Prof. Marco PETRICELLI: L’Europe ne voulait pas mourir pour Gdańsk. Une page noire de notre histoire commune

L’Europe ne voulait pas mourir pour Gdańsk. Une page noire de notre histoire commune

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Prof. Marco PATRICELLI

Histoire de la musique si il w II wojnie światowej, Wykładowca, auteur licencié de l'histoire.

Ryc. Fabien Clairefond

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La France et l’Angleterre n’ont pas répondu militairement à l’agression d’Hitler contre la Pologne le 1er septembre 1939. Elles auraient pu, par une action commune, arrêter l’une des guerres les plus atroces de l’histoire.

Le 19 mai 1939, à Paris, a été conclue une convention secrète. Paraphée par les ministres de la défense français et polonais, elle stipulait qu’en cas d’agression allemande contre la Pologne ou en cas de menace de ses intérêts vitaux à Gdańsk la France s’engageait à exécuter immédiatement une action aérienne, puis, vers le troisième jour, à déclencher des actions offensives et, enfin, à déclencher une action avec les gros de ses forces à partir du 15e jour. Le gouvernement polonais, fort d’une telle alliance, était sûr de ne pas avoir à affronter seul la totalité de la Wehrmacht.

C’était d’autant plus justifié que l’armée française passait alors pour la plus puissante d’Europe.

Or, il y avait une chose que les dirigeants polonais n’avaient pas prévue : que les Français, parqués derrière la ligne Maginot, n’avaient aucune envie d’attaquer les Allemands. Le général Gamelin avait même prévu trois types de réponse « diplomatique » en cas de guerre germano-polonaise pour justifier l’inaction de Paris. Car, en France, personne ne voulait « mourir pour Dantzig », pour reprendre la formule de Marcel Déat. Ce point de vue était partagé par la classe politique et, hélas, par l’opinion publique françaises.

Les choses ne se présentaient pas mieux en Grande-Bretagne. Au lendemain de l’annonce du pact Ribbentrop-Molotov, le conseil des ministres a convoqué une séance urgente du parlement. Le premier ministre Chamberlain a critiqué le geste de Staline, et le ministre des affaires étrangères Wood a ouvertement parlé de la nécessité de se préparer à la guerre. Ensuite, à la quasi-unanimité, a été adopté The Emergency Power Act. Le 25 août, Halifax et l’ambassadeur polonais à Londres Edward Raczyński ont signé des engagements diplomatiques et militaires négociés par le ministre des affaires étrangères polonais Beck.

Ce traité garantissait le soutien réciproque immédiat dans le cas où l’une des parties serait attaquée ou son indépendance menacée. L’interprétation de chaque article se trouvait dans un protocole classé secret. 

Dans son journal, le chef d’état-major de la Wehrmacht, le général Halder, a noté sous la date du 29 août : « 30.08 les Polonais à Berlin, 31.08 nous rompons les pourparlers, 1.09 attaque armée ». Le 31 août le ministre italien des affaires étrangères Ciano a noté que le lendemain commencerait l’attaque contre la Pologne. Le 1er septembre, les bombardiers et les avions de chasse de la Luftwaffe ont pris leur envol à 4h15 du matin pour joindre à temps les objectifs préétablis. À 4h45, les canons du vieux cuirassé le « Schleswig-Holstein » ont ouvert le feu sur Gdańsk. Tout cela sans déclaration de guerre.

L’Angleterre, puis la France, ont ordonné la mobilisation et la Pologne a commencé à exiger le respect des engagements. Le plan mis en place en mars par l’armée polonaise prévoyait des combats avec la Wehrmacht et des contre-attaques rapides pour préserver les sites stratégiques avant que la France et la Grande-Bretagne n’interviennent militairement. 

Les deux ont enjoint à Hitler d’arrêter les hostilités et de se retirer de Pologne. Évidemment, il n’y a pas eu de réponse, et l’armée allemande continuait son avancée. Le 3 septembre à 11h15, Chamberlain a annoncé sur la BBC que la Grande-Bretagne entrait en guerre contre l’Allemagne. À 17h00, l’ambassadeur Coulondre a déclaré que la France remplirait ses engagements envers la Pologne. Ribbentrop, faisant fi de tout cela, a envoyé à 18h50 un télégramme à Moscou demandant à Staline d’accomplir les dispositions du protocole secret au pacte Ribbentrop-Molotov et d’occuper le territoire de la Pologne.

Le quatrième partage de la Pologne a commencé le 17 septembre avec l’invasion de l’Armée Rouge, sans déclaration de guerre ici aussi. La France n’a procédé à une attaque ni vers le troisième ni à partir du 15e jour. Bien que vaincus et submergé sur les champs de bataille, les Polonais n’ont jamais signé d’armistice et ont combattu jusqu’au dernier jour de la guerre, sur tous ses fronts.

Le 8 juin 1946, à Londres, les festivités de la Journée de la Victoire ont rassemblé toutes les nations qui avaient combattu Hitler, sauf les Polonais que l’on n’a pas laissé se joindre à la célébration. Il n’y avait ni de drapeaux ni de soldats polonais. Staline qui, en 1939, grâce à l’alliance avec Hitler, avait participé au dépeçage de la Pologne, n’a jamais rendu les terres reprises à la Pologne. En 1945, la Pologne a été cyniquement sacrifiée sur l’autel de la realpolitik et s’est retrouvée sous le joug soviétique. Après la guerre, il n’y avait plus de place pour les soldats du général Anders qui ont combattu sur le front de l’Ouest ni pour les courageux patriotes de l’Armée de l’intérieur (AK).

La Pologne a été trahie, les accords n’ont pas été tenus. C’est une page noire de notre histoire européenne. La passion des Polonais, leur amour de la liberté, leur volonté farouche de reconstruire leur pays et leur solidarité sont dignes du plus grand éloge et de la plus haute admiration.

Prof. Marco Petricelli

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 29/08/2019