrés près de Suwałki, dans le nord-est de la Pologne. La Pologne et la Lituanie doivent faire face à des provocations croissantes de la part de la Biélorussie et du groupe Wagner.
Des tensions à la frontière est
.L’incursion récente de deux hélicoptères biélorusses dans l’espace aérien polonais n’est qu’un nouvel épisode des provocations auxquelles se livre le président Alexandre Loukachenka envers ses voisins occidentaux depuis deux ans.
Depuis l’été 2021, le régime biélorusse, en coopération avec la Russie, soumet la frontière orientale de l’Union Européenne à une pression migratoire en provenance d’Afrique et du Proche-Orient. La Pologne et la Lituanie, qui ont été contraintes de construire une clôture le long de leur frontière avec la Biélorussie, doivent repousser quotidiennement des dizaines de tentatives de franchissement illégal de migrants clandestins acheminés par les forces spéciales de Minsk.
Par exemple, rien que durant la journée du 2 aout 2023, les garde-frontières polonais ont repoussé 154 tentatives d’intrusion de clandestins. Parmi eux, des Iraniens, des Indiens, des Marocains, des Tadjiks, des Egyptiens, des Arméniens.
La Russie a envahi l’Ukraine en février 2022. La Biélorussie, si elle ne participe pas directement au conflit, abrite sur son sol des bases russes qui ont été récemment équipées de têtes nucléaires, M. Loukachenka menaçant de s’en servir „contre tous ceux qui mettraient en péril la sécurité de la Biélorussie”.
Enfin, depuis quelques semaines, le groupe paramilitaire russe Wagner stationne en Biélorussie. Le ministère de la défense biélorusse a déclaré que les troupes de Wagner devaient se livrer à des exercices avec des forces spéciales locales, non loin de la ville de Brzesc, près de la frontière polono-biélorusse. En réaction, la Pologne a décidé de l’envoi de deux divisions militaires supplémentaires afin de renforcer la sécurité de la région.
Rencontre Morawiecki-Nauseda à Suwalki
.C’est dans ce contexte de montée des tensions à l’est que le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki et le Président lituanien Gitanas Nauseda se sont rencontrés près de Suwalki, ville qui prête son nom au corridor reliant les pays baltes à la Pologne et passant entre l’enclave de Kaliningrad et la Biélorussie, un objectif militaire majeur en cas de conflit dans cette région.
Le deux chefs d’Etat ont évoqué les problématiques sécuritaires auxquelles font face leurs deux pays, la Pologne et la Lituanie, ainsi que leur coopération au sein de l’OTAN.
Lors de la conférence de presse commune qui a suivi leur rencontre, M. Morawiecki a informé que depuis le début de l’année, 16 000 clandestins ont essayé de franchir illégalement la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, la plupart souhaitant se rendre en Allemagne. Au sujet de la menace que fait peser le groupe Wagner fort de plus de 4 000 hommes, il a déclaré que la Russie essaie de cette façon de „tester la réaction de la Pologne et de ses alliés”.
Le Premier ministre polonais a déclaré, soulignant le rôle fondamental de Varsovie et de Vilnius : „Aujourd’hui, les frontières est de la Pologne et de la Lituanie sont celles du monde libre, faisant barrage aux menées du despotisme oriental. C’est à nos frontières que sont stoppées les attaques hybrides que nous observons depuis deux ans. Soyons conscients que les provocations de la Russie et de la Biélorussie vont se poursuivre”.
Il a ajouté, au sujet de Wagner : „Nous alertons contre les provocations de la Russie et de la Biélorussie. Le Groupe Wagner peut mener des actions de sabotage et tous ceux qui sous-estiment cette menace rendent possible de nouvelles provocations à nos frontières”.
