fr Language FlagKatyn. L’Opinion publie deux articles essentiels

Deux articles Katyn

Le journal l’Opinion publie, à l’occasion du 85ème anniversaire du crime de masse commis par les Soviétiques contre l’élite intellectuelle de la Pologne, deux articles d’une portée majeure. La sauvegarde de la vérité est un combat quotidien, en particulier en 2025.

Le crime de Katyn

.En avril et mai 1940, quelques mois après l’invasion commune de la Pologne par l’Allemagne nazie et l’URSS, Joseph Staline faisait exécuter plus de 20 000 prisonniers polonais, principalement dans la forêt de Katyn. L’objectif des Soviétiques était d’exterminer, en collaboration avec les Allemands qui poursuivaient des buts similaires de leur côté, l’élite du pays et ainsi détruire la volonté de résistance de toute une nation pour mieux l’asservir.

Les Allemands découvrirent les charniers de Katyn en 1943, après avoir eux-mêmes envahi l’URSS. Pendant 45 ans, les Soviétiques nièrent avoir commis ces massacres et accusèrent les nazis d’en être responsables. Ce n’est que dans les années 1990 que le Kremlin admit finalement la vérité. Cependant, l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine mit un terme à la réconciliation de la Russie avec les faits historiques. Une narration révisionniste gagna les cercles dirigeants moscovites, au point de réhabiliter l’œuvre de Staline, le pacte germano-soviétique d’aout 1939 par exemple. Les fantômes du passé ressurgirent lors de l’invasion de l’Ukraine par les Russes en février 2022 et de la découverte des crimes qu’ils y ont commis.

C’est dans ce contexte que le quotidien français l’Opinion publie, dans son édition du vendredi 11 avril 2025 et en collaboration avec le mensuel polonais Wszystko co Najwazniejsze, deux articles traitant du massacre de Katyn. L’historien soviétologue Andrzej Nowak et le président adjoint de l’Institut polonais de la Mémoire Nationale (IPN) Karol Polejowski abordent le sujet de deux façons différentes. Le premier dresse des passerelles historiques entre 1940 et 2025, nous appelant à ne pas répéter les mêmes erreurs vis-à-vis de la Russie que par le passé, le second évoque le grand mensonge soviétique autour de Katyn.

Deux articles majeurs

.«Après que les Allemands eurent révélé les crimes commis contre des milliers d’officiers polonais, le Kremlin n’avait pas l’intention d’assumer ses responsabilités. Les Soviétiques déployèrent donc leurs services secrets et toute la machine de propagande pour faire circuler un narratif alternatif de la culpabilité allemande. C’est ainsi que vit le jour «le mensonge de Katyn», qui sera entretenu pendant de nombreuses années», écrit le président adjoint de l’IPN dans les colonnes de l’Opinion.

Il décrit la machine meurtrière mise en place par les Soviétique : «L’idée d’assassiner sans procès vingt mille personnes – prisonniers de guerre et politiques polonais – fut présentée au dictateur Joseph Staline le 2 mars 1940 par son homme de confiance, le commissaire du peuple aux Affaires intérieures, Lavrenti Beria. Le chef du NKVD argumenta qu’il s’agissait d’«ennemis déclarés et irréformables du gouvernement soviétique»». Durant cette opération, «les Soviétiques abattirent au moins 21 768 personnes, dont des officiers de l’Armée polonaise (y compris de nombreux réservistes qui exerçaient dans la vie civile d’autres professions), des policiers et des officiers d’autres corps. Plusieurs centaines de victimes étaient d’origine juive».

L’historien explique ensuite les rouages du mensonge de grande ampleur institutionnalisé par l’URSS, évoquant la désignation des Allemands comme responsables, la tentative de les accuser de ce crime lors du procès de Nuremberg, le blocage de toute information durant la guerre froide et la dissimulation récente par le Kremlin des résultats de l’enquête définitive. «Par ailleurs, des déclarations niant la responsabilité soviétique continuent d’apparaître dans l’espace public russe», s’inquiète-t-il.

Reset avec la Russie?

