La Pologne restreint le droit d’asile

Le président polonais Andrzej Duda a signé une loi restreignant le droit d’asile. La Pologne est prise dans une double tenaille migratoire, entre les vagues de clandestins attaquant la frontière depuis le Bélarus et les refoulements en provenance d’Allemagne.
Andrzej Duda signe une loi restreignant le droit d’asile
.Le président Andrzej Duda a informé, mercredi 26 mars 2025, de sa décision de signer la loi restreignant le droit d’asile présentée par le gouvernement. «Il est nécessaire de renforcer la sécurité de nos frontières, de renforcer la sécurité des Polonais», a-t-il déclaré avant de s’envoler pour l’Italie. «Cette loi donne la possibilité au gouvernement d’introduire des instruments limitant l’immigration illégale, y compris les procédures d’asile en Pologne», a ajouté le chef de l’Etat polonais.
Celui qui achève son double mandat présidentiel cette année en a profité pour rappeler les errements de Donald Tusk, l’actuel premier ministre centriste, sur la question de l’immigration. Faisant référence à l’opposition de ce dernier au renforcement initial de la frontière par le gouvernement conservateur de Droit et Justice (PiS) en 2021 et 2022, il s’est néanmoins montré satisfait du revirement des centristes: «Je suis heureux que le premier ministre Donald Tusk, après être arrivé au pouvoir, ait de nouveau changé d’avis sur la protection de la frontière orientale. Permettez-moi de vous rappeler qu’après avoir contesté la défense de cette frontière et contesté la construction de la clôture de sécurité, il en est aujourd’hui le grand porte-parole. Comme vous pouvez le voir, notre point de vue dépend de là ou on se trouve. Mais le plus important, c’est de protéger la frontière polonaise et les Polonais».
Le président a aussi pointé l’inconséquence de la politique migratoire allemande: «Les Allemands, qui pendant des années accueillaient à bras ouvert les migrants, cherchent aujourd’hui à s’en débarrasser. Le nombre de migrants refoulés par les autorités allemandes sur le sol polonais ne fait que croître. Il faut nous y opposer».
Une opération de déstabilisation russe et bélarusse
.La loi mentionne que le gouvernement «introduit une limitation temporaire du droit de présenter une demande de protection internationale» et que «la limitation en question est établie pour une période une période de 60 jours à compter de l’entrée en vigueur de la loi». Cette entrée en vigueur s’applique à partir du jeudi 27 mars 2025.
La frontière polono-biélorusse subit une pression migratoire accrue depuis l’été 2021, lorsque les autorités biélorusses ont débuté une opération de déstabilisation massive du flanc est de l’UE et de l’OTAN. Les services du président bélarusse Loukachenko ont organisé le transport de dizaines de milliers de clandestins irakiens, syriens et africains et leur acheminement à la frontière polonaise.
Ces dernières années, d’autres pays d’Europe centrale et orientale ont été ciblés par la guerre hybride menée par la Russie et le Bélarus: la Finlande a notamment fermé sa frontière avec la Russie, et les pays baltes ont aussi débuté la construction d’une clôture de sécurité visant à freiner l’afflux de migrants musulmans et africains.
A l’époque où le gouvernement conservateur polonais devait faire face aux assauts massifs de clandestins acheminés sur place et armés par les services bélarusses, le leader de l’opposition centriste (et depuis devenu premier ministre) Donald Tusk avait qualifié les migrants de «pauvres gens cherchant leur place sur Terre» et appelé à les laisser entrer sur le sol polonais. Plusieurs députés centristes et personnalités liées au camp progressiste s’étaient rendues à la frontière pour «porter secours» aux clandestins, quitte à susciter des tensions avec les soldats présents sur place pour défendre la frontière.
«Les pays d’Europe centrale ont vu les dégâts de l’immigration»
.Peu de temps avant d’être arrêté et emprisonné par le régime d’Alger, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a accordé un entretien à „Wszystko co Najwazniejsze”, dans lequel il a partagé son expérience avec les pays d’Europe centrale et orientale.
«Voilà des pays qui se sont affranchis de l’URSS, qui ont retrouvé leur indépendance et qui évidemment se sont trouvés devant la question extraordinaire : que faire de notre indépendance ? Ils se sont rapidement rendus compte qu’il était impossible pour eux de rester libres et indépendants. Il fallait rejoindre un camp. Soit celui de l’Occident, du capitalisme, soit celui de la Russie, du communisme. Ils se sont retrouvés quasiment obligés d’intégrer le camp occidental».
«J’ai vécu cela à cette époque. Les Allemands sont arrivés, dans cette région fraîchement libérée, en terrain conquis, dans des pays fébriles, exsangues, et leur ont fait beaucoup de mal. Comme des lions qui se jettent sur leur proie. Ils ont acheté tout l’immobilier bon marché qui était disponible, puis l’ont revendu à prix d’or. Puis ils ont acheté les politiciens, pour que ces derniers appliquent une politique favorable à l’Allemagne. Beaucoup de lois sur la sécurité sociale, sur les assurances, sur les syndicats… étaient dictées par les Allemands».
«Maintenant, ces pays ont su avec le temps se relever et reconstruire un semblant de souveraineté. De plus, ils n’ont pas été envahis par l’immigration. D’un côté, car ils étaient derrière le rideau de fer quand l’Europe de l’ouest a ouvert grand ses frontières. De l’autre, car ils ont vu les dégâts sociaux que cela causait, et n’ont pas massivement fait appel à l’immigration une fois leurs économies relancées. En cela, bravo à eux !»
Nathaniel Garstecka