"Energie de l'Europe contre imperialisme de Putin"
.Guy Verhofstadt, Morten Helveg Petersen et Gerben-Jan Gerbrandy, les auteurs de l’article « Il faut frapper Poutine là où ça fait mal… » [TEXTE au „Soir”] ont bien raison de souligner que les motivations de l’union énergétique conçue à Bruxelles dépassent le simple cadre de l’énergie. Cette union vise à renforcer la position stratégique de l’Europe, face à une Russie qui utilise l’arme du gaz pour conduire une politique agressive envers certains pays de l’UE et ceux qui – comme l’Ukraine et la Géorgie – sont liés à elle par des rapports de bon voisinage.
.Pourtant, malgré ce titre prometteur, les auteurs n’indiquent pas où il faudrait frapper Poutine, afin que cela lui fasse « le plus mal ». Ils se font plutôt l’echo de certaines idées fausses du syndicat de l’énergie, axées uniquement sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Il est juste de profiter des ressources du soleil et du vent en Europe. Il est juste de continuer à développer cette capacité. Il est juste de chercher à utiliser l’énergie encore plus efficacement. Mais tout est une question de temps, d’échelle et de rythme. L’Europe, dans le domaine des sources d’énergie renouvelables, a fait beaucoup; sans doute trop vite. Et elle en paie aujourd’hui un prix élevé. Une politique amateuriste ne peut assurer le succès de l’Europe, y compris dans les secteurs stratégiques qu’indiquent les représentants de l’ADLE.
En effet, les énergies renouvelables ne constituent pas encore une alternative crédible aux combustibles fossiles que nous importons de Russie. Selon l’Agence européenne pour l’environnement elles ne couvrent guère que 11,6% de la consommation d’énergie primaire dans l’UE ; même si, grâce au volontarisme de l’UE cette part a augmenté de 159% depuis 1990. Le reste de nos besoins – près de 90% – est couvert par l’énergie nucléaire, le pétrole et le gaz et charbon. Pour marginales, les énergies renouvelables sont encore très coûteuses aux contibuables Européens. Ainsi, quel que soit le scénario, technologique ou financier, les combustibles fossiles, y compris le gaz demeurent indispensables pour nous fournir notre énergie et nos produits chimiques. « Faire mal à Poutine » certes, mais pas aujourd’hui. C’est aussi pourquoi – comme l‘indiquent un nombre croissant de rapports d’intelligence – l’argent russe se retrouve facilement dans le financement des campagnes contre l’extraction du gaz de schiste. On ne le verra pas dans le débat sur les sources renouvelables, parce qu’elles ne posent pas de problème au Kremlin.
Ce qui pourrait « faire mal à Poutine » aujourd’hui, c’est une politique rationnelle de développement du marché, ainsi que le développement des infrastructures logistiques, et enfin la diversification stratégique de l’approvisionnement.
Pour le gaz, cela implique la mise en service du corridor Sud. Car le gaz russe n’est pas, pour l’Europe, un problème en soi. Le danger nait de sa position trop monopolistique qui impose, contre toute logique, le coût le plus élevé aux pays les plus proches de la Russie.
Cette vision fait apparemment défaut, tant dans le projet d’union énergétique de Bruxelles, que dans le manifeste libéral de Verhofstadt.
En somme, nous apprécions que les auteurs de l’article perçoivent la construction de l’union énergétique comme une réponse dissuasive à l’agressivité de Poutine. Toutefois, à court terme, elle ne suffira pas à contrer l’impérialisme de la Russie moderne. Hélas, dans ce domaine, les institutions politiques de l’UE ont échoué. Elles se sont avérées passives face à l’agression russe contre la Crimée et l’est de l’Ukraine. La diplomatie été menée par l’Allemagne et la France, sans participation de la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires Extérieures.
.Aujourd’hui, il apparaît clairement que la sécurité des Européens exige solidarité et courage. L’enjeu n’est pas seulement l’intégrité et l’indépendance de l’Ukraine, mais tout bonnement la sécurité de l’Europe. Car Poutine cherche à reconstruire une zone d’influence en Europe orientale et cible principalement les pays baltes.
Dans cette situation, il faut impérativement renforcer les sanctions économiques contre la Russie, donner des preuves tangibles de l’unité transatlantique et d’un soutien sans faille aux pays prêts à fournir une aide militaire à l’Ukraine.
Les nations d’Europe centrale sont aujourd’hui beaucoup plus favorables à l’intégration que leurs partenaires occidentaux. Toutefois, ce sursaut de faveur sera vite rompu si l’Union ne montre pas sa détermination et sa capacité à combattre le néo-impérialisme russe.
Kazimierz M.Ujazdowski
Konrad Szymański