La Pologne, nouvelle place forte économique
En l’espace de quelques années la Pologne est devenue une puissance économique montante en Europe. Tous les indicateurs sont au vert afin d’envisager l’avenir de la meilleure des façons.
Succès économique et social : le chômage
.C’était l’un des plus grands problèmes de la Pologne indépendante. La sortie du système communiste et le passage à une économie de marché en un si court laps de temps ont entraîné un désordre dans un pays qui n’y était pas prêt. En 1991, le taux de chômage était déjà de 10%. Il est monté à 20% entre 2022 et 2004. A partir de 2005, il n’a fait que baisser, avec néanmoins une remontée de 2011 à 2014. Depuis 2015 et 2016, c’est une baisse continue qui n’a été freinée ni par la crise des restrictions sanitaires de 2020-2021, ni par la guerre en Ukraine. En 2023, le plein emploi a été atteint, soit un taux de chômage de 5% selon l’Agence de Statistiques polonaise.
Les données Eurostat sont légèrement différentes. Le taux de chômage de la Pologne y est de 2,8% en 2023, à la troisième place de l’Union Européenne derrière Malte et la Tchéquie. La France est à 7,3%, la moyenne de la zone euro à 6,4% et l’Allemagne à 3%.
Il est incontestable que l’entrée dans l’Union Européenne a dynamisé le marché de l’emploi en Pologne, par le développement économique, l’arrivée des investissements étrangers et l’essor du secteur des services notamment. L’ouverture des frontières a aussi permis à de nombreux Polonais de partir travailler à l’étranger. La volonté de la Pologne de rattraper son retard économique sur l’Europe de l’ouest n’y est pas non plus pour rien.
Il existe néanmoins des disparités régionales en matière de chômage : les régions de l’est de la Pologne sont davantage touchées que le reste du pays. De plus, les aires urbaines sont naturellement plus dynamiques que les aires rurales.
Croissance
.L’indicateur de croissance du PIB a permis de mesurer le „miracle économique polonais”. Le taux de croissance du PIB se situe aux alentours de 4-5% depuis plus de 20 ans. Le pays n’a pas connu de récession durant la crise de 2008-2009. Cependant, il a été frappé, comme tout le monde, par celle de 2020-2021. Il s’en est rapidement sorti, avant de rencontrer de nouvelles difficultés à partir de février 2022. En cela, la Pologne est devenue une économie bien intégrée dans son environnement européen, qui bénéficie des mêmes conjonctures positives et souffre des mêmes crises. Le Fond Monétaire International estime que la croissance du PIB devrait rester positive malgré les difficultés liées à la guerre en Ukraine et à l’inflation, et qu’elle devrait repartir fortement à la hausse en 2024 avec un taux de 3,1%.
Toujours selon les données du FMI, la Pologne fait déjà partie des vingt principales économies du monde en terme de PIB à parité du pouvoir d’achat, dépassant ainsi l’Australie et les Pays-Bas.
Pour ce qui est du PIB par habitant, la Pologne se démarque par une forte progression depuis vingt ans. Selon Eurostat, elle a déjà dépassé le Portugal et se rapproche rapidement de l’Espagne et même du Japon. Elle a certes encore du chemin à parcourir avant de rattraper les pays d’Europe de l’ouest et du nord, mais sa croissance est supérieure à celle de la France ou de l’Allemagne.
La Pologne peut compter sur une excellente productivité pour poursuivre son rattrapage des économies occidentales, ainsi que sur le dynamisme d’une économie ambitieuse.
Dette
.Le développement économique polonais ne s’accompagne pas de l’explosion de l’endettement. En bon élève des critères de Maastricht, le niveau de la dette n’a jamais franchi les 60% du PIB depuis que la Pologne a rejoint la communauté européenne.
L’effort le plus notable a été réalisé après la crise des restrictions sanitaires liées à la COVID-19. En 2020, la dette publique a atteint 57,5% du PIB. En 2021, ce n’était plus que 53,8% et en 2022 49,1%. Cela témoigne de l’excellent gestion des finances publiques polonaises.
La Pologne fait ainsi partie des pays les plus sains de l’Europe, certes moins que l’Estonie ou le Luxembourg, mais bien plus que la France ou que les pays du sud, qui dépassent tous les 100% de PIB de dette.
Imposition
.La Pologne se situe en dessous de la moyenne des pays de l’Union Européenne en matière d’imposition. Les revenus des impôts et taxes représentent 37% du PIB en Pologne contre 41% en moyenne dans l’UE, 42% en moyenne dans la zone euro, 47% en France et 42% en Allemagne.
Investissements
.C’est à la dynamique des investissements étrangers que l’on peut juger de l’attractivité d’une économie. Et ici, force est de constater que la Pologne est particulièrement attractive.
Malgré la guerre à grande échelle qui se déroule aux frontières orientales du pays, la part des investissements dans le PIB ne s’est pas effondrée, se situant à 16,8% (contre 17% en 2021). La crise des restrictions sanitaires a eu un effet négatif sur cet indicateur, mais pas tant que ce qu’on aurait pu craindre.
