La Pologne étudie les crimes de guerre russes en Ukraine
L’Institut Pilecki, rattaché au gouvernement polonais, a publié un rapport détaillant les viols et les crimes sexuels commis par l’armée russe dans les territoires conquis et occupés en Ukraine.
L’Institut Pilecki étudie les crimes sexuels russes
.La guerre en Ukraine dure depuis plus de 2 ans. Le 24 février 2022, l’armée russe a envahi ce pays et occupe plusieurs régions, en particulier dans le Donbass. Dans sa volonté d’apporter un soutien à l’Ukraine, tant militaire qu’humanitaire, la Pologne a missionné l’Institut Pilecki, spécialisé dans la documentation des crimes commis par les régimes totalitaires du XXème siècle, afin de mener une enquête sur les viols dont se sont rendus coupables les soldats de l’armée d’invasion. Dans ce but, l’Institut a créé une structure dédiée, le Centre Lemkin, du nom juriste Juif et Polonais Rafael Lemkin qui a forgé en 1943 le concept de génocide.
Après deux ans de travail sous la direction de la journaliste Monika Andruszewska, le Centre a publié un rapport de 70 pages, compilant des analyses et des témoignages de dizaines de victimes ukrainiennes de viols. Le document est titré „les violences sexuelles de l’armée d’occupation russe contre les femmes ukrainiennes” et sous-titré d’une phrase prononcée par le Président Vladimir Poutine à quelques jours de l’invasion : „que ça te plaise ou non, souffre ma jolie”.
Dans sa notre introductive, Mme Andruszewska a ainsi résumé l’étendue des crimes qu’elle a découvert : „les crimes sexuels commis par l’armée russe ne sont pas le fait spontané et aléatoire d’une poignée de soldats, mais ils font partie d’une stratégie globale de terreur contre l’Ukraine, au même titre que les bombardements de villes et d’infrastructures civiles”.
Viols massifs dans les zones occupées
.Les auteurs du rapport soulignent qu’établir le nombre précis de viols est impossible, du fait de la peur et de la honte des femmes victimes, en particulier dans les territoires qui sont toujours sous contrôle russe. Une première estimation datant du début du conflit faisait état de 700 viols commis en quelques semaines. Ils notent néanmoins que les effets psychologiques sont durables non seulement sur les victimes, mais aussi sur leur entourage.
De nombreux témoignages ont été rapportés et consignés, afin de refléter la diversité des situations vécues par les Ukrainiens. Les victimes peuvent être des filles mineures, des personnes âgées, et même des hommes. Les viols ont lieu au domicile des victimes, dans les centres d’arrêt, dans les camps militaires. Ils peuvent être collectifs, se faire sous la menace de meurtre ou après l’assassinat des membres de la famille de la victime, souvent sous ses yeux. Ce dernier cas s’est avéré fréquent, de nombreuses femmes ayant témoigné qu’avant d’être violées, leur mari, leurs parents ou même leurs enfants ont été abattus.
Dans d’autres cas, les soldats commettent des viols contre des familles entières au même endroit : „Ils étaient quatre, ils ont frappé à la porte. La mère leur a ouvert. Ils se sont jetés sur l’une des filles, qui était mineure. La mère se débattait pour la protéger, sans succès. Ensuite, ils se sont retournés contre la mère”.
L’un des témoignages souligne la haine dont sont animés les soldats russes : „ma mère portait un collier avec une étoile de David. Quand ils ont remarqué qu’elle était juive, ils se sont mis à l’insulter et lui ont arraché son collier”. „Elle a été emmenée dans une prison, violée à plusieurs reprises, torturée pendant des jours et des jours”.
Le viol, arme traditionnelle des armées russes
.Dans son analyse, l’Institut Pilecki écrit que la hiérarchie militaire russe autorise et encourage les viols. „Les autorités russes l’autorisent, mais aussi la société. Nous avons beaucoup d’enregistrements de femmes russes qui incitent leur maris partis au front à violer des Ukrainiennes”. Le viol est utilisé comme arme de guerre par l’armée russe depuis l’époque soviétique et peut actuellement être expliqué par l’absence de punition infligée à l’URSS après les Seconde Guerre mondiale, ainsi qu’à la Russie après les guerres de Tchétchénie, de Géorgie et d’Ukraine en 2014.
L’une des documentalistes ayant travaillé sur le rapport, Iryna Dowhan, qui elle-même a été torturée par les Russes en 2014, détaille l’ampleur des crimes sexuels commis en l’espace d’un mois dans la région de Kiev, au début de la guerre : „L’occupation de la région n’a duré qu’un mois. On a dit aux soldats russes qu’ils allaient „libérer” l’Ukraine. „Libérer” les Ukrainiens des nazis. Cette „libération” a pris la forme de viols massifs, à une échelle inimaginable”.
La directrice de l’Institut Pilecki, le docteur Magdalena Gawin, appelle l’opinion publique internationale à se saisir de la condition des femmes se trouvant sous occupation russe, en particulier à l’approche de la „journée internationale des femmes” : „Je m’adresse à toutes les organisations, qu’elles soient catholiques, féministes, conservatrices ou libérales, pour qu’à l’occasion de cette journée nous pensions à toutes les femmes emprisonnées, torturées et violées en Ukraine”.
Nathaniel Garstecka