Présidentielle en Pologne 2025. Karol NAWROCKI contre Rafał TRZASKOWSKI

Les deux finalistes de l’élection présidentielle polonaise de 2025, Karol Nawrocki et Rafal Trzaskowski, se sont affrontés lors du premier débat d’entre-deux-tours. Les sondages indiquent que le duel sera serré.
Rappel des résultats du premier tour
.L’élection présidentielle polonaise a débuté le 18 mai 2025, et a vu la qualification du progressiste Rafal Trzaskowski (PO, PPE) et du conservateur Karol Nawrocki (soutenu par le PiS, CRE) pour le second tour. La troisième place, celle de faiseur de roi, a été obtenue par le national-libertaire Slawomir Mentzen (Konfederacja, ENS). Les résultats officiels ont été publiés par la commission électorale le lendemain du scrutin:
Karol Nawrocki – 29,54%
Slawomir Mentzen – 14,81%
Grzegorz Braun (droite contestataire) – 6,34%
Szymon Holownia (centre) – 4,99%
Adrian Zandberg (gauche contestataire) – 4,86%
Magdalena Biejat (gauche) – 4,23%
Les autres candidats n’ont pas dépassé le score de 2%.
Les bons scores des candidats de droite ont remis en question la domination de Rafal Trzaskowski dans les sondages de second tour. Ces derniers indiquent que le scrutin décisif, qui se tiendra le 1er juin, sera serré:
IPSOS pour TVP, réalisé du 20 au 22 mai 2025 :
Indécis: 6%
Opinia24 pour TVN, réalisé du 19 au 22 mai 2025 :
Rafal Trzaskowski – 48,9%
Les programmes des candidats

.Le candidat conservateur soutenu par le PiS (Droit et Justice), Karol Nawrocki, présente un programme conservateur et modérément social :
– Renforcement des relations avec les États-Unis.
– Augmentation des dépenses militaires, accroissement des effectifs de l’armée à 300 000 soldats.
– Poursuite des grands investissements dans les infrastructures et l’énergie: projet d’aéroport central CPK, nucléaire, extension des ports de la Baltique…
– Opposition au pacte vert européen et au pacte asile et migrations.
– Refus de l’approfondissement de l’intégration politique et fédérale européenne, maintien du zloty comme monnaie nationale.
– Défense résolue des frontières polonaises contre l’afflux d’immigrants illégaux.
– Opposition aux réformes progressistes souhaitées par le gouvernement de Donald Tusk, notamment pour ce qui est de la libéralisation de l’avortement, de l’instauration du PACS et de la limitation de la liberté d’expression.
– Soutien au «développement équilibré» de la Pologne, c’est-à-dire à destination des agriculteurs, des campagnes et des villes petites et moyennes.
– Conditionnement du soutien à l’accession de l’Ukraine à l’OTAN à la coopération de Kiev sur les questions historiques et mémorielles.
– Poursuite des efforts pour obtenir des réparations de la part de l’Allemagne pour les dégâts causés durant la Seconde Guerre mondiale.
– Opposition à l’entrisme des associations progressistes dans les écoles.

