
Commémorations des 80 ans du génocide de Volhynie

Le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, s’est rendu en Ukraine afin de rendre hommage aux victime du génocide de Volhynie commis contre les Polonais.
Délégation en Ukraine
.Mateusz Morawiecki a effectué un déplacement mémoriel, le 7 juillet 2023, en Ukraine dans le village de Ostrowka. Accompagné de descendants de victimes et du docteur Leon Popek, spécialiste de l’histoire de la Volhynie, il s’est recueilli sur les tombes des habitants massacrés à l’été 1943 par les nationalistes ukrainiens. Il a aussi allumé des bougies funéraires à l’emplacement ou se trouvait l’église du village rasé il y a 80 ans.
Le docteur Popek a rappelé la tragédie qui s’y est déroulée : „Le 30 aout 1943, ce village et celui voisin de Wola Ostrowiecka ont été attaqués et détruits par l’UPA („Armée insurrectionnelle ukrainienne”). 475 personnes ici et 580 à Wola Ostrowiecka ont été exterminées. 30 autres villages du powiat (département) ont été assaillis simultanément”.
L’universitaire a ensuite été interrogé par la „Polska Agencja Prasowa” sur une éventuelle concorde mémorielle polono-ukrainienne au sujet des massacres de Volhynie : „Je suis plutôt optimiste car il y a des gestes de bonne volonté de part et d’autre. L’année dernière, par exemple, la population ukrainienne a restauré une dizaine de cimetières. Hier, à Ostrowka, des jeunes Ukrainiens et Polonais ont nettoyé ensemble le cimetière local. Ce sont des signes positifs, les choses avancent dans la bonne direction”
Génocide de Volhynie
.Le 11 juillet est reconnu par la Pologne comme „Journée Nationale d’Hommage aux Victimes du Génocide commis par les nationalistes ukrainiens sur les citoyens de la II République”. Cette date n’a pas été choisie au hasard. Le dimanche 11 juillet 1943, les bataillons de l’UPA ont profité de l’office religieux catholique polonais afin de lancer une attaque coordonnée sur une centaine de villes et villages de Volhynie, région de la II République de Pologne occupée à cette époque par les Allemands. Ce „vendredi noir” a été suivi d’une importante vague de massacres commis tout au long de l’été 1943 contre les populations principalement polonaises, mais aussi juives.
En 1939, la Volhynie était une région multiculturelle et multiethnique, à cheval sur les zones d’influence polonaise, lituanienne et ukrainienne depuis le XIVème siècle et avec de fortes minorités juives et allemandes. De nombreuses villes et de nombreux villages étaient mixtes. Au cours des années 1930, le mouvement nationaliste et indépendantiste ukrainien, représenté par l’OUN („Organisation des nationalistes ukrainiens”), revendiquait cette région, mais aussi celles Lwow, Tarnopol et Stanislawow, qui subiront aussi des nettoyages ethniques. Les Polonais et les Juifs sont désignés comme „ennemis de l’indépendance”.
En septembre 1939, l’Allemagne nazie et l’Union Soviétique envahissent la Pologne. Les régions du sud-est sont occupées par les Soviétiques. Ces derniers y commettront de nombreux crimes contre les élites et les représentants de l’Etat polonais, ainsi que contre les indépendantistes ukrainiens. En juin 1941, les Allemands déclenchent l’Opération Barbarossa contre l’URSS et conquièrent ces territoires. Ils mettent en place une politique d’extermination systématique des Juifs et de persécutions envers les Polonais, avec le soutien de certaines branches radicales de l’OUN.
En 1942, de premières attaques spontanées de villages polonais par des bataillons ukrainiens sont recensées. Au printemps 1943, les dirigeants de l’OUN et de sa branche armée, l’UPA, prennent la décision d’éliminer la totalité des Polonais et des Juifs des régions considérées comme devant appartenir à un Etat indépendant ukrainien. Une attaque coordonnée et massive est planifiée puis déclenchée le dimanche 11 juillet 1943. Les opérations de massacres contre les Polonais se poursuivront jusqu’en 1945 et la partition définitive des terres opérée par Staline.