Il a conclu, mettant en avant la coopération entre la Pologne et la Lituanie : „Nous sommes reconnaissants envers nos amis lituaniens pour leur coopération, pour les échanges d’informations entre nos services, pour notre collaboration militaire au sein de l’OTAN avec nos alliés américains, britanniques, français et tous les autres. Nous allons défendre chaque pouce de terre se situant au sein de l’Alliance. C’est grâce à l’OTAN que nous pouvons aujourd’hui vivre en paix et en sécurité”.
Le président Lituanien, Gitanas Nauseda, a évoqué la situation de son pays : „Nous envisageons de fermer la frontière avec la Biélorussie, mais cela devrait être coordonné avec la Pologne et la Lettonie. Nous l’avons cependant renforcée depuis que le groupe Wagner a été déployé à notre frontière est”.
Il a ajouté : „Le groupe Wagner peut servir à Loukachenka et Poutine à provoquer les pays de l’OTAN, c’est pour cela que nous devons travailler ensemble et envisager tous les cas de figure”.
Il a aussi rappelé l’importance du „corridor de Suwalki” : „Nous devons être en mesure de le défendre, car son importance ne cesse d’augmenter. Il fera sans doute l’objet de nombreuses provocations de la part des services russes et biélorusses”.
„La Pologne et la Lituanie défendent les frontières de l’UE”
„Les migrants que la Biélorussie fait venir à Minsk du Proche-Orient par dizaines de milliers et les tentatives de les faire passer illégalement par la frontière est de l’Union européenne n’est qu’un nouveau chapitre des actions hybrides orchestrées par les Russes, visant cette fois-ci la solidarité européenne. La Lituanie et la Pologne, appuyées par d’autres pays de l’UE, réussissent ce test”.
„En occasionnant la crise via la Biélorussie, la Russie veut faire une pression sur toute la région d’Europe centrale et orientale. Les méthodes dont elle use sont différentes. En Ukraine, c’était l’annexion de la Crimée et les tentatives de déstabiliser la situation au Donbass. En Lituanie, la Russie a testé notre capacité de réaction, en provoquant une crise migratoire. À tout moment, nous pouvons nous attendre à des tensions en Moldavie. Moscou maintien aussi son contrôle sur la Transnistrie – une région moldave détachée de la Moldavie constituant ce qu’on appelle dans la doctrine russe « une région de conflit gelé ». Il n’est toutefois pas à exclure qu’après le dernier revirement politique en Moldavie et la prise du pouvoir par une équipe pro-occidentale, la Russie « dégèle » ce conflit pour compliquer les affaires des nouvelles autorités moldaves”.
„L’agression visant les frontières est de l’Union européenne nécessite une coopération étroite entre la Pologne et la Lituanie, avant tout dans le domaine de la sécurité que les deux États doivent assurer non seulement à leurs citoyens mais aussi, dans un esprit de solidarité, à l’Europe tout entière. Dans les orientations de défense de l’OTAN ou des USA, les pays baltes et la Pologne sont une même région. Notre coopération est non seulement stratégique mais tout simplement pragmatique et tout à fait naturelle. Elle s’étend d’ailleurs aussi sur l’énergétique par exemple”.
„Les liens entre nos deux nations ne sont pas récents. Certes, il n’y a pas que des pages claires dans notre histoire commune, mais aujourd’hui notre rôle est de chercher ce qui nous unit et non pas ce qui nous divise, d’autant plus que cette coopération semble bénéfique aux deux parties. Exemple : le Triangle de Lublin, un format mis en œuvre en 2020 par nos deux pays et l’Ukraine qui puise dans nos racines communes : les traditions séculaires de la Couronne du Royaume de Pologne et du Grand-Duché de Lituanie unis dans le but d’accroître leurs potentiels politiques, économiques et culturels. Cet héritage est pour nous une inspiration à plus de solidarité sur le chemin de développement, maintenant et à l’avenir. Notre coopération doit tenir compte aussi de la Biélorussie, car, historiquement parlant, sa place au Triangle de Lublin est plus que naturelle. De plus, cela contribuera à renforcer notre région. La nation biélorusse doit pouvoir compter sur cette perspective”.
Nathaniel Garstecka