Présidentielle Pologne 2025. Le test du second tour

L’actualité du second tour de l’élection présidentielle polonaise a été marquée par le fameux «test en huit points» que le candidat national-libertaire Slawomir Mentzen a fait passer aux deux finalistes, Rafal Trzaskowski et Karol Nawrocki. Je me suis prêté à l’exercice.
Rappel des résultats du premier tour
.Le premier tour de l’élection présidentielle polonaise s’est déroulé le dimanche 18 mai 2025. 29 millions de Polonais étaient appelés aux urnes afin de choisir le successeur du conservateur Andrzej Duda, dont le deuxième mandat arrive à son terme. Le progressiste Rafal Trzaskowski et le conservateur Karol Nawrocki se sont qualifiés pour le second tour, dans un contexte de participation record pour ce type de scrutin en Pologne (67,3%):
Rafal Trzaskowski – 31,36%
Karol Nawrocki – 29,54%
Slawomir Mentzen – 14,81%
Grzegorz Braun – 6,34%
Szymon Holownia – 4,99%
Adrian Zandberg – 4,86%
Magdalena Biejat – 4,23%
Les autres candidats n’ont pas dépassé le score de 2%.
Rafal Trzaskowski est le vice-président de la Platforma Obywatelska (PO), parti centriste au pouvoir en Pologne depuis fin 2023. Il a été député européen, ministre puis maire de Varsovie, fonction qu’il exerce encore au moment où se déroule l’élection. Il a aussi été candidat à la présidentielle en 2020, échouant de peu face à Andrzej Duda au second tour. Il est favorable au fédéralisme européen, aux revendications idéologiques de la gauche progressiste (sur l’homosexualisme, le féminisme ou l’avortement) et a tenu par le passé des propos bienveillants à l’égard de l’immigration illégale.
Karol Nawrocki est le directeur de l’Institut de la Mémoire Nationale, organisme chargé d’étudier les crimes commis par les Allemands et les Soviétiques en Pologne au cours de la Seconde Guerre mondiale et de l’occupation communiste qui s’en est suivie. Il a reçu le soutien de Prawo i Sprawiedliwosc (PiS), principal parti conservateur polonais, qui a gouverné le pays de 2015 à 2023. Il est partisan du maintien des relations privilégiées avec les Etats-Unis et de la poursuite des grands investissements initiés par le PiS, contre le progressisme idéologique et pour la désoviétisation de l’espace public. Ce dernier point lui vaut d’être poursuivi par le Kremlin.
Le second tour se tiendra le dimanche 1er juin 2025. Le président est élu pour une période de 5 ans, dispose d’un droit de véto sur les lois votées par le parlement mais ne peut pas dissoudre la Diète.
Le test de Slawomir Mentzen
.A la tête du parti national-libertaire Konfederacja, Slawomir Mentzen a obtenu la troisième place à l’issue du premier tour avec un score inédit pour sa formation de 15%. Souhaitant s’implanter durablement dans la politique nationale au moins jusqu’aux élections législatives de 2027, il a décidé de faire passer un test aux deux finalistes, Rafal Trzaskowski et Karol Nawrocki, pour que ses électeurs puissent décider en toute conscience pour qui voter. Le test se compose d’une série de huit points tirés du programme du troisième homme de la présidentielle:
1. Je ne signerai aucune loi qui augmente les impôts, contributions et taxes existants ou qui introduit de nouvelles charges fiscales pour les Polonais.
2. Je ne signerai aucune loi restreignant les transactions en espèces et je défendrai le zloty polonais.
3. Je ne signerai aucune loi restreignant la libre expression d’opinions conformes à la constitution polonaise.
4. Je n’autoriserai pas l’envoi de soldats polonais sur le territoire ukrainien.
5. Je ne signerai pas de loi sur la ratification de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.
6. Je ne signerai aucune loi limitant l’accès des Polonais aux armes.
7. Je n’accepterai aucun transfert de compétences des autorités de la République de Pologne vers les organes de l’Union européenne.
