Commission d’enquête sur l’influence russe en Pologne
Le Premier ministre polonais a commenté la signature, par le Président Andrzej Duda, de la loi instituant une commission d’enquête sur l’influence russe en Pologne. Il a imagé ses propos en rappelant la rencontre, en 2009, du Premier ministre polonais de l’époque avec son homologue russe sur l’estacade de Sopot.
Entrevue entre Tusk et Poutine sur l’estacade de Sopot
.Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire polonais „Wprost” et repris à l’agence de presse „PAP”, M. Morawiecki a été interrogé sur la récente signature de la loi sur la „Commission gouvernementale d’étude sur les ingérences russes dans la sécurité intérieure polonaise durant les années 2007-2022″.
Il a indiqué qu’une commission parlementaire similaire fonctionnait en France, qu’elle avait auditionné des personnalités comme Marine le Pen et qu’elle ne faisait l’objet d’aucune critique. De la même manière, il souhaiterait que des enquêtes soient menées en Pologne sur les liens qu’ont pu avoir certains hommes politiques avec le pouvoir russe : „Il y a peu, Donald Tusk et Boris Budka [président du groupe parlementaire du parti centriste „Platforma Obywatelska”] appelaient à la constitution d’une telle commission. La voilà désormais et ils protestent contre. Ce n’est pas logique. Nous aimerions savoir ce que Donald Tusk et Vladimir Poutine se sont dit en 2009 sur l’estacade de Sopot”.
Le rappel de cet événement n’est pas anodin. La rencontre des deux Premiers ministres (à l’époque, Vladimir Poutine était Premier Ministre de la Fédération de Russie et Donald Tusk celui de la Pologne) sur l’estacade de Sopot, station balnéaire du nord de la Pologne, a eu lieu quelques mois avant la catastrophe aérienne qui a couté la vie au Président polonais Lech Kaczynski à Smolensk. Donald Tusk maintient que le sujet de cette entrevue était „la météo et le paysage”.
L’influence russe au niveau européen
.M. Morawiecki a ajouté qu’il souhaitait que des commissions d’enquêtes sur l’influence russe soient instaurées au niveau européen : „je soutiens l’idée qu’une telle commission doit pouvoir fonctionner au niveau européen. La propagande russe est omniprésente sur notre continent et le Kremlin emploie des moyens importants pour la développer.”
Il a aussi tenu à rassurer sur l’usage qui sera fait de cette nouvelle structure, répondant ainsi aux critiques émises à son égard par les partenaires médiatiques internationaux de l’opposition : „les représentants de l’opposition emploient régulièrement envers nous un vocabulaire agressif et nous menacent de prison. Ils s’inquiéteraient dorénavant d’une enquête sur les ingérences russes ? Toutes les décisions prises par la commission seront soumises à l’approbation des tribunaux. C’est le cas pour toutes les cellules similaires qui fonctionnent en Pologne sur d’autres sujets.”
Enfin, il a remis en perspective la vivacité de l’influence russe en Europe : „Cela fait des mois que j’en parle. De nombreux pays sont ciblés, dont l’Allemagne, l’Autriche ou la France. C’était le cas en Pologne aussi. La Russie est passée maître, en l’espace de 300 ans, dans l’usage de la propagande à des fins politiques. Souvenons-nous des relations entre Voltaire et Catherine II. L’impératrice à parfaitement su instrumentaliser les Lumières françaises.”
Commission d’enquête sur l’influence russe
.Le Président polonais, M. Andrzej Duda, a validé ce lundi 29 mai 2023 une loi instaurant une commission d’enquête sur l’influence russe sur la sécurité de la Pologne entre 2007 et 2022.
M. Duda a signifié qu’une telle commission est nécessaire dans un pays aux portes duquel se déroule une guerre déclenchée par la Russie, et qui est frontalier de cette même Russie. Il a mis en avant le besoin de transparence de la vie publique polonaise et le besoin d’identifier les réseaux d’influence russes établis sur la période étudiée : „Ce n’est un secret pour personne que la Russie essaie depuis des années d’influer sur la politique de nombreux pays, souhaitant les rendre dépendants d’elle et y développer des liens économiques facilitant leur prise de contrôle.”
Il a ajouté, toujours au sujet de l’impact de la Russie sur la politique et l’économie de la Pologne et de l’Europe : „L’influence russe a contribué à l’invasion de l’Ukraine et à la crise énergétique qui touche actuellement l’Europe. C’est une réalité qu’il faut clarifier auprès de nos concitoyens”.
Se protéger de l’impérialisme russe
„Il a fallu attendre la transition démocratique, initiée en 1989 par le mouvement polonais Solidarité, créé neuf ans auparavant, pour que les Polonais et les autres nations d’Europe centrale et orientale retrouvent leurs propres États souverains. La plupart d’entre eux sont progressivement devenus membres à part entière de l’OTAN et de l’Union européenne”.
„Cependant, les impérialistes russes n’ont jamais supporté l’indépendance des pays de notre région. Après que la Russie se soit remise du choc que fut pour elle la perte de sa sphère d’influence, elle sa commencé à tout faire pour reconstruire son empire d’avant. Nous nous souvenons de l’attaque militaire de 2008 contre la Géorgie. Nous nous souvenons également de la répression brutale et répétée des mouvements de liberté en Biélorussie et en Ukraine. On se souvient enfin de la politique hostile de la Russie envers l’Ukraine indépendante, de l’annexion forcée de la Crimée et du Donbass en 2014, et surtout, de la guerre génocidaire à grande échelle livrée à un État ukrainien souverain qui a débuté le 24 février 2022”.
„Pour les peuples de notre région, loin d’oublier les expériences historiques symbolisées par la date du 17 septembre, il ne fait aucun doute que l’impérialisme russe s’efforce à nouveau de s’étendre. La Russie veut obtenir la même chose qu’en 1939–1940, lorsqu’elle a agi main dans la main avec son alliée – l’Allemagne nazie –, et en 1945–1991, lorsqu’elle a gouverné seule nos pays”.
„La Russie, depuis toujours, cherche à maîtriser l’Europe centrale et orientale. Mais une Pologne libre, une Ukraine libre et tous les autres États indépendants de notre région ne l’accepteront jamais. Pour nos nations, c’est une question de vie ou de mort, de préservation de l’identité et de survie. C’est une question d’avenir, de sécurité et de prospérité”.
Nathaniel Garstecka