Le sujet de l’immigration illégale à nouveau sur la table en Pologne
Suite à l’annonce d’un accord européen sur le nouveau „Pacte sur la migration et l’asile”, la question de l’immigration illégale a été remise sur la table en Pologne tant par le gouvernement que par l’opposition.
Réforme des procédures liées à l’immigration illégale
.Fin décembre 2023, la présidence espagnole de l’Union européenne a déclaré que les Etats membres ainsi que les institutions européennes étaient parvenues à un accord sur la réforme de la politique migratoire.
Sur le papier, le „compromis”, qui devra encore être négocié et validé, présente des éléments qui renforceraient les contrôles de l’immigration illégale massive : il est notamment question d’établir des procédures de contrôle d’identité, de créer une base de données à l’échelle européenne, d’augmenter les capacités d’accueil des „centres d’attente” dans les pays en première ligne (en particulier l’Italie, la Grèce et l’Espagne), harmoniser et systématiser les procédures d’asile, et pérenniser celles permettant les expulsions.
Cependant, le projet prévoit de donner „enfin” vie, le sujet étant sur la table depuis la crise migratoire de 2014-2015, à un mécanisme de „solidarité obligatoire” visant à répartir la charge de l’immigration illégale sur tous les pays membres. Concrètement, un premier quota de 30 000 clandestins et demandeurs d’asile aura à être „relocalisé” au sein de l’Union.
Les Etats qui refuseront de prendre leur part se verront infliger une amende („contribution de solidarité”) de 20 000 euros par clandestin et par an. Etant donné les prévisions migratoires et les projets d’extension du mécanisme de relocalisation, la facture pourrait devenir rapidement salée pour les réticents.
Enfin, selon le journal „Gazeta Polska”, l’idée d’un mécanisme supplémentaire de compensation a été évoquée lors des négociations : les Etats qui jusqu’à présent refusaient d’accueillir des clandestins en provenance d’Afrique et du Proche-Orient devraient „rattraper leur retard” à marche forcée. Un pays comme la Pologne serait donc obligé de prendre „plusieurs centaines de milliers de migrants extra européens” afin de s’aligner sur les „réalisations” en la matière de la France ou de l’Allemagne. Si cette idée ne sera probablement pas retenue dans cette réforme, le simple fait qu’elle a pu être évoquée témoigne de la direction qui pourrait être donnée à l’avenir à la politique migratoire européenne.
En Pologne, le sujet a été remis sur la table
.Ce dernier point a fait l’objet d’un retour du débat sur l’immigration au sein de la classe politique polonaise. Interrogé en conférence de presse sur cette réforme de la politique d’asile, le Premier ministre Donald Tusk a déclaré que „la Pologne n’acceptera aucun mécanisme de relocalisation obligatoire de migrants”. „Nous n’accueillerons aucun migrant dans le cadre de ce mécanisme”, a-t-il ajouté dans la foulée, sans pour autant être clair sur l’adhésion de la Pologne à la réforme migratoire. Ainsi, le nouveau gouvernement de centre-gauche pourrait accepter de payer les 20 000 euros de „contribution” par clandestin refusé.
Le précédent Premier ministre, le conservateur Mateusz Morawiecki, avait de son côté profité de son droit de veto afin de bloquer l’adoption du pacte européen sur l’immigration, mettant en avant que la politique polonaise d’accueil massif de citoyens ukrainiens fuyant l’invasion russe de février 2022 n’avait pas été reconnue par Bruxelles.
Mariusz Blaszczak, ancien ministre de l’Intérieur de 2015 à 2018 et de la Défense de 2018 à 2023, et désormais chef du groupe parlementaire du PiS, a publié un message sur le réseau social X (Twitter) dans lequel il critique la déclaration de M. Tusk :
„L’acceptation du pacte migratoire place de facto la politique migratoire nationale entre les mains de Bruxelles. Le gouvernement sera bientôt confronté à un choix : accepter les migrants illégaux ou payer des amendes disproportionnées en cas de refus de les accueillir. Après un certain temps, même ce choix sera supprimé”.
Dans le même message, M. Blaszczak met sur la table une question supplémentaire, celle de la sécurité à la frontière est de l’Europe : „De plus, la pression migratoire à la frontière entre le Bélarus et la Pologne augmentera drastiquement. L’adhésion de la Pologne au pacte sera un signal envoyé à Loukachenko et à Poutine, leur indiquant qu’ils peuvent accroître le volume de clandestins à envoyer chez nous”.
„L’afflux de migrants a bousculé l’Europe”
„Cette situation est aggravée par les problèmes politiques et économiques actuels. L’Allemagne, par exemple, est entrée en récession. Cela n’a rien à voir avec les migrants, c’est une conséquence du fait que ce pays a été coupé du gaz bon marché de la Russie, sur lequel reposait la compétitivité de l’économie allemande”.
„Mais si la solution à ces problèmes consiste à abaisser les coûts de la main-d’œuvre en attirant une nouvelle vague de migrants, nous nous heurterons bientôt à un mur, car en abaissant les coûts de la main-d’œuvre, Berlin ne pourra de toute façon pas gagner la compétition avec la Chine, elle ne pourra le faire qu’avec des entreprises de haute technologie et à forte valeur ajoutée”.
„Pour ce faire, il faut investir dans l’innovation, et non dans des travailleurs bon marché. Dans ce dernier cas, il y aura encore plus de gens qui dormiront dans les rues en Europe, encore plus de criminalité et d’attaques terroristes”.
„Tout semble indiquer que les partis de droite, opposés à l’immigration, remporteront les prochaines élections européennes. Aujourd’hui, ces partis sont désunis mais il est possible qu’ils trouvent un terrain d’entente après les élections – car ils voudront corriger l’ordre établi en Europe par les formations de gauche et imposé à de plus en plus de pays”.
„Les Etats membres doivent gagner davantage de souveraineté. Il faut empêcher l’Union Européenne d’aller vers davantage de fédéralisation et empêcher des technocrates non élus d’avoir autant de pouvoir. Quant à l’immigration, il faut adopter une position pragmatique : par exemple, attirer vers l’Europe uniquement des gens avec des compétences précises dont nous avons réellement besoin”.
Nathaniel Garstecka