La Pologne opposée à la fédéralisation de l’Union Européenne
La Pologne a haussé le ton, dans le cadre de la réunion du Conseil européen du 27 octobre 2023, contre les projets de mécanisme de relocalisation des clandestins et de fédéralisation de l’Union Européenne.
Réunion du Conseil à Bruxelles
.Le vendredi 27 octobre 2023, le Conseil de l’Union Européenne s’est réuni à Bruxelles, en Belgique. Les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 ont abordé plusieurs sujets, notamment sécuritaires et économiques. Les principaux points concernaient la situation en Ukraine et en Israël, les attentats commis par des islamistes en France et en Belgique ainsi que l’immigration, et la compétitivité de l’économie européenne.
Le Conseil a réaffirmé sa condamnation de l’invasion russe de l’Ukraine et „le soutien inébranlable de l’Union européenne à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, ainsi qu’à son droit naturel de légitime défense contre l’agression menée par la Russie”.
Dans la même logique, les dirigeants européens ont condamné „avec la plus grande fermeté le Hamas pour ses attaques terroristes atroces et aveugles en Israël”. „Le Conseil européen insiste fermement sur le droit d’Israël de se défendre conformément au droit international et au droit international humanitaire. Il appelle de nouveau le Hamas à libérer immédiatement tous les otages sans aucune condition préalable”, peut-on lire dans le compte-rendu de la réunion.
Les 27 ont tenu à apporter leur soutien aux pays qui ont été récemment victimes d’attentats islamistes : „Le Conseil européen condamne fermement les récents attentats terroristes perpétrés en France et en Belgique, qui ont tué et blessé des ressortissants suédois et français”.
Les débats ont aussi porté sur le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan : „Le Conseil européen souligne qu’il continue de soutenir les efforts visant à promouvoir une paix viable et durable entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, fondée sur les principes de la reconnaissance de la souveraineté, de l’inviolabilité des frontières et de l’intégrité territoriale”.
Pour ce qui est de l’économie, le chemin que devrait prendre l’Union Européenne est de „développer l’avantage concurrentiel de l’UE dans le domaine des technologies numériques et propres, y compris en mettant l’accent sur l’innovation, la recherche, l’éducation et les compétences; garantir un approvisionnement suffisant en énergie propre et à un prix abordable; réduire les principales dépendances critiques et diversifier les chaînes d’approvisionnement au moyen de partenariats stratégiques; favoriser la transition vers une économie plus circulaire; et réduire la charge réglementaire”.
Position de la Pologne sur la fédéralisation de l’Union Européenne
.A l’issue de la réunion, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a tenu une conférence de presse durant laquelle il a réaffirmé sa position : „Parmi les sujets abordés durant la réunion du Conseil européen il y avait la sécurité, en particulier la question de l’immigration illégale. Nous posons clairement notre veto dans le projet de mécanisme de relocalisation obligatoire des clandestins. Aujourd’hui, de nombreux pays se sont rendus compte de ce problème, du fait aussi de la situation au Proche-Orient. Grâce à la consistance de notre politique, notre point de vue a été apprécié et respecté”.
Le porte-parole du gouvernement, Piotr Muller, qui accompagnait M. Morawiecki à Bruxelles, a déclaré que la Pologne ne céderait pas sur ces sujets : „Notre position est claire. Le gouvernement Droit et Justice (ndlr : parti conservateur au pouvoir en Pologne) est contre le mécanisme de relocalisation obligatoire des immigrés illégaux. Nous étions, nous sommes et nous resterons contre ce projet”.
„Le second point qui suscite notre opposition concerne les modifications des traités envisagées, dans le sens de la fédéralisation de l’Union. Ces modifications entraineront une perte supplémentaire de souveraineté des Etats membres. Nous ne sommes pas d’accord pour cela. Nous défendrons la souveraineté polonaise dans les domaines des impôts, de l’éducation, de la politique sociale et de la gestion de nos forêts” a ajouté le porte-parole du gouvernement polonais.
La commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen a adopté récemment un rapport contenant une série de propositions visant à accélérer la fédéralisation de l’Union européenne. Il y est entre autres question de rebaptiser la Commission (qui deviendrait l’”exécutif européen”), d’établir des compétences exclusives au bénéfice de l’Union dans un nombre de domaines élargi, et de „faire progresser les compétences partagées de l’Union” dans des domaines comme les affaires étrangères, la sécurité, la défense, la justice et l’énergie. Le vote à l’unanimité au Conseil doit être supprimé au profit du vote à majorité qualifiée, ce qui de fait équivaut à supprimer le droit de veto aux décisions heurtant la souveraineté des Etats membres.
La Pologne se positionne ainsi en chef de file des pays opposés à la fédéralisation de l’Union Européenne.
„Le Vieux Continent est en difficulté sérieuse”
.La philosophe Chantal Delsol, fondatrice de l’Institut Hannah Arendt et membre de l’Académie des Sciences morales et politiques, évoque, dans un article paru dans „Wszystko co Najwazniejsze”, les menaces qui pèsent sur l’Europe :
„Un écueil intérieur mine le Vieux Continent : c’est le non-respect de ses propres principes, qui soulève les membres de l’Union contre l’institution de l’Union. Que se passe-t-il ? On se souvient que toute notre philosophie politique repose sur la notion de « personne » autonome, et c’est bien sur cette croyance (car c’est une croyance, religieuse au départ, puis révolutionnaire) que s’établissent nos démocraties”.
„L’Europe dans son incroyable diversité historique, est tout entière irriguée par le principe de subsidiarité, qui honore avant toute chose l’autonomie des personnes et des groupes. Or il se trouve que l’institution européenne, entièrement tenue par un courant technocratique, passe par perte et profits le principe de subsidiarité. L’Union se permet de prendre au nom et à la place des membres de l’Europe des décisions que ces membres pourraient et devraient prendre eux-mêmes (concernant l’éducation, la santé, l’immigration etc). Ce serait un mode de gouvernement légitime d’un point de vue platonicien (« seul peut gouverner celui qui sait ») ou bien d’un point de vue chinois (« le gouvernant est le père et la mère du peuple »). Mais d’un point de vue européen, c’est là une ingérence difficilement acceptable. Ce qui explique le brexit, et le développement en Europe de courants et de gouvernements illibéraux, qui réclament de reprendre la main sur leurs affaires courantes”.
Nathaniel Garstecka