31 aout 1939, l’Opération Himmler ou "l’incident de Gliwice"
L’attaque de l’émetteur radio de Gliwice par un commando allemand a servi de prétexte officiel à l’invasion de la Pologne par le III Reich et au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
La Pologne, une indépendance fragile
.A l’issue de la révolution bolchévique et de la défaite allemande en 1918, la Pologne peut retrouver son indépendance, perdue à la fin du XVIIIème siècle. Elle doit cependant immédiatement lutter sur tous les fronts pour sa survie et pour fixer ses nouvelles frontières. La principale menace fut celle de la Russie rouge, qui prévoyait d’annihiler la Pologne et d’exporter la révolution à l’Europe entière et qui a été stoppée devant Varsovie durant l’été 1920. S’ensuivent deux décennies de paix fragile, marquées entre autres par la période durant laquelle le maréchal Pilsudski dirigeait le pays, de 1926 à 1935.
La Pologne est dès le début consciente de figurer en haut de la liste des potentiels objectifs militaires tant de l’Allemagne que de l’URSS. Son souci fut de naviguer entre les deux puissances totalitaires (l’Allemagne nazie à partir de 1933) et d’essayer de constituer une alliance avec la Roumanie et la France. Dans cette optique, elle signa des traités de non-agression avec l’URSS en 1932 et 1934 et avec l’Allemagne en 1934. L’alliance militaire avec la France fut formalisée dès 1921 et réaffirmée en mai 1939. L’Angleterre se joignit à cette alliance peu après.
Les craintes de la Pologne s’avérèrent justes. Elle était la cible principale d’Adolf Hitler : il considérait les terres polonaises comme faisant partie de „l’espace vital” nécessaire à la colonisation germanique et le pays comme étant le plus grand foyer de populations juives d’Europe à exterminer. De son côté, Staline voyait dans la Pologne „blanche, réactionnaire et bourgeoise” un obstacle majeur à la diffusion du communisme. Il gardait aussi en tête la défaite de 1920 à Varsovie et cherchait un moyen de prendre sa revanche. Les deux dictateurs se mirent naturellement d’accord sur une invasion combinée puis un partage de la Pologne, ainsi que sur une collaboration économique d’ampleur. Le pacte germano-soviétique fut ainsi signé en aout 1939.
Il ne restait plus qu’à trouver un casus belli pour justifier l’attaque, qui devait débuter le 1er septembre 1939.
Manœuvre allemande à Gliwice et déclenchement de la guerre
.Les Allemands réfléchissaient depuis juin 1939 à la meilleure façon de présenter le déclenchement des opérations militaires contre la Pologne. Heinrich Himmler et Reinhard Heydrich, respectivement Reichsführer-SS (dirigeant suprême de la SS) et directeur de la Gestapo, participèrent au complot et à la conception du plan.
Il fut décidé de monter une attaque sous fausse bannière assortie de la diffusion d’un faux appel de propagande. La ville silésienne de Gliwice (Gleiwitz en allemand) disposait d’une puissante station radio et se situait très près de la frontière avec la Pologne. Il fut convenu qu’un commando du SD (Sicherheitsdienst, Office de Sureté du Reich) accompagné d’une dizaine de prisonniers déguisés en soldats polonais attaquerait l’émetteur et diffuserait des slogans anti allemands et des incitations au soulèvement destinées aux populations silésiennes. Les prisonniers, sortis des camps de concentration, devaient ensuite être abattus sur place par les agents du SD, les journalistes convoqués et la Pologne envahie en représailles.