8. je ne signerai pas la ratification de nouveaux traités de l’UE qui affaiblissent le rôle de la Pologne.
Karol Nawrocki a été le premier à passer le test, au cours d’un débat transmis sur la chaîne Youtube de Slawomir Mentzen. Il a accepté tous les points, tout en en nuançant certains, puis à signé le document présenté par le chef du camp national-libertaire. En effet, la plupart de ces propositions faisait déjà partie du programme du candidat conservateur soutenu par le PiS, et Karol Nawrocki remplissait déjà le rôle de naturel second choix pour la grande majorité des électeurs de la droite dure.
Rafal Trzaskowski a été invité quelques jours plus tard et a lui aussi été interrogé par Slawomir Mentzen. La discussion a été cette fois-ci beaucoup plus animée, le candidat de la PO étant en opposition idéologique avec celui de la Konfederacja sur quasiment tous les sujets. Cependant, afin de tenter d’obtenir les voix des électeurs nationalistes et libertariens, il a donné l’impression de faire des compromis avec ses positions habituelles. Il s’est montré en apparence d’accord avec quatre des huit points et a refusé de signer la déclaration.
Les huit points
.Je me suis penché sur le test de Slawomir Mentzen afin d’essayer d’y répondre à ma façon.
1. Le programme de la Konfederacja étant principalement porté sur le libéralisme économique et le conservatisme fiscal, il était naturel que ce point figure dans les premiers du test. Il est manifeste que les Polonais voient constamment leur fiscalité augmenter, ainsi que la masse de normes et de réglementations entravant l’entreprenariat et les initiatives individuelles. Répondre par la positive à cette proposition est donc faire preuve de salubrité publique. Il faudrait néanmoins inclure la possibilité de dérogation en cas de situation extrême (crise économique mondiale, conflit militaire…).
2. Sans doute l’un des points nécessitant le moins de nuances. Les espèces sont actuellement menacées par les pouvoirs publics partout dans le monde, sous le faux prétexte de lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue. C’est l’une des incarnations du débat qui oppose la sécurité (et surtout le contrôle) à la liberté. Cette dernière doit impérativement être préservée contre les tentations totalitaires des gouvernements. Quant à l’euro, il présente certainement des avantages et des inconvénients, mais étant donné la direction néfaste prise par l’Union européenne vers le centralisme politique, il convient de conserver le plus de souverainetés possible face aux institutions bruxelloises.
3. Tout comme le point précédent, la validation de ce point est un réflexe automatique pour quiconque est attaché aux libertés publiques et à l’héritage de notre civilisation. Témoins des excès de la dictature de la pensée unique en Europe occidentale, les Polonais ne peuvent qu’accepter, sans contestation aucune, de défendre leur liberté d’expression, même si cela doit signifier de ne pas implanter de nouvelles réglementations en matière de «lutte contre la haine», cette dernière étant souvent invoquée afin de faire taire les opposants au progressisme.
4. Les questions internationales constituent un défi fort différent. L’évolution de la situation à l’est peut nécessiter de s’adapter rapidement à des circonstances qui n’auraient pas été prévues en amont. L’envoi potentiel de troupes en Ukraine pourrait être l’une de ces circonstances. Tout dépend bien entendu du contexte : il est exclu pour la Pologne d’envoyer des soldats combattre sur le front contre la Russie, surtout que cela constituerait pain bénit pour la propagande moscovite et les provocateurs à l’arrière du front. Cependant, la présence de conseillers militaires dans le cadre d’une mission internationale ou celle de techniciens et de formateurs pour les équipements fournis par la Pologne, par exemple, peut évidemment être envisagée. La formulation du point est donc imprécise et n’autorise pas de réponse formelle par oui ou non.
5. Même cas que le sujet précédent, d’autant plus que les deux sont liés. Il est techniquement impossible de faire accéder l’Ukraine dans l’OTAN dans l’état actuel des choses, c’est-à-dire tant que le conflit durera et qu’un accord définitif sur les frontières n’aura été signé. De même si l’Ukraine ne reconnait pas la perte de la Crimée et du Donbass. Ainsi, il est possible que la question de l’entrée de Kiev dans l’OTAN ne se posera pas au prochain président polonais et les candidats ont donc tout loisir de déclarer qu’ils ne la ratifieront pas. Néanmoins, si l’on considère que le destin de l’Ukraine est à terme de rejoindre le bloc occidental, ce qui est souhaitable pour notre sécurité face à une Russie impérialiste, une déclaration de principe allant dans ce sens ne doit pas être écartée. La plupart des candidats ayant mis en avant des conditions à formuler à Kiev, comme la mise en ordre de la politique historique et mémorielle ainsi que l’adaptation aux critères européens en matière d’agriculture, je proposerais de ne pas les mêler à la question de l’adhésion à l’OTAN, mais plutôt de celle à l’UE.
6. Ce point nécessite, avant toute chose, de connaître l’état de la législation polonaise actuelle pour ce qui est de l’accès aux armes, ainsi que le projet de la commission européenne visant à restreindre encore davantage les droits. Sans entrer dans les détails, le permis le plus commun à passer pour pouvoir acquérir et détenir des armes à feu en Pologne est le permis sportif (à part le permis de chasse, spécifique). Il n’est pas difficile à obtenir. Le seul inconvénient est l’absence de conscience dans l’opinion publique de cette possibilité. Les Polonais faisant déjà partie des peuples européens les moins armés, restreindre leur accès aux armes est inutile. Bien au contraire, il faudrait davantage les informer sur le droit qu’ils ont à passer leur permis et les y inciter. C’est une méthode efficace pour créer une société libre et responsable.
Les points 7. et 8. traitent du même sujet, à savoir du transfert de souveraineté aux institutions européennes. Cela a pour conséquence de réduire le rôle de la démocratie dans chacun des Etats membres, étant donné que les gouvernements se retrouvent réduits à ne faire qu’appliquer des décisions prises au-dessus d’eux. C’est cette volonté des fédéralistes de fondre tous les particularismes locaux dans un ensemble centralisé et technocratique qui provoque la montée des sentiments hostiles à l’Union européenne. De plus en plus de Polonais affirment que «ce n’est pas cette Europe-ci que nous avons voulu rejoindre», ce qui met en danger l’ensemble du projet européen. Or, ce dernier est à l’origine une idée tout à fait noble, tant que c’est la vision du général de Gaulle qui était dans tous les esprits, à savoir celle d’Europe des nations: des coopérations entre Etats parfaitement souverains, dans lesquels la Commission n’avait aucun droit de s’ingérer politiquement. Les récentes révélations sur l’entrisme des Frères musulmans dans les cercles institutionnels européens prouve que l’idée originelle d’Union a été totalement dévoyée par les fonctionnaires bruxellois et les gouvernements complices du fédéralisme. Il est ainsi évident que le processus centralisateur doive être stoppé, voire inversé, et le droit de véto des Etats membres défendu.
Hormis le besoin de détailler et nuancer les points concernant l’Ukraine (4. et 5.), force est de constater que le programme présenté par Slawomir Mentzen est tout à fait compatible avec une approche modérée, conservatrice et libérale (et même solidariste) de la fonction présidentielle. Dans cette optique, on ne peut que confirmer la naturelle proximité de Karol Nawrocki avec les idées énoncées par la Konfederacja dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, et noter, au contraire, l’éloignement de Rafal Trzaskowski, plutôt favorable au progressisme idéologique, à la centralisation politique de l’Union européenne et à la réduction de la liberté d’expression.
Nathaniel Garstecka