22 octobre 1941, début du massacre d’Odessa

Massacre d'Odessa

Les troupes roumaines du maréchal Antonescu s’emploient à exterminer la population juive de la ville. Le massacre d’Odessa est l’un des principaux crimes de la Shoah commis indépendamment des Allemands.

Conquête de la ville par les Roumains

.Jusqu’en septembre 1940, la Roumanie essaie de ne pas s’engager outre mesure dans la Seconde Guerre mondiale. Elle n’a pas participé à l’invasion de la Pologne (en aidant même le gouvernement polonais à s’exiler à l’ouest) mais le roi Carol II sait qu’il ne pourra pas rester longtemps neutre. En effet, l’Allemagne et l’URSS se sont mises d’accord, dans le cadre du pacte germano-soviétique, sur une annexion de la Bessarabie et de la Bucovine du nord par Staline.

Après la défaite de la France, les Soviétiques réalisent cette annexion, avec l’accord des Allemands qui font pression sur la Roumanie pour qu’elle ne réagisse pas. Carol II prend la décision de se mettre sous la protection de l’Allemagne et nomme un gouvernement germanophile. Hitler décide néanmoins de prendre le parti de la Hongrie au sujet de  la Transylvanie.

Ainsi amputée de nombreux territoires, la Roumanie subit alors un coup d’Etat, la Garde de fer et Ion Antonescu renversant le roi Carol II et instaurant un régime d’inspiration fasciste. Antonescu engage la Roumanie dans une alliance militaire avec l’Allemagne et participe à l’invasion de l’URSS le 22 juin 1941 avec un contingent de 500 000 hommes.

Les armées roumaines attaquent dans le sud de l’Ukraine, afin de récupérer les territoires annexés l’année précédente. Elles assiègent Odessa, port stratégique de la mer noire, que les Soviétiques ont transformé en forteresse.

La bataille est longue, les Roumains subissent de lourdes pertes dans leurs tentatives de conquête de la ville. A la mi-octobre et malgré la défense acharnée des soldats de l’Armée rouge, l’état-major soviétique décide d’évacuer la ville par la mer, afin de renforcer les défenses de la Crimée menacée. Le 16 octobre 1941, les troupes roumaines font leur entrée dans Odessa.

Le massacre d’Odessa

.A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Odessa est une grande ville de plus de 600 000 habitants dont 130 000 Juifs. La moitié des habitants a néanmoins réussi à être évacuée par la flotte soviétique en même temps que l’Armée rouge.

Comme dans le cas de Kiev, les agents bolchéviques ont préparé un piège visant à décapiter l’armée roumaine. Ils ont placé des explosifs dans les principaux bâtiments administratifs, qui sont occupés par l’état-major roumain. Le 22 octobre, ils les font sauter, tuant un général et des dizaines d’officiers roumains.

Immédiatement, le maréchal Antonescu ordonne des représailles contre la population juive, accusée d’avoir commis l’attentat. Les soldats roumains et quelques unités détachées de l’Einsatzgruppe D se déchaînent dès lors contre les Juifs.

Le premier massacre d’Odessa débute ainsi le 22 octobre 1941 et dure pendant deux jours, jusqu’au 24. Dans la nuit du 22 au 23, ce sont 5 000 Juifs qui sont abattus dans les rues, pendus ou brûlés vifs. Du 23 au 24, entre 25 000 et 30 000 Juifs supplémentaires sont tués, souvent dans des conditions atroces. Certains groupes de prisonniers sont enfermés dans des barraques et mitraillés par les soldats roumains. D’autres sont exécutés directement dans leurs maisons ou assassinés dans des fosses communes, comme à Babi Yar.

Ceux qui n’ont pas été massacrés sont déportés dans des camps de concentration roumains en Transnistrie, où des dizaines de milliers d’entre eux mourront. Antonescu ordonnera aussi la constitution de ghettos, qui serviront à faire travailler les survivants. La quasi-totalité des Juifs d’Odessa disparaîtra ainsi, soit à peu près 100 000 personnes.

La particularité de ce crimes est qu’il a été planifié, organisé et mené principalement par les Roumains. Il ne s’agit pas d’une initiative allemande et seuls quelques dizaines de soldats allemands assisteront les troupes roumaines. A la différence des collaborateurs qui ont participé à la Shoah dans la plupart des pays occupés par l’Allemagne nazie, la Roumanie était un pays allié à Hitler et a massacré elle-même une grande partie des Juifs qui habitaient ses territoires conquis. Sa responsabilité dans la Shoah, en particulier par le massacre d’Odessa, est donc largement supérieure aux autres pays de la région.

„La Shoah – le crime que le monde entier a préféré ignorer”

.Marcin Czepelak, ambassadeur de la République de Pologne au Royaume des Pays-Bas, évoque, dans un article paru dans „Wszystko co Najwazniejsze”, l’inaction de l’Occident face à l’extermination des Juifs d’Europe par les Allemands :

„La réunion de Wannsee fut diabolique. Depuis l’invasion de la Pologne en septembre 1939, les Allemands ont entamé dans les territoires conquis des persécutions de la population juive, mais leur agression de l’Union soviétique, en juin 1941, s’est soldée par une brutalité encore plus grande et un caractère encore plus massif de leur politique antijuive. En août, les Einsatzgruppen ont massacré 24 000 Juifs à Kamenets-Podolski ; mi-septembre, début octobre plus de 30 000 Juifs ont été assassinés à Babi Yar, dans les environs de Kiev ; les exécutions du 30 novembre et du 8 décembre ont entraîné plus de 30 000 victimes juives du ghetto de Riga. Parallèlement, en automne, les Allemands ont commencé la construction de premières usines de la mort : les camps d’extermination à Sobibor et à Bełżec. C’est entre autres dans ces camps qu’ont été acheminés les Juifs venant de toute l’Europe pour y être exterminés dans les chambres à gaz. Tout cela s’est passé dans un silence absolu de la communauté internationale”.

„Parallèlement, l’État clandestin polonais a entrepris des actions visant à informer la communauté internationale sur le tragique sort des Juifs. À l’automne 1942, est arrivé à Londres Jan Karski, le courrier de l’État clandestin auteur de rapports sur la situation de la population juive, en particulier sur son extermination par les Allemands. Pour collecter des informations crédibles, Karski avait pénétré secrètement dans le ghetto de Varsovie et puis, dans un uniforme d’officier allemand, dans le camp transitoire d’Izbica. Ses rapports ont été transmis aux gouvernements britannique et américain, sans pour autant suscité un intérêt particulier. Seul le New York Times du 25 novembre 1942 a publié, en page 10, un court texte sur le plan allemand d’extermination de 250 000 Juifs polonais. Rien d’autre”.

„Les rapports de Jan Karski ont trouvé leur confirmation dans les relations ultérieures de Witold Pilecki de 1943. En volontaire, Pilecki s’est fait déporté au camp Auschwitz-Birkenau pour y organiser un mouvement de résistance et rédiger un rapport sur les crimes qui y étaient commis. D’autres témoignages concordants étaient à trouver dans les relations de deux Juifs qui ont fui le camp en avril 1944 : Rudolf Vrba et Alfred Wetzler”.

„Mais quand en 1942 le gouvernement polonais en exil en a appelé à entreprendre des actions visant à stopper l’extermination des Juifs, sa voix a rencontré un manque de réaction. Les architectes du crime planifié à Wannsee pouvaient s’abriter derrière le mur du silence”.

Nathaniel Garstecka

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