L’opération, baptisée „Opération Himmler”, fut menée le 31 aout 1939, au même moment qu’un ultimatum concernant le corridor de Gdansk (Dantzig en allemand) était envoyé à la Pologne. C’est un fidèle de Heydrich, le Sturmbannführer Alfred Naujocks, qui fut délégué pour la diriger. Il mit sur pied un commando avec des techniciens radio et reçut les prisonniers déguisés en soldats polonais. Ceux-ci s’étaient vus promettre la liberté s’ils participaient à l’attaque. L’opération se déroula selon le plan, à l’exception du fait que les techniciens ne parvinrent pas à diffuser l’appel de propagande à une portée suffisante. Les prisonniers furent tués sur place et présentés à la presse. Les autorités allemandes, averties du succès de l’ „attaque”, accusèrent la Pologne d’avoir essayé de soulever la Silésie. Disposant de son casus belli, Hitler lança ses forces armées contre la Pologne le lendemain. La France et le Royaume-Uni déclarèrent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre, mais ne fournirent aucune aide significative à la Pologne. Le 17 septembre, l’Union Soviétique l’envahit à son tour et effectua sa jonction avec les forces allemandes. Des défilés militaires communs furent organisés.
La conquête du pays fut achevée le 6 octobre, mais la Pologne ne capitulera pas, ne collaborera pas et continuera le combat contre les nazis pendant toute la durée de la guerre.
„L’Europe ne voulait pas mourir pour Gdańsk”
.Dans un article paru dans „Wszystko co Najwazniejsze”, le professeur Marco Patricelli, historien et universitaire italien spécialisé dans l’histoire de l’Europe, livre son analyse des événements de 1939 :
„Le 19 mai 1939, à Paris, a été conclue une convention secrète. Paraphée par les ministres de la défense français et polonais, elle stipulait qu’en cas d’agression allemande contre la Pologne ou en cas de menace de ses intérêts vitaux à Gdańsk la France s’engageait à exécuter immédiatement une action aérienne, puis, vers le troisième jour, à déclencher des actions offensives et, enfin, à déclencher une action avec les gros de ses forces à partir du 15e jour. Le gouvernement polonais, fort d’une telle alliance, était sûr de ne pas avoir à affronter seul la totalité de la Wehrmacht.”
„C’était d’autant plus justifié que l’armée française passait alors pour la plus puissante d’Europe.„
„Or, il y avait une chose que les dirigeants polonais n’avaient pas prévue : que les Français, parqués derrière la ligne Maginot, n’avaient aucune envie d’attaquer les Allemands. Le général Gamelin avait même prévu trois types de réponse « diplomatique » en cas de guerre germano-polonaise pour justifier l’inaction de Paris. Car, en France, personne ne voulait « mourir pour Dantzig », pour reprendre la formule de Marcel Déat. Ce point de vue était partagé par la classe politique et, hélas, par l’opinion publique françaises.”
„Les choses ne se présentaient pas mieux en Grande-Bretagne. Au lendemain de l’annonce du pacte Ribbentrop-Molotov, le conseil des ministres a convoqué une séance urgente du parlement. Le premier ministre Chamberlain a critiqué le geste de Staline, et le ministre des affaires étrangères Wood a ouvertement parlé de la nécessité de se préparer à la guerre. Ensuite, à la quasi-unanimité, a été adopté The Emergency Power Act. Le 25 août, Halifax et l’ambassadeur polonais à Londres Edward Raczyński ont signé des engagements diplomatiques et militaires négociés par le ministre des affaires étrangères polonais Beck.”
„Dans son journal, le chef d’état-major de la Wehrmacht, le général Halder, a noté sous la date du 29 août : « 30.08 les Polonais à Berlin, 31.08 nous rompons les pourparlers, 1.09 attaque armée ». Le 31 août le ministre italien des affaires étrangères Ciano a noté que le lendemain commencerait l’attaque contre la Pologne. Le 1er septembre, les bombardiers et les avions de chasse de la Luftwaffe ont pris leur envol à 4h15 du matin pour joindre à temps les objectifs préétablis. À 4h45, les canons du vieux cuirassé le « Schleswig-Holstein » ont ouvert le feu sur Gdańsk. Tout cela sans déclaration de guerre.”
Nathaniel Garstecka