fr Language FlagPologne. Après les élections, les progressistes sèment le chaos

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Peu enclins à admettre leur défaite, les politiciens de la PO tentent d’instiller les ferments du doute et du chaos dans un pays qui a, au contraire, besoin d’apaisement. Le président sortant, Andrzej Duda, remet les choses à leur place.

Donald Tusk ou la stratégie du chaos

.Trois semaines après la défaite de leur candidat à l’élection présidentielle polonaise, les membres de l’équipe du premier ministre Donald Tusk essaient de créer un climat de suspicion généralisé et de remettre en question la légitimité du vainqueur, Karol Nawrocki. Ce dernier a battu le progressiste Rafal Trzaskowski sur un score de 50,89% contre 49,11%, avec 360 000 voix d’écart, ce qui ne devrait laisser aucun doute sur l’issue du scrutin.

Or, le gouvernement a décidé de traquer la moindre erreur de comptage des 21 millions de bulletins et ainsi monter de toute pièce un scénario de fraudes massives qui auraient été commises par l’opposition conservatrice. Sous couvert de démarche «citoyenne» et «transparente» («ne souhaitez-vous pas savoir quel est le véritable résultat de l’élection ?», a demandé le premier ministre Donald Tusk sur son compte Twitter/X), il mobilise ses troupes autour d’un narratif de «résistance», de déni de démocratie en d’autres termes.

Cette démarche fait craindre une crise institutionnelle majeure, orchestrée par le gouvernement: une tentative d’invalidation de l’élection, une prise de contrôle «temporaire» du palais présidentiel le temps d’organiser une nouvelle échéance, qui cette-fois ci, dans l’esprit de Donald Tusk, devrait voir la victoire d’un candidat progressiste.

Sur quoi reposent les arguments du camp gouvernemental? Sur quelques dizaines de bureaux de vote où auraient été identifiées des erreurs: les protocoles auraient inversé les résultats des candidats. Parfois au bénéfice de Rafal Trzaskowski, parfois au bénéfice de Karol Nawrocki. Au total, quelques milliers de voix auraient de cette manière été attribuées en plus au candidat conservateur. Situation classique, mais n’ayant aucune incidence sur le résultat final du scrutin.

Le camp centriste pérturbé par sa défaite

.Incités par des ministres ou des personnalités proches de Donald Tusk, des centaines de militants ont rempli des formulaires de contestation électorale, souvent en fournissant un justificatif préécrit distribué massivement par l’état-major de la PO centriste. Ainsi, les médias proches du pouvoir peuvent communiquer sur «une mobilisation massive des citoyens Polonais soucieux de l’honnêteté et de la transparence du scrutin». Certains activiste appellent à un recomptage total de tous les bulletins, d’autres annoncent d’ores et déjà qu’ils ne reconnaîtront pas Karol Nawrocki comme leur président.

La Pologne sort d’une longue période électorale de trois ans. En octobre 2023, les centristes de Donald Tusk ont remporté les élections législatives (le PiS conservateur est arrivé en tête, mais n’est pas parvenu à former un gouvernement). En avril 2024, ils ont triomphé dans la plupart des régions et quelques mois plus tard ils ont battu le PiS aux élections européennes. Il ne leur manquait plus que le palais présidentiel afin d’obtenir le monopole du système politique polonais. Pour ce faire, ils comptaient sur Rafal Trzaskowski, vice-président de la PO, maire de Varsovie et finaliste malheureux de la présidentielle de 2020. L’échéance de 2025 ne devait être, pour ce représentant des élites urbaines et progressistes, qu’une formalité. Or, il a été à nouveau battu de peu, cette fois-ci par Karol Nawrocki, directeur de l’Institut de la Mémoire Nationale, issu des quartiers pauvres de Gdansk et accusé d’avoir fréquenté des milieux criminels dans sa jeunesse.

Le choc de la défaite a été tel que le camp de Donald Tusk a refusé d’y croire, malgré la validation de l’élection par la Commission Electorale Polonaise (pourtant contrôlée par le gouvernement centriste) et les félicitations adressées à Karol Nawrocki par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Un rapport de l’OCDE n’a pas permis de remettre en doute la victoire du candidat conservateur et a même critiqué le manque de transparence… du gouvernement de Donald Tusk. De plus, les services de renseignements, qui sont sous les ordres des centristes, n’ont relevé aucune manœuvre frauduleuse d’ampleur au cours du vote.

Réactions des présidents Andrzej Duda et Karol Nawrocki

.Afin de couper court à toute velléité de «scénario à la roumaine», le président sortant Andrzej Duda a publié un message sur son compte Twitter/X, en réponse à celui, cité plus haut, du premier ministre:

«M. Donald Tusk et ses collègues n’arrivent pas à accepter leur défaite à l’élection présidentielle.

Messieurs ! Le problème ne réside pas dans les élections, ni dans le vote des électeurs (car il est sans équivoque : 370 000 voix d’avance, soit une l’équivalent d’une grande ville polonaise), mais plutôt dans votre mentalité. Vous pensez que vous êtes censés gagner, et c’est tout ! Vous ne faites que taper du pied. Vous avez doté tous les bureaux de votes de vos propres assesseurs et hommes de confiance. Vous avez élu vos propres membres à la Commission Electorale Polonaise. Des sociétés mandatées par les médias favorables à votre candidat ont mené des enquêtes. Et donc?!? Tout ce beau monde a triché? Tout ce beau monde a menti? Vos propres hommes ont mal compté les votes, ce qui vous a fait perdre?

Non, Monsieur le Premier ministre. Je ne suis pas curieux des résultats de l’élection présidentielle, car je les connais. Ils ont été officiellement annoncés par la Commission Electorale. Je les connais aussi bien que tous les Polonais et les responsables politiques du monde entier qui ont félicité le président élu Karol Nawrocki.

Cependant, je réitère une fois de plus le conseil que je vous ai donné récemment, en tant que garant de la sécurité de l’État et de la continuité du pouvoir: tenez-vous loin des bulletins de vote des élections présidentielles! Je suis convaincu qu’il ne faut pas vous laisser y toucher. Cette question relève de la Cour suprême et de la Commission Electorale. Cette même Chambre de la Cour suprême qui a reconnu les résultats des élections, grâce auxquels vous gouvernez désormais en Pologne (NDLR : les résultats des élections législatives de 2023). Cette même Chambre grâce à laquelle vous êtes désormais Premier ministre. S’il vous plaît, cessez les provocations, les mensonges et la pression sur vos collègues. Cela ne sert ni la Pologne ni le