"Le vote communautariste en France revient" - Jean-Marie Guénois

Le journaliste du Figaro, Jean-Marie Guénois fait remarquer que le vote musulman se porte massivement sur la gauche. Il qualifie les musulmans français de „minorité organisée et disciplinée” dans ses choix électoraux.

.Jean-Marie Guénois fonde son analyse sur l’étude publiée par Jérôme Fourquet au sujet de la sociologie électorale française, mais aussi sur un sondage IFOP sur le vote confessionnel aux dernières élections européennes. „Tous les observateurs compétents ont constaté que le phénomène du vote massif musulman enregistré pour les Européennes en faveur du parti d’extrême gauche s’était encore accentué pour les législatives”, annonce-t-il, faisant référence aux bons scores du Nouveau Front Populaire dans les circonscriptions comprenant d’importantes populations immigrées ou issues de l’immigration.

Ce phénomène „restera peut-être dans l’histoire politique de notre pays comme la première manifestation notoire d’un vote communautariste musulman”, poursuit le journaliste spécialisé dans les questions religieuses. Il convient de noter cependant que 69% des électeurs musulmans ont voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle de 2022 (37% en 2017, à quoi il convient de rajouter 17% pour Benoit Hamon). Ce vote communautaire est donc déjà bien identifié depuis plusieurs années.

M. Guénois pose aussi la question du poids électoral effectif des musulmans, en lien avec leur nombre croissant dans la société française et avec la discipline de vote à laquelle nous assistons: „les musulmans français ont également pu expérimenter leur capacité à créer un effet de levier décisif sur un vote incertain. À l’image de toute minorité organisée et disciplinée dès lors qu’elle dépasse quantitativement un seuil significatif. Ce qui est le cas pour l’islam qui regroupe, selon les sources de cinq à six millions de fidèles en France, voire plus”. Ce sujet est d’autant plus important que le journaliste remarque avec justesse que les votes catholiques et Juifs sont plus divers.

L’électorat catholique, qui s’était rangé derrière François Fillon en 2017, a effectivement perdu ses repères politiques. Quant à l’électorat juif, traditionnellement acquis à la gauche, il a enclenché une mue à partir de l’explosion de l’antisémitisme en France. Le journaliste du Figaro semble indiquer la date du 7 octobre 2023, c’est-à-dire l’attentat terroriste du Hamas en Israël (l’auteur parle juste d’”attaque”), comme le point de départ de la cristallisation de ces phénomènes.

Si la rhétorique violemment pro palestinienne de La France Insoumise, voire pro Hamas chez certains cadres, s’est effectivement fortement renforcée à partir ce cet événement, la désaffection des Juifs pour la gauche avait débuté bien avant. On a pu observer une lente progression du vote RN auprès de cet électorat dès le début des années 2010, au fur et à mesure que les Juifs se rendaient compte que, loin du prétendu „dialogue interreligieux” mis en scène par les responsables communautaires, la montée de l’antisémitisme en France était avant tout due aux environnements immigrés, en particulier africains et musulmans. Le conflit israélo-arabe a, lui, été importé dès les années 1980 avec les attentats palestiniens à Paris notamment.

Le laxisme des dirigeants français à l’égard du „nouvel antisémitisme”, tant de droite que de gauche, a heurté les Juifs, qui n’osaient cependant pas avouer qu’il envisageaient de plus en plus de voter pour un membre de la famille le Pen. Les „petites blagues” de Jean-Marie le Pen paraissaient de plus en plus anecdotiques en comparaison avec les crimes antisémites comme celui contre Ilan Halimi ou l’attentat contre l’école juive Ozar Hatorah à Toulouse, le plus souvent commis par des immigrés ou des descendants d’immigrés contre lesquels prétendait lutter le Front National puis le Rassemblement National.

Comment se sortir de cette situation? L’auteur semble prôner „le dialogue et le rapprochement entre Juifs et musulmans”, qui a pourtant échoué sur toute la ligne depuis 40 ans.

Jean-Marie Guénois relève avec raison que La France Insoumise a cherché à capter le vote musulman en „normalisant la dialectique antisémite”. „Contre la montée de l’extrême droite, l’élan communautaire s’est levé d’un seul homme. La mobilisation des mosquées de l’entre-deux tours a été sans précédent”, ajoute le vaticaniste.

„Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas” aurait dit Malraux, qui était de gauche. Jean-Luc Mélenchon ne fait-il peut-être que réaliser cette prophétie?

Le rédacteur en chef au Figaro pointe de même l’hypocrisie de la gauche, laïciste contre les catholiques mais communautariste avec les musulmans: „Curieusement le vote communautariste en France, qui n’est plus de mise depuis longtemps pour les catholiques et qui est combattu par une laïcité récusant toute influence religieuse dans le champ politique, reviendrait paradoxalement en 2024 avec un islam soutenu par l’extrême gauche!”

Ces propos sont ceux que tient la droite idéologique française depuis près de 20 ans, son représentant le plus célèbre étant Éric Zemmour. La phrase „l’islam, en tant que religion, ne reconnaît de modèle juridique, sociétal, et politique vraiment valide que le sien même s’il sait s’adapter et utiliser au mieux pour lui les situations existantes qu’il considère comme imparfaites” aurait pu être prononcée ou écrite par le président de Reconquête. Il s’agit d’un véritable constat, qui peut cependant valoir l’accusation d’”islamophobie” à celui qui en est l’auteur. Jean-Marie Guénois prend le risque de l’écrire.

Pourquoi la gauche cherche-t-elle tant à s’accaparer le vote musulman? „L’islam est pour [Jean-Luc Mélenchon] un allié utile. Ce qui l’intéresse c’est le combat politique de l’islam, collectiviste, égalitariste, anticolonialiste. En bon marxiste il fait le pari de l’impuissance, à terme de l’islam, à occuper l’espace religieux français”, répond le journaliste. On pourrait ajouter à cela le besoin critique de la gauche de se trouver un électorat de substitution après que les classes populaires se soient tournées vers le rassemblement National. On ne peut gagner une élection avec les seuls intellectuels, artistes et militants féministes.

.Jean-Marie Guénois conclut avec une mise en garde à l’égard de la gauche: „Surtout les « idiots utiles », expression attribuée à Lénine, ne sont pas ceux que l’on croit, en l’occurrence un islam de France qui se ferait embobiner par l’extrême gauche. Les « idiots utiles » sont ceux qui estiment maîtriser, pour leurs intérêts politiques, le vote musulman. Le réveil sera difficile”.

Nathaniel Garstecka
Materiał chroniony prawem autorskim. Dalsze rozpowszechnianie wyłącznie za zgodą wydawcy. 22 lipca 2024