A partir de l’été 1943, l’AK (résistance polonaise) déploie des troupes dans la région de Volhynie afin de contrer les actions des nationalistes ukrainiens. Des villages sont attaqués, provoquant la mort de plusieurs milliers d’Ukrainiens. Un conflit armé entre l’AK et l’UPA se déroule entre 1944 et 1945.
Les Soviétiques occupèrent à nouveau ces régions à partir de 1944 et elles furent rattachées à la RSS d’Ukraine. Les indépendantistes ukrainiens furent pourchassés par le NKVD, tout comme les résistants polonais. Les autorités communistes interdirent les débats et les recherches historiques sur ces événements et ce n’est qu’à partir de la chute de l’URSS en 1991 que les archives purent être ouvertes. Le sujet a été à l’origine de discordes mémorielles entre la Pologne et l’Ukraine, mais un début de réconciliation a été amorcé en 2016 quand le président ukrainien Petro Porochenko s’agenouilla à Varsovie devant le monument aux morts de Volhynie. La même année, le Sejm (chambre basse) polonais a qualifié les crimes ethniques commis par les nationalistes ukrainiens contre les Polonais entre 1942 et 1945 de génocide.
Le nombre total de victimes polonaises durant le génocide de Volhynie est estimé à 50 000. En ajoutant les autres régions dans lesquelles se sont déroulées les attaques, le chiffre monte à 100 000. En représailles, entre 2 000 et 10 000 Ukrainiens ont été tués par la résistance polonaise. Les autorités polonaises et ukrainiennes travaillent aujourd’hui sur des projets de concorde mémorielle, tandis que le sujet fait régulièrement l’objet de manipulations politiques par des nationalistes des deux pays, mais aussi par la Russie.
„Le temps est venu pour une réconciliation polono-ukrainienne”
.Dans un article publié dans „Wszystko co Najwazniejsze”, Igor Rozkladaï, fondateur du „Centre pour la Démocratie et l’Etat de droit” en Ukraine, évoque le besoin de réconciliation après le génocide de Volhynie :
„Les relations entre nos deux nations sont compliquées. Cependant, en ces temps de grands défis, nous devons aller de l’avant malgré la douleur du passé. Le temps est venu pour une réconciliation”.
” Après que la Russie ait décidé de restaurer l’URSS à l’occasion de son centième anniversaire, la Pologne et chaque famille polonaise ont ouvert leurs portes aux réfugiés ukrainiens. Aujourd’hui, le niveau de soutien polonais envers les Ukrainiens est dans doute le plus élevé de notre histoire commune et c’est pour cela que je dis merci à chaque personne, chaque famille, chaque volontaire polonais pour ça”.
„C’est le moment de vérité : en ce temps de grands défis, nous devons aller de l’avant malgré la douleur du passé. Le temps est venu pour une réconciliation. Nous devons réaliser des efforts mutuels afin d’empêcher nos ennemis de nous diviser pour nous affaiblir”.
„La période la plus douloureuse pour nous est celle entre 1914 et 1950. C’est à peine 1-2-3 générations : ce sont nos parents et nos grands-parents. C’est pour cela qu’il y a encore tant de haine entre nous. C’est difficile d’être impartial quand votre arrière-grand-père a été abattu ou votre grand-mère brûlée vivante. C’est difficile quand vous rêvez d’indépendance et que vous remarquez que d’autres peuples revendiquent les mêmes terres que vous. C’est ce qui s’est passé entre Polonais et Ukrainiens, deux peuples enracinés dans ces régions. La question a été résolue d’une manière brutale : 1,2 million de personnes ont perdu leurs maisons, leur terres, les tombes de leurs ancêtres. Leur mémoire a, quant à elle, été verrouillée par les Soviétiques”.
„Nos nations ont survécu au XXème siècle. Nous sommes dorénavant mieux préparés pour les défis du XXIème et je suis certain que notre rôle sera crucial pour faire face aux menaces pesant sur la démocratie et face aux crises qui nous attendent”.
Nathaniel Garstecka