Après la France et le Parlement européen, la Pologne instaure une commission d’enquête sur l’ingérence russe dans la vie publique

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Le Président polonais, M. Andrzej Duda, a validé ce lundi 29 mai 2023 une loi instaurant une commission d’enquête sur l’influence russe sur la sécurité de la Pologne entre 2007 et 2022.

Commission d’enquête sur l’influence russe

.Le Président a aussi décidé de porter le texte de loi au Tribunal Constitutionnel, qui devra statuer sur sa constitutionnalité. Ainsi, il prend en considération les objections de l’opposition qui considère que cette commission ciblera en priorité les membres de la précédente équipe dirigeante.

M. Duda a signifié qu’une telle commission est nécessaire dans un pays aux portes duquel se déroule une guerre déclenchée par la Russie, et qui est frontalier de cette même Russie. Il a mis en avant le besoin de transparence de la vie publique polonaise et le besoin d’identifier les réseaux d’influence russes établis sur la période étudiée : „Ce n’est un secret pour personne que la Russie essaie depuis des années d’influer sur la politique de nombreux pays, souhaitant les rendre dépendants d’elle et y développer des liens économiques facilitant leur prise de contrôle.”

Il a ajouté, toujours au sujet de l’impact de la Russie sur la politique et l’économie de la Pologne et de l’Europe : „L’influence russe a contribué à l’invasion de l’Ukraine et à la crise énergétique qui touche actuellement l’Europe. C’est une réalité qu’il faut clarifier auprès de nos concitoyens”.

L’opposition, de son côté, estime que sa figure principale, l’ancien Premier ministre et à nouveau candidat à ce poste, M. Donald Tusk , sera particulièrement visée afin de la mettre en difficulté avant les élections législatives d’octobre 2023. M. Tusk était à la tête du gouvernement qui a signé de nombreux accords économiques avec la Russie à la fin des années 2000 et au début des années 2010. Il a aussi très longtemps dénoncé la „russophobie” du parti conservateur, à l’époque dans l’opposition et désormais au pouvoir depuis 2015.

La Commission d’enquête sur l’influence russe, qui sera composée de neuf membres choisis par la chambre basse, pourra empêcher les suspects d’être éligibles à des fonctions „liées aux dépenses publiques”, par exemple au poste de député.

Commissions en France et au Parlement européen

.La France a mis en place une structure similaire, intitulée ” Commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères – États, organisations, entreprises, groupes d’intérêts, personnes privées – visant à influencer ou corrompre des relais d’opinion, des dirigeants ou des partis politiques français”. Elle a pour objectif „d’établir s’il existe des réseaux d’influence étrangers qui corrompent des élus, responsables publics, dirigeants d’entreprises stratégiques ou relais médiatiques dans le but de diffuser de la propagande ou d’obtenir des décisions contraires à l’intérêt national”. Elle travaillera également „aux réponses à apporter pour éliminer les ingérences qu’elle aurait identifiées, écarter et punir les responsables mais aussi rénover nos institutions pour qu’elles soient capables de prévenir et d’empêcher de telles dérives”.

La commission française a auditionné de nombreuses personnalités de haut rang, comme les anciens Premiers ministres François Fillon et Jean-Pierre Chevènement, l’ancienne présidente du Rassemblement national Marine le Pen, ou le directeur de la rédaction du média „Omerta”, Régis le Sommier.

Le Parlement européen a, lui aussi, mis en place sa propre „commission spéciale sur l’ingérence étrangère”. Son président, l’eurodéputé français M. Raphaël Glucksmann, déclare : „Nos démocraties font face à des menaces et des attaques permanentes et nous devons les défendre d’ingérences étrangères de plus en plus massives et sophistiquées”.

Enfin, le Premier ministre polonais, M. Mateusz Morawiecki, a souhaité que davantage de pays mettent en place des commissions d’enquête sur l’influence russe : „L’idée de vérifier en détail et de façon technique et professionnelle l’influence russe est la bonne. J’espère que de nombreux Etats et de nombreuses institutions saisiront la balle au bond et que l’on pourra créer une telle commission au niveau du Conseil de l’Union européenne”.

Se protéger de l’impérialisme russe

.Dans un texte publié dans „Wszystko co Najwazniejsze”, le Président polonais, M. Andrzej Duda, évoque la nécessité, pour l’Europe centrale et orientale, de se protéger du retour de l’impérialisme russe :

 „Il a fallu attendre la transition démocratique, initiée en 1989 par le mouvement polonais Solidarité, créé neuf ans auparavant, pour que les Polonais et les autres nations d’Europe centrale et orientale retrouvent leurs propres États souverains. La plupart d’entre eux sont progressivement devenus membres à part entière de l’OTAN et de l’Union européenne”.

„Cependant, les impérialistes russes n’ont jamais supporté l’indépendance des pays de notre région. Après que la Russie se soit remise du choc que fut pour elle la perte de sa sphère d’influence, elle sa commencé à tout faire pour reconstruire son empire d’avant. Nous nous souvenons de l’attaque militaire de 2008 contre la Géorgie. Nous nous souvenons également de la répression brutale et répétée des mouvements de liberté en Biélorussie et en Ukraine. On se souvient enfin de la politique hostile de la Russie envers l’Ukraine indépendante, de l’annexion forcée de la Crimée et du Donbass en 2014, et surtout, de la guerre génocidaire à grande échelle livrée à un État ukrainien souverain qui a débuté le 24 février 2022”.

„Pour les peuples de notre région, loin d’oublier les expériences historiques symbolisées par la date du 17 septembre, il ne fait aucun doute que l’impérialisme russe s’efforce à nouveau de s’étendre. La Russie veut obtenir la même chose qu’en 1939–1940, lorsqu’elle a agi main dans la main avec son alliée – l’Allemagne nazie –, et en 1945–1991, lorsqu’elle a gouverné seule nos pays”.

„La Russie, depuis toujours, cherche à maîtriser l’Europe centrale et orientale. Mais une Pologne libre, une Ukraine libre et tous les autres États indépendants de notre région ne l’accepteront jamais. Pour nos nations, c’est une question de vie ou de mort, de préservation de l’identité et de survie. C’est une question d’avenir, de sécurité et de prospérité”.

Nathaniel Garstecka

Materiał chroniony prawem autorskim. Dalsze rozpowszechnianie wyłącznie za zgodą wydawcy. 29 maja 2023