Ou en est l’entrée de la Suède dans l’OTAN ?

L’alliance est suspendue à la décision de la Turquie, qui traîne des pieds sur la question de l’entrée de la Suède. Ankara espère notamment voire sa position s’accroître au sein des structures transatlantiques.
L’entrée de la Suède dépend de la Turquie
.La Suède et la Finlande ont déposé leur demande d’accession à l’OTAN en mai 2022, dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie. L’entrée de la Finlande a été réalisée l’année suivante, en avril 2023, tandis que celle de la Suède est en attente de validation par la Turquie et la Hongrie. Si cette dernière semble juste jouer la montre, c’est plutôt la Turquie qui pose le plus de problèmes.
La réticence d’Ankara peut s’expliquer par plusieurs éléments. Tout d’abord, la Suède est depuis longtemps une destination privilégiée pour les militants du PKK kurde qui fuient la Turquie. La communauté kurde de Suède compte plus de 100 000 personnes et est structurée politiquement. Ankara demande régulièrement à Stockholm l’extradition d’activistes accusés de terrorisme. Ensuite, le gouvernement turc compte utiliser sa position incontournable dans la procédure d’entrée de nouveaux pays dans l’OTAN pour obtenir le déblocage de livraisons de chasseurs F-16. Le Congrès américain a reçu une demande d’achat de 40 avions de ce type.
Enfin, le Président de la république de Turquie Recep Tayyip Erdogan souhaite continuer à jongler entre son appartenance au bloc militaire occidental et sa volonté de jouer un rôle géostratégique plus important au Proche-Orient et dans le Caucase, en ménageant notamment le Kremlin.
Les intérêts d’Ankara sont donc nombreux et divers et le pouvoir turc compte bien les faire valoir dans les négociations d’accession de la Suède.
Jens Stoltenberg confiant
.Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, se montre rassurant et confiant au sujet de l’entrée de la Suède dans l’organisation militaire. Selon la „Deutsche Presse-Agentur”, les autorités suédoises „ont fait le nécessaire” de leur côté pour satisfaire aux exigences de la Turquie vis-à-vis des activistes kurdes. Par ailleurs, M. Stoltenberg a affirmé publiquement „le rôle crucial” d’Ankara dans la sécurité de l’Europe ou dans le combat contre l’Etat Islamique, tout en émettant de discrètes réserves vis-à-vis de la liberté de la presse ou des „atteintes à l’Etat de droit” en Turquie.
Dans ce cadre, la commission des Affaires étrangères du parlement turc a donné un avis positif au dossier suédois, en attendant le Congrès qui doit se réunir et décider définitivement.
C’est le franchissement de cette nouvelle étape qui fait dire à M. Stoltenberg qu’il est confiant pour une accession de la Suède d’ici le sommet de l’OTAN en juillet 2024.
„Le centre de gravité de l’Europe se déplace vers l’Europe centrale et orientale”
.Le professeur Guy Millière, économiste et géopolitologue, évoque pour „Wszystko co Najwazniejsze” le rôle de l’OTAN dans la sécurité de l’Europe :
„Poutine voulait diviser l’Europe et affaiblir l’OTAN. L’Europe, quand bien même certains dirigeants européens ont été initialement tentés par l’apaisement, est restée unie, et l’OTAN est apparue clairement comme l’organisation de défense indispensable à la sécurité de l’Europe”.
„On peut dire dans ces conditions que l’Europe se trouve renforcée, et discerne qu’elle a un ennemi et ne doit pas baisser la garde. Les dépenses militaires en Europe augmentent. L’illusion d’entrée dans un monde sans guerre s’est dissipée pour le moment. Au sein même de l’Europe, il est clair que la lucidité est du côté des dirigeants d’Europe centrale, et en particulier du côté des dirigeants polonais”.
„La lucidité existe aussi en Finlande et en Suède, et la Finlande a rejoint l’OTAN, la Suède devrait suivre. Elle existe au Royaume-Uni. Elle est bien moins présente en France et en Allemagne, et les dirigeants français et allemands imaginent encore qu’il est possible de signer un accord avec Poutine, et que si des concessions doivent être faites à Poutine pour qu’un accord soit signé, des concessions devront être exigées de l’Ukraine”.
„Sur le plan militaire et stratégique, le centre de gravité de l’Europe se déplace effectivement vers l’Europe centrale et orientale, et il faut inclure dans ce déplacement la Finlande, la Suède et les pays baltes. Et au coeur de ce centre de gravité, il y a la Pologne, qu’on peut considérer comme le principal pilier européen de l’OTAN et de l’Alliance atlantique”.
„Les pays d’Europe centrale et orientale ont été sous le joug soviétique pendant plusieurs décennies. Les Polonais ont subi le massacre de Katyn au printemps 1940, et la destruction de Varsovie par les troupes allemandes fin 1944, sous le regard impassible de Joseph Staline. Ils n’ont pas oublié. Ils savent que Poutine vient du système soviétique car il vient du KGB”.
Nathaniel Garstecka