.Le second des deux articles, celui du professeur Nowak, explique que la vérité doit toujours être clamée, afin de ne pas renforcer le criminel dans son œuvre de désinformation. L’historien nous alerte sur la sinistre tentation d’évacuer les événements passés au profit d’un «reset» avec la Russie poutinienne, même si cela équivaut à effacer la mémoire des victimes des nombreux crimes soviétiques puis russes.

«Une fois la paix revenue, l’Allemagne sera-t-elle tentée par la perspective d’un retour à l’«âge d’or», d’avant la guerre, lorsqu’elle s’approvisionnait en gaz bon marché auprès de la Russie et que les exportations importantes de son industrie vers la Chine passaient par ce pays ? La France reviendra-t-elle à la rhétorique de la «mort cérébrale de l’OTAN» et à son amour sempiternel pour la  Russie éternelle»?», demande fort légitimement le soviétologue, qui décèle les projets des dirigeants allemands et français.

Il rappelle que la «libération» de l’Ukraine se manifeste entre autres par le massacre de Boutcha et par la déportation d’enfants ukrainiens en Russie. Ce à quoi il faut ajouter la déshumanisation des Ukrainiens, la négation de leur identité nationale, la volonté de placer à la tête de leur pays un gouvernement fantoche et la propagande active faisant des Occidentaux les responsables de la guerre.

«Après l’agression soviétique contre la Pologne en septembre 1939, plusieurs milliers d’officiers polonais furent faits prisonniers. La plupart d’entre eux étaient des officiers de réserve appelés sous les armes à la dernière minute. Dans la vie civile, ils étaient enseignants, médecins, avocats, artistes et fonctionnaires. Staline décida de couper cette tête de la Pologne pour lui en souder une nouvelle, composée de ses agents et de marionnettes obéissant à son dictat. Le 5 mars 1940, le Politburo du Comité central du Parti bolchevique, dirigé par Staline, ordonna d’abattre tous ces prisonniers», écrit Andrzej Nowak. Remplaçons Pologne par Ukraine, Staline par Poutine et 1940 par 2025, c’est ce qui attend l’Ukraine si nous laissons la Russie la vaincre.

Le professeur rappelle que «les Allemands faisaient, à cette époque, la même chose dans la partie de la Pologne qu’ils occupaient. Dans le cadre de l’«Intelligenzaktion», ils tuèrent des dizaines de milliers de représentants de l’élite polonaise, lors d’exécutions de masse à partir de 1939». Ainsi, l’alliance des deux totalitarismes, qui étaient bien plus proches qu’il n’y parait, eut comme conséquence le déclenchement d’une guerre d’extermination contre la Pologne et ses citoyens et dont les effets sont encore prégnants presque un siècle plus tard.

«Pourquoi devrions-nous nous en souvenir aujourd’hui, 80 ans plus tard ? Non pas pour contredire les lois brutales du soi-disant réalisme politique. Si on veut vraiment arrêter l’effusion de sang – pas la nôtre, mais celle des Ukrainiens agressés – on doit soit assurer leur victoire rapide et incontestée, soit parvenir à un accord avec l’agresseur, afin de négocier ensemble les termes d’une trêve», explique aux lecteurs de l’Opinion le professeur Nowak.

«Les négociations politiques ne peuvent pas signifier un reset de la mémoire, un compromis entre la vérité et le mensonge, car un tel compromis n’a pour résultat que le succès du mensonge et le renforcement l’agresseur. C’est le cri qui s’élève toujours et encore des fosses de Katyn», conclut-t-il.

Ces deux articles portent la voix des peuples, des nations d’Europe centrale et orientale, historiquement écrasés par les impérialismes allemand et russe et victimes de nombreuses tragédies. La perte de six millions de citoyens, dont trois millions de Juifs, la perte de ses élites, de son intelligentsia, ont considérablement affaibli la Pologne. Katyn fait partie des grands symboles du génocide subi par le pays durant la Seconde Guerre mondiale, avec le pacte germano-soviétique, les deux insurrections de Varsovie et les camps d’extermination. La mémoire de cet événement reste vive aujourd’hui, tout particulièrement dans le contexte de la guerre que mène la Russie en Ukraine.

Nathaniel Garstecka

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 11/04/2025