Pacte migratoire – "La Pologne ne prendra pas de migrants"

Pacte migratoire européen Donald Tusk

Le Premier ministre polonais s’est exprimé au sujet du Pacte migratoire européen qui vient d’être adopté. Il a avancé que son pays avait déjà accueilli de nombreux migrants ukrainiens.

Le Pacte migratoire européen a été adopté

.Les ministres des finances des pays membres de l’Union européenne ont voté, mardi 14 mai 2024, en faveur de l’adoption du Pacte migratoire européen. Seuls trois pays s’y sont opposés : la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie. Parmi les points controversés de ce texte, un mécanisme „solidaire” de relocalisation d’immigrés clandestins à travers l’Europe, avec des amendes de 20 000 euros par an et par clandestin refusé. La clé de répartition des immigrés sera décidée par la Commission. Elle se basera entre autres sur la population totale des pays membre et leur PIB.

L’objectif principal de l’accord est de réguler davantage les flux migratoires illégaux à destination de l’Union européenne, ainsi que de soutenir les pays qui se trouvent en première ligne face à la pression exercée par les clandestins et les passeurs.

Donald Tusk, chef du nouveau gouvernement de centre-gauche polonais, a annoncé s’opposer aux dispositions du pacte. „Notre ministre représentant a voté contre l’adoption du texte. Dès le départ notre position était claire à ce sujet”, a-t-il précisé à l’issue d’un conseil des ministres.

Il s’est montré optimiste sur la possibilité de la Pologne de contourner les points les plus controversés du texte : „Nous avons réussi à faire en sorte que les conséquences du pacte migratoire soient moins graves que ce qui était prévu initialement. […] Ainsi, la Pologne ne sera pas obligée de recevoir de migrants supplémentaires. Nous avons déjà accueilli des centaines de milliers de réfugiés dans le cadre de la guerre russo-ukrainienne. Nous avons aussi des dizaines de milliers de migrants venus du Bélarus”.

Incertitudes sur l’application des nouvelles règles

.M. Tusk a déclaré que l’Union européenne n’imposerait rien à la Pologne: „La Pologne sera bénéficiaire du pacte migratoire. Nous ne paierons rien et nous ne devrons accueillir aucun migrant en provenance d’ailleurs. L’Union ne nous imposera aucun quota migratoire. Par ailleurs, la Pologne réclamera le soutien financier qui lui est dû pour son accueil de centaines de milliers de migrants d’Ukraine”.

Le député européen polonais Jacek Saryusz-Wolski n’est pas aussi optimiste que le Premier ministre : „Le texte législatif du pacte ne prévoit pas la possibilité pour la Pologne de s’affranchir du mécanisme de solidarité. Les Ukrainiens qui sont arrivés en Pologne ne sont pas techniquement considérés comme étant des migrants ou des réfugiés. Comme la Pologne a réussi à les intégrer efficacement, la Commission européenne lui imposera sans doute d’importantes quantités de migrants africains et proche-orientaux, et nous n’aurons le choix qu’entre les accueillir ou payer les amendes”.

C’est la première fois depuis la crise migratoire de 2015 que l’Union européenne parvient à adopter une reforme de sa politique en matière de gestion de l’immigration illégale, sans pour autant s’employer à lutter de manière plus décidée contre les réseaux de passeurs et les organisations humanitaires accusées de complicité avec les trafiquants d’êtres humains. Les pays en première ligne face aux flux, notamment la Grèce, l’Italie et Malte faisaient pression depuis des années pour qu’un accord soit trouvé. Depuis quelques mois, ce sont les Iles Canaries qui doivent faire face à un afflux massif de clandestins en provenance d’Afrique.

„Le pacte migratoire livre le continent européen à l’immigration de masse”

.Le député européen Nicolas Bay (Reconquête, groupe CRE) décrit, dans un entretien accordé à „Wszystko co Najwazniejsze”, les défis entourant la question migratoire :

„Le constat est que nous devons avoir une coopération pour protéger nos frontières extérieures. Mais ce que veut faire la Commission européenne avec le soutien de la gauche, des libéraux et du PPE au Parlement européen, c’est organiser des flux migratoires vers l’Europe toujours plus importants”.

„Pour faire simple, il faut trois niveaux de protection contre les flux migratoires du sud vers le nord: Premièrement, il faut un niveau national à rétablir en cas de besoin, par exemple suspendre Schengen à chaque fois que c’est nécessaire pour rétablir des contrôles aux frontières nationales, tant que nos frontières européennes ne sont pas sûres. Ce n’est pas une position outrancière puisque même Olaf Scholz l’a proposé”.

„Deuxièmement, protéger nos frontières extérieures, faire la chasse aux ONG de passeurs de migrants et complices des mafias et avoir une vraie coopération de protection des frontières extérieures, en autorisant le refoulement. Aujourd’hui, les pays qui sont en première ligne, comme la Grèce, l’Italie, la Hongrie, la Pologne ne sont pas assez soutenus dans la lutte contre l’immigration clandestine”.

„Enfin, troisième niveau de protection, il faut établir des partenariats avec tous les pays de la rive sud de la Méditerranée: les pays du Maghreb, la Libye et l’Égypte, qui ont besoin d’avoir un vrai partenariat avec les pays européens. On doit les aider à protéger leurs frontières sud pour que les flux d’Afrique subsaharienne vers ces pays-là soient taris.”

„Le Pacte migratoire n’est certes pas parfait, mais c’est une avancée”

.Le géopolitologue Alexandre del Valle se montre, dans les colonnes de „Wszystko co Najwazniejsze” moins critique à l’égard du pacte :

„On commence à peine à trouver un début d’accord, depuis que Giorgia Meloni a fait pression, de manière très maligne d’ailleurs, en utilisant Ursula von der Leyen. Madame Meloni a contribué à durcir un petit peu les dispositions européennes avec le pacte migratoire récemment adopté, mais son but est avant tout de susciter une prise de conscience européenne parce qu’un pays qui négocie tout seul ne peut pas aller très loin. Il va être pénalisé par les dispositions européennes et donc seul un pacte migratoire européen peut redonner du pouvoir aux agences, donner des moyens plus régaliens aux différentes autorités nationales pour bloquer les flux, établir des accords avec les pays d’origine, ainsi que des hotspots. Oui, c’est un problème global”.

„J’y suis donc plutôt favorable. Certes, il n’est pas parfait. Frontex devra obtenir de véritables prérogatives de surveillance des frontières. Il va falloir à mon avis, un jour, repénaliser la migration illégale. Les Etats devront aussi mettre l’Union européenne sous pression. Ça va prendre du temps. Je pense néanmoins qu’avec les prochaines élections européennes, avec les montées des mouvements de droite ou anti-immigrationnistes, et la montée des conservateurs du groupe CRE, si à un moment il y a plusieurs Meloni dans les pays européens, à la fin du compte, ça finira par porter ses fruits. On pourra durcir les normes européennes en matière de maîtrise des flux migratoires et coopérer pour les expulsions”.

On pourra créer des hotspots, comme l’Italie a voulu faire en Albanie. C’est n’est pas facile, il faut du temps, mais je pense que petit à petit on arrivera à une solution comme en Australie, pour que plus personne n’arrive clandestinement. Je pense que c’est vers quoi il faut tendre. Et Madame Meloni essaie d’y arriver. Pour l’instant, on se moque d’elle parce qu’on dit qu’elle a cédé, je dirais plutôt qu’elle procède par petits pas”.

Nathaniel Garstecka

Materiał chroniony prawem autorskim. Dalsze rozpowszechnianie wyłącznie za zgodą wydawcy. 15 maja 2024