Élection présidentielle en Pologne 2025. Qui va gagner?

Le premier tour de l’élection présidentielle polonaise de 2025 a apporté son lot de surprises et promet un second tour serré entre le candidat de la PO centriste et celui du PiS conservateur.
Un second tour classique, mais quelques surprises
Pour la cinquième fois d’affilée, le second tour de l’élection présidentielle polonaise verra s’affronter la PO au PiS. Cette-fois ci, cette confrontation sera représentée par le maire de Varsovie et vice-président de la Plateforme Civique Rafal Trzaskowski et le président de l’Institut de la Mémoire Nationale Karol Nawrocki. Le premier a obtenu 31% des suffrages au premier tour, le second 30%. Quasi égalité, donc. Les sondages indiquaient un écart plus grand entre eux: c’est une première surprise, car de nombreux doutes pesaient sur la campagne de Karol Nawrocki. Mal à l’aise en public, visé par des affaires ou des manipulations médiatiques, inconnu du grand public… On le croyait destiné à une défaite cuisante, voire même à ne pas accéder au second tour. Force est de constater qu’il a su faire front et rattraper son retard, profitant sans doute de prestations réussies durant les débats télévisés.
Rafal Trzaskowski, principal représentant du camp centriste gouvernemental, a du souci à se faire. Toujours favori selon les sondages, il n’a pas réussi à convaincre au premier tour au-delà de son parti. Son entourage avait pourtant longtemps misé sur l’effet «vote utile» afin d’obtenir rapidement le plus de voix possibles et ainsi créer une dynamique gagnante en vue de la finale. D’une manière générale, le maire de Varsovie paye pour les débuts mitigés du gouvernement de centre-gauche au pouvoir depuis fin 2023. Aux dernières législatives, le centre et la gauche avaient obtenu 54% des suffrages avec 74% de participation. Au premier tour de la présidentielle c’est 47% avec 68% de participation. Si on enlève Razem, le parti de gauche entré en opposition, cela ne donne plus que 42%. Une claque pour le premier ministre Donald Tusk.
Les grands gagnants du 18 mai 2025 sont, sans aucun doute, les partis de droite dure. Slawomir Mentzen de la Konfederacja réalise un score historique de 15%, confirmant ainsi la montée en puissance du parti national-libertaire, et Grzegorz Braun 6%. Des doutes existent cependant sur les reports de voix au second tour en faveur de Karol Nawrocki. Une partie non négligeable des électeurs de cette droite «brune», comme qualifiée avec mépris par les médias de gauche, sont des électeurs contestataires et mal intentionnés envers les partis traditionnels qui ont gouverné la Pologne ces dernières années, dont le PiS conservateur. Rafal Trzaskowski constitue néanmoins un épouvantail de taille pour quiconque se considère de droite: il a soutenu l’immigration illégale provoquée par les services russes et bélarusses, il milite en faveur de la cause homosexualiste, de la libéralisation de l’avortement et de la déchristianisation de l’espace public, et il a tenté de faire interdire les marches de l’indépendance du 11 novembre organisées par les milieux nationalistes à Varsovie.
Par ailleurs, Karol Nawrocki constitue un choix de second tour tout à fait acceptable pour cette droite dure. Il n’est pas encarté au PiS, n’a jamais été député ou ministre, ne porte pas la responsabilité des erreurs commises par le gouvernement conservateur entre 2015 et 2023, est président de l’Institut de la Mémoire Nationale, est connu pour son activité résolument anticommuniste et a toujours été proche des milieux patriotiques.
Il y a encore un gagnant de ce premier tour. Il s’agit d’Adrian Zandberg (Razem), qui est parvenu, grâce à ses 5%, à vaincre Magdalena Biejat (Lewica) dans le duel qui opposait les deux partis de gauche. En excluant d’accorder automatiquement son soutien à Rafal Trzaskowski en vue du second tour, il a marqué sa constance et son indépendance. Il s’était déjà illustré en refusant d’intégrer le gouvernement de Donald Tusk afin de conserver sa liberté de parole et de pouvoir pointer les échecs du nouveau pouvoir.
Comme décrit plus haut, les perdants sont les membres du gouvernement. Outre Rafal Trzaskowski, cela concerne Magdalena Biejat (4%) et surtout Szymon Holownia (5%). L’échec est patent en particulier pour le président de la Diète polonaise, dont le parti (Polska 2050) est allié avec Renaissance au Parlement européen. Lui qui avait tenté d’incarner une troisième voie pour rompre le monopole PO-PiS, il n’a pas su maintenir ce projet et ne constitue plus qu’une force d’appoint pour Donald Tusk.
La droite monte, mais va-t-elle gagner? Rien n’est moins certain. Le camp gouvernemental joue la carte du «sursaut populaire contre le fascisme», qui a fonctionné dans d’autres pays, par exemple en Roumanie. L’antisémitisme est invoqué par les progressistes, alors que c’est leur politique qui constitue la plus grande menace pour la sécurité de la communauté juive, à savoir l’immigration arabo-musulmane et africaine et le multiculturalisme. De même que le poutinisme, alors que c’est Karol Nawrocki qui est sur la liste noire des ennemis du Kremlin, pas Rafal Trzaskowski ou Donald Tusk.
Difficile donc de prévoir qui va gagner le second tour. Les deux candidats disposent d’atouts et de points faibles. Le rejet du PiS sera-t-il plus fort que le vote sanction contre le gouvernement PO? Ce sont en réalité deux modèles de société, deux modèles d’avenir qui vont s’affronter le 1er juin 2025. Une Pologne multiculturelle, progressiste et intégrée politiquement à l’UE contre une Pologne soucieuse de son identité, conservatrice et respectueuse des souverainetés nationales.
Nathaniel Garstecka