.Le candidat progressiste présenté par la Plateforme Civique (PO) du premier ministre Donald Tusk, Rafal Trzaskowski, présente un programme favorable à l’intégration politique européenne et aux réformes sociétales :
– Libéralisation de l’avortement, projet prioritaire.
– Libéralisation de l’accès à la pilule du lendemain.
– Suppression du Fonds de l’Église.
– Renforcement des relations avec l’Allemagne et la France au détriment de l’alliance américaine.
– Approfondissement de l’intégration politique européenne.
– Soutien à la politique migratoire du gouvernement de Donald Tusk.
– Poursuite de la transition énergétique conformément au pacte vert de l’UE.
– Accession à la zone euro «dès que possible».
– Maintien d’une aide à l’Ukraine sans contrepartie.
– Adoption d’une loi sur la langue silésienne.
– Soutien public à la cause homosexualiste, via l’instauration du PACS.
Débat d’entre-deux-tours
.Ce premier débat d’entre-deux-tours a été organisé par la chaîne de télévision publique TVP et a duré deux heures. Plusieurs grands sujets ont été proposés (santé, politique internationale, économie, politique sociale, sécurité et éthique) et les candidats ont pu échanger directement, sans être dirigés par des interventions de journalistes.
Rafal Trzaskowski a concentré ses attaques sur les réalisation du PiS, parti conservateur qui a gouverné la Pologne de 2015 à 2023, l’accusant d’être responsable du mauvais état du système hospitalier ou de l’immigration massive, ce à quoi Karol Nawrocki a répondu qu’il ne saurait être tenu pour responsable des erreurs des conservateurs, n’étant pas lui-même politicien professionnel, mais aussi que de nombreux problèmes ont été approfondis par les centristes au pouvoir depuis fin 2023. Ainsi, Karol Nawrocki, qui n’a jamais été député ou ministre, n’a pas hésité à admettre que les gouvernements de droite avaient appliqué une politique trop sévère durant la crise des restrictions sanitaires en 2020 et 2021.
Il a cependant défendu les réalisations du parti de l’ancien premier ministre Mateusz Morawiecki dans le domaine social, du réarmement et dans celui des grands investissements. Rafal Trzaskowski, a, de son côté, vanté son bilan en tant que maire de Varsovie et a rappelé avoir été députée européen puis ministre de l’Europe en 2014, ce qui lui aurait conféré une certaine «expérience diplomatique». Il a défendu le processus fédéraliste des institutions communautaires, tout en soutenant qu’en tant que président il maintiendrait des liens privilégiés avec les Etats-Unis. Karol Nawrocki a, à l’inverse, mis en avant les nécessaires relations avec les Etats-Unis qu’il entretiendrait en priorité, indiquant que l’Union européenne n’était pas encore prête à prendre la relève dans le domaine de la sécurité du continent face à l’impérialisme russe.
Le débat a été marqué par de nombreuses évocations d’affaires et de scandales touchant les deux camps. Ceux visant l’acquisition «non éthique» par Karol Nawrocki d’un studio à Gdansk ont été désamorcés par le rappel de la politique de «reprivatisation sauvage» à Varsovie menée par les centristes. Rafal Trzaskowski a critiqué la participation de Karol Nawrocki à des combats de supporters dans sa jeunesse, ce à quoi le directeur de l’Institut de la Mémoire Nationale a répondu que le premier ministre Donald Tusk avait lui-même participé à des événements similaires.
Rafal Trzaskowski attaquait, Karol Nawrocki ripostait
.Les deux candidats ont mis en avant l’intérêt de la Pologne, le progressiste Rafal Trzaskowski l’envisageant dans l’intégration européenne et le conservateur Karol Nawrocki l’inscrivant dans le respect des souverainetés nationales. Le vice-président de la PO a maintenu ses critiques à l’égard de Donald Trump, alors que le candidat soutenu par le PiS a effectué une visite à la Maison-Blanche durant la campagne et y a rencontré plusieurs hauts représentants de l’administration républicaine, y compris le président américain.
Les candidats ont pu avancer leurs principales propositions. Karol Nawrocki a souhaité dénoncer le pacte vert et le pacte migratoire européen, les accusant de mettre en péril la souveraineté de la Pologne. Rafal Trzaskowski a affirmé être parvenu à débloquer les subventions européennes qui étaient retenues pour cause d’«Etat de droit». Il s’est affirmé en faveur de l’instauration du PACS, à l’élargissement de l’in vitro et d’une loi restreignant la liberté d’expression, ce à quoi Karol Nawrocki s’est ouvertement opposé.
Sous pression car menacé dans les sondages de second tour, Rafal Trzaskowski se devait d’être plus offensif et percutant. Il a essayé de décrédibiliser son concurrent sur son manque d’expérience politique, son absence de contacts à l’international et son histoire personnelle. Karol Nawrocki ripostait en renvoyant son opposant à ses liens avec le gouvernement de Donald Tusk et à ses propres contradictions, notamment sur le pacte vert et l’immigration.
Ce débat d’entre-deux-tours n’a pas été explosif et n’aura pas marqué les esprits. Rafal Trzaskowski avait besoin d’une victoire éclatante pour dissiper les doutes sur sa campagne. Il ne l’a pas obtenue. Karol Nawrocki devait rassurer l’électorat de base du PiS et confirmer auprès de celui des autres partis de droite. Cela semble avoir été modérément atteint. Cependant, Rafal Trzaskowski est sans doute parvenu à toucher les électeurs de gauche et des autres partis du centre. Le duel reste donc indécis entre le candidat soutenu par la PO et celui soutenu par le PiS et la clé de la victoire résidera dans la mobilisation des réserves de voix et des abstentionnistes.
Nathaniel Garstecka