La Pologne a une capacité particulière pour attirer les investissements type greenfield et relocalisations depuis l’Asie. Selon Piotr Arak, directeur de l’Institut Polonais d’Economie, „L’économie polonaise n’a jamais été aussi importante pour l’économie mondiale qu’aujourd’hui. Chaque année sa part dans les exportations mondiales augmente, elle se situe actuellement à 1,4%”.
Le secteur des nouvelles technologies et de la FinTech, particulièrement, est en croissance continue. Les banques, les institutions financières, les sociétés utilisant la „blockchain”, se développent rapidement.
Pour ce qui est des greenfield, la Pologne a attiré, en 2021, 3,5% des investissements mondiaux de ce type, soit davantage que la Chine. Intel et Microsoft participent à ce mouvement. Le premier va investir 4,6 milliards de dollars dans une usine de semi-conducteurs à Wroclaw et le second a choisi la Pologne pour y développer son projet de „cloud” global.
La rentabilité des IDE en Pologne est actuellement la plus élevée d’Europe : 9%, devant l’Irlande (8%). Seules la Lituanie et la Tchéquie ont eu une moyenne 2015-2019 supérieure à la Pologne. Si 20% des investissements sont d’origine allemande, 10% viennent de France, 10% des Etats-Unis, 9% des Pays-Bas et 35% du reste du monde, en particulier du Japon et de la Corée du sud. Les Etats-Unis et la Corée du sud ont d’ailleurs été sélectionnés pour construire les futures centrales nucléaires polonaises.
Plus de productivité, plus de prospérité durable
.Aleksander Surdej, ambassadeur de Pologne auprès de l’OCDE, expose les clés de la croissance polonaise:
„Depuis 30 ans, l’économie polonaise maintient une cadence soutenue, de 4 à 5 % de croissance par an en moyenne. Le COVID-19 a porté un coup d’arrêt à cet élan, mais seulement en 2020, après quoi la Pologne est revenue sur la voie d’un développement rapide”.
„Depuis plus de deux décennies, l’augmentation des salaires réels a été inférieure à celle de la productivité du travail ce qui a offert aux gouvernements successifs un champ d’action plus généreux en termes de politique sociale et de redistribution, afin que les inégalités économiques, tout à fait naturelles dans l’économie de marché, ne se traduisent pas par des grèves et des manifestations. Depuis 2016, l’essor économique est devenu plus solidaire, sans pour autant compromettre la dynamique du système”.
„Le programme d’investissements publics indispensables et bien sélectionnés crée un cadre pour le développement des entreprises polonaises et pour la création d’emplois stables aux rémunérations croissantes. Les entrepreneurs polonais comprennent les intentions du gouvernement et complètent ses actions avec leur créativité, leurs ambitions et leur persévérance. Cette complémentarité est de bon augure pour le développement de l’économie polonaise.”
Toujours plus dynamique, la Pologne se relance
.Mathilde Mesnard, Directrice de la Direction des affaires financières et des entreprises OCDE, décrit les progrès économique de la Pologne:
„La Pologne a connu une forte croissance économique au cours des dernières décennies, les niveaux de revenu convergeant vers ceux de pays européens plus riches. Cependant, comme dans le reste du monde, la crise liée au COVID-19 a eu des conséquences très marquées sur l’économie polonaise, portant un coup d’arrêt à une longue phase de croissance entamée en 1992. À l’heure où le monde commence à sortir de la pandémie, il sera indispensable de maintenir la dynamique économique des années antérieures. Les marchés financiers joueront un rôle clé à cet égard, en permettant aux entreprises de lever des capitaux pour investir et innover. Ce rôle est fondamental non seulement pour la reprise après la crise provoquée par le COVID-19, mais aussi du point de vue des enjeux plus larges que constituent les transitions écologique et numérique”.
„Les performances de croissance de la Pologne reposent en partie sur le dynamisme de son marché financier. De fait, le pays abrite l’un des plus gros marchés d’actions d’Europe centrale et orientale dont il représente 54 % de la capitalisation boursière totale. Il est par ailleurs le seul État membre de l’UE à être classé parmi les 10 premiers au monde pour ce qui est du nombre des introductions en bourse au cours des dix dernières années. En 2018, les fournisseurs d’indices boursiers mondiaux l’ont fait passer du statut de « marché émergent » à celui de « marché développé »”.
„La participation des investisseurs institutionnels est significative, puisque 35 % de la capitalisation boursière est entre leurs mains, à l’image de la situation sur d’autres marchés européens avancés. La Pologne a été également pionnière dans l’accès des petites entreprises aux marchés de capitaux, avec la création de son marché NewConnect dédié à la croissance des PME, qui est aujourd’hui la deuxième place de ce type en Europe et rassemble à lui seul 20 % de toutes les PME européennes cotées sur des marchés de type. En termes de gouvernance, la bourse polonaise a adopté en 2021 un nouveau Code de pratiques exemplaires qui vise notamment à renforcer la diffusion, par les entreprises, d’informations relatives aux dimensions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG)”.
Nathaniel Garstecka




