Peut-être vous êtes-vous demandé pourquoi les médias en France évoquent si peu Wrocław alors que la distance séparant cette ville de Strasbourg à vol d’oiseau n’est que de 722 km et de 992 km par l’autoroute qui relie désormais en continu ces deux cités? Peut-être d’ailleurs trouvez-vous cet état de choses quelque peu, disons, inapproprié?
Ou alors vous sentez-vous gêné par le fossé en termes de connaissances et d’échanges humains, lequel semble persister entre ce qu’on appelle l’Europe de l’Ouest et ce qu’on continue malheureusement d’appeler encore « l’Europe de l’Est », puisque vous savez que nombre des pays jadis situés de l’autre côté du rideau de fer ont rejoint l’Union à partir de 2004, ce qui commence à faire long ? D’autant que des amis, en visite en Pologne, ont évoqué devant vous la réussite économique et logistique « impressionnante » de ce pays? « Mais oui, ces Gaulois de l’Est ont reconstruit toutes leurs gares mais aussi construit des autoroutes et des voies express. De plus, le paiement sans contact y est apparu bien avant chez nous », vous a-t-on susurré à l’oreille d’un ton confidentiel.
Peut-être faites-vous partie de ceux (même s’ils constituent une minorité) qui estiment que tous les Polonais n’exercent pas le métier de « plombier ». En effet, vous rattachez ce territoire, la Pologne, à sa lutte pour le recouvrement de l’indépendance, non seulement à l’époque glorieuse de « Solidarność », mais aussi au XIXe siècle comme en témoigne l’étude révolutionnaire de Frédéric Chopin. A part les plombiers, vous vous dites donc, il doit au moins y avoir des soldats ou des révolutionnaires ainsi que, soyons fous!, des musiciens. Votre audace vous vient peut-être d’ailleurs de ce qu’au détour d’une autre conversation, quelqu’un avait laissé entendre que le père de Frédéric, Nicolas/Mikołaj était un Lorrain polonisé ayant dû son ascension sociale dès l’âge de 10 ans à la noblesse polonaise installée au château de Marainville et qu’avec ces mêmes Polonais, il avait rejoint Varsovie à l’âge de 16 ans. A partir de là vous voulez en savoir plus. Connaître les autres métiers exercés par les Polonais, à part plombier, soldat, révolutionnaire et musicien. Et à l’occasion en apprendre un peu plus sur la carrière fulgurante de Nicolas/Mikołaj Chopin à Varsovie?
D’ailleurs, même si la Pologne vous évoque instantanément des images rattachées au XIXe siècle, vous vous dites que ce serait bien, là encore à l’occasion, d’en apprendre un peu plus sur le passé plus lointain, les dynasties des Piasts et des Jagellons. Ou encore sur le double principe de l’électivité du roi et de la tolérance religieuse à une époque où celle-ci était une denrée rarissime. Un de vos proches vous a d’ailleurs parlé du peintre Matejko et en particulier de son tableau « L’accueil des Juifs en Pologne.
A. D. 1096 ». Cela vous évoque l’académie talmudique (yeshiva) de Lublin, longtemps l’une des plus importantes au monde, fondée au XVIe siècle. De même, il vous est déjà arrivé de vous dire que ce serait chic d’être capable de prononcer correctement des noms tels que « Biały » et « Czarny » mais aussi « Kazimierz » ou encore « Legnica ». Qu’ainsi vous parviendrez à mieux saisir les liens entre Polonais, Lituaniens, Ruthènes et Ukrainiens, Hongrois. D’ailleurs, la grand-mère du grand poète, célèbre aux Etats-Unis, Zbigniew Herbert n’était-elle pas d’origine arménienne? Il vous faudra vérifier cette information.
Inversement, vous savez qu’en Pologne la francophilie a toujours eu de solides fondements historiques, depuis l’époque de Gallus Anonymous, mais surtout depuis les Lumières puis Napoléon et ce qu’ils appellent là-bas « La Grande Emigration » qui avait fait de Paris une petite Pologne au XIXe siècle (toujours lui!). Et c’est la raison pour laquelle vous vous étonnez qu’aujourd’hui, les Polonais semblent se détourner de l’apprentissage de la langue française tout en considérant Paris comme une ville qui s’éloigne d’eux. Cela aussi vous incommode et vous sentez qu’il devient urgent de parler de la France (sans doute autrement que ne le font communément les médias) aux Polonais. Finalement, vous vous dites que l’Europe devrait être commune non seulement à travers des slogans politiques un peu ronflants, mais surtout à travers nos actes de tous les jours, nos possibilités épistémologiques, pour user d’une langue un peu technique, par quoi il faut entendre la possibilité d’accéder à des informations, d’un côté, ouvertes sur la profondeur historique et, de l’autre côté, en phase avec les évolutions et défis des sociétés d’aujourd’hui.
D’une manière générale, peut-être êtes-vous curieux tout en vous voulant prévoyant, car vous souhaitez savoir non seulement ce que l’avenir nous réserve, mais aussi ce que celui-ci pourrait être à condition d’y réfléchir ensemble, par delà certains préjugés. Mieux, peut-être vous dites-vous qu’il n’y a pas d’autre voie si l’on veut éviter de se chamailler entre Européens tout en préservant un avantage concurrentiel sur les grandes autres puissances mondiales, y compris celles qui émergent, parfois à vitesse à grand V. Car l’Europe, estimez-vous peut-être, ne sera que si nous la faisons vraiment ensemble, c’est-à-dire sur la base d’un respect et d’une curiosité mutuels. Par delà nos préjugés hérités du passé.
En somme, cela fait beaucoup de « peut-être ». Mais ces « peut-être » sont peut-être l’indice de certaines inquiétudes plus profondes, de désirs aussi, avec pour point de mire l’espoir de surmonter des héritages parfois aussi négatifs. Et si vous vous aidiez vous même à transformer ces « peut-être » en impulsions pour penser et agir, pour construire une/votre Europe victorieuse qui soit une Europe de la fraternité et de l’humanisme? Dans ce cas, le site Wszystko Co Najważniejsze ou « L’essentiel à portée de main » en français est fait pour vous!
Prof. Piotr BIŁOS