Le nouveau président polonais Karol Nawrocki a prêté serment

Le nouveau président polonais Karol Nawrocki a pris part à la cérémonie de prestation de serment et a débuté son mandat. Une foule de soutiens l’a acclamé lors de son entrée au palais présidentiel.
Karol Nawrocki a prêté serment
.Varsovie bouillonnait depuis plusieurs jours à mesure que la date fatidique du 6 aout approchait. Ce n’est pas tous les jours qu’un nouveau président prend ses fonctions. La dernière fois, c’était il y a 10 ans, quand le conservateur Andrzej Duda remplaçait le centriste Bronislaw Komorowski après sa victoire surprise à l’élection présidentielle de 2015. L’échéance de 2025 est parvenue à tenir tout le monde en haleine jusqu’au lendemain du scrutin, et même jusqu’à plusieurs semaines après, tant le camp centriste a eu du mal à digérer sa défaite. Au final, Karol Nawrocki a vaincu Rafal Trzaskowski 51% contre 49% et l’option conservatrice se maintient, contre toute attente, au palais de la rue Krakowskie Przedmiescie.
Ce 6 aout était attendu, car des bruits couraient que le premier ministre Donald Tusk refuserait d’accepter une nouvelle cohabitation, lui qui se voyait déjà verrouiller le système politique polonais dans son intégralité. Le président de la Diète, le centriste Szymon Holownia, pourtant membre de la coalition progressiste au pouvoir, avait alerté sur un possible coup d’Etat préparé par l’entourage du premier ministre. «Un fou qui a perdu contact avec la réalité», ont répondu, gênés, les politiciens de la Koalicja Obywatelska (KO) au sujet de cet encombrant allié. Par précaution, les ténors du PiS ont appelé les Polonais à se déplacer à Varsovie pour assister à la passation du pouvoir présidentiel et ainsi instaurer un rapport de force avec le gouvernement. Après avoir tenté en vain de remettre en question le résultat de l’élection et avoir déclenché une campagne médiatique de décrédibilisation de Karol Nawrocki, Donald Tusk et son équipe ont finalement été contraints de se soumettre au verdict des urnes.
A 10 heures, le nouveau président a prêté serment devant la Représentation Nationale. La session s’est ouverte par un hymne national chanté par les députés, les membres du gouvernement, Andrzej Duda, Karol Nawrocki et sa famille. Le président de la Diète Szymon Holownia et la présidente du Sénat Malgorzata Kidawa-Blonska ont ensuite salué les invités, notamment le chef d’état-major des armées, les représentants des cultes et la délégation américaine. Karol Nawrocki a prêté serment, promettant de défendre les intérêts de la Pologne et des Polonais, puis a pris la parole pour son premier discours en tant que président.
Il a indiqué que la République est le bien commun de tous les citoyens. Il a salué ses électeurs mais aussi ceux de son contre-candidat. Son discours de prestation de serment n’a pas manqué de références politiques, notamment à la propagande qu’il a subie de la part du camp progressiste. «Les Polonais veulent que les promesses électorales soient respectées», a-t-il affirmé, en s’adressant au premier ministre Donald Tusk.
Il a rappelé les principaux points de son programme, notamment relancer le projet CPK de nœud aéroportuaire et ferroviaire au centre de la Pologne, lutter contre l’immigration illégale, refuser l’augmentation de l’âge de départ à la retraite et l’adoption de l’euro. Il a déclaré que ses décisions seraient prises dans l’intérêt de la nation souveraine et non selon des considérations partisanes.
«Que Dieu bénisse la Pologne! Vive la Pologne !»
.«La Pologne fait partie de l’Union Européenne, mais est et restera la Pologne et non une province dénuée de souveraineté», a-t-il lancé, déclenchant un tonnerre d’applaudissements dans les rangs de la droite parlementaire. «Je défendrai les relations bilatérales avec les Etats-Unis et la position de la Pologne au sein de l’OTAN», a-t-il poursuivi, appelant au renforcement de la défense du flanc oriental de l’Alliance Atlantique et de l’Europe. Karol Nawrocki a aussi évoqué le sujet de la qualité de l’enseignement et du patriotisme : «Je défendrai une Pologne attachée à ses valeurs, à ses traditions et à son école». Le sujet est d’actualité, puisque le gouvernement centriste projette d’alléger le programme de lectures obligatoires de classiques de la littérature polonaise.
Les questions économiques n’étaient pas absentes du discours du nouveau président. Il a rappelé les succès du développement économique de la Pologne depuis l’indépendance et a appelé à ce que le pays évolue vers davantage de maturité, ce qui doit passer par davantage d’investissements et le refus de se cantonner à un rôle de subalterne dans l’économie régionale. Il a annoncé travailler sur un nouveau projet de constitution qui devrait être prêt d’ici 2030 et la fin de son mandat, afin de réparer les erreurs commises par le passé et régler les problématiques liées à l’Etat de droit. Il a cité Roman Dmowski, l’un des pères de l’indépendance polonaise de 1918: «Nous sommes Polonais et nous avons des responsabilités polonaises», et le maréchal Jozef Pilsudski : «L’indépendance ne nous est pas donnée une fois pour toutes, il faut la défendre sans cesse». «Que Dieu bénisse la Pologne! Vive la Pologne !», a-t-il lancé en guise de conclusion d’un premier discours ambitieux, politique et patriotique.
Après la cérémonie de prestation de serment, Karol Nawrocki est sorti saluer les plusieurs milliers de citoyens qui sont venus le soutenir. Il leur a dit qu’il défendrait leurs intérêts et qu’il parlerait au nom de la nation entière. Il a mis en avant les valeurs de liberté et de patriotisme, ainsi que celle de modestie, qui manque à ses adversaires politiques. Enfin, il a appelé à construire une communauté polonaise fière et solide.
Un peu plus tard, le nouveau président a assisté à une messe célébrée en l’honneur de la Patrie et du Président de la République de Pologne. La célébration s’est tenue à la Cathédrale de Varsovie rue Swietojanska, dans la Vieille ville. A 14h, Karol Nawrocki a été investi en tant que Grand Maître de l’Ordre de l’Aigle Blanc et de l’Ordre de Polonia Restituta au Château Royal. Entre temps, la foule blanche et rouge a grandi et s’est déversée sur la rue Krakowskie Przedmiescie et au pied du Château Royal. Des dizaines de milliers de Polonais se sont ainsi réunis pour témoigner de leur soutien envers le nouveau président. Chants patriotiques, danses traditionnelles, ambiance festive, océan de drapeaux polonais, preuve que les Polonais sont capables de célébrer les moments importants de la vie politique du pays.
Commandant en chef des armées
.Après la cérémonie, Karol Nawrocki a remonté à pied la rue Krakowskie Przedmiescie et les 500 mètres séparant le Palais Royale du palais présidentiel, saluant la foule. Quelques instants plus tard a eu lieu l’entrée solennelle du couple présidentiel dans leur nouvelle demeure, accompagnée d’une parade militaire. Le passage de témoin entre le président Duda et le président Nawrocki s’est opéré sous les acclamations des Polonais rassemblés devant le palais. Enfin, vers 16h30, le président Karol Nawrocki s’est vu remettre l’autorité de commandant en chef des armées polonaises, au cours d’une cérémonie qui s’est déroulée sur la place Pilsudski, à quelques dizaines de mètres du palais présidentiel, puis il a déposé une gerbe de fleurs sur la tombe du Soldat inconnu.
A cette occasion, il a déclaré que la tombe est le symbole de la lutte de la Pologne pour la liberté et l’indépendance. Il a rappelé que la survie de la nation a nécessité le sacrifice de nombreux soldats à travers les siècles et a témoigné de sa reconnaissance à leur égard. «Vous, soldats, êtes les héros de notre présent», a-t-il lancé aux militaires présents sur la place Pilsudski.
Il a ajouté qu’«il n’y a pas de développement de la Pologne sans sécurité, et il n’y a pas de sécurité sans soldats polonais», avant d’appeler à la poursuite de la modernisation de l’armée enclenchée par les gouvernements de droite après l’agression de la Russie contre l’Ukraine. «Vive l’armée polonaise! Vive la Pologne!», a-t-il lancé en guise de clôture.
.Karol Nawrocki a débuté son mandat présidentiel en grande pompe, prononçant plusieurs discours marquants et ambitieux, indiquant clairement qu’il ne se cantonnerait pas à un rôle subalterne de chambre d’enregistrement des décisions du gouvernement centriste de Donald Tusk. Fort de sa légitimité populaire acquise lors de l’élection présidentielle, il compte donner un ton nouveau à la politique polonaise. En cela il peut compter sur de nombreux soutiens, qui se sont déplacés en masse ce mercredi 6 aout 2025 à Varsovie. Il a assumé son identité polonaise, sa foi catholique et ses opinions conservatrices, ainsi que son projet de développement pour le pays, marquant la pleine présence de la Pologne au sein de l’Union européenne et de l’OTAN, tout en soulignant le rôle clé de Varsovie dans le monde occidental et le refus de céder de sq souveraineté nationale. Le rapport de forces entre la présidence et le gouvernement est donc réinitialisé et rafraichi, avec comme ligne de mire les élections législatives de 2027.
Nathaniel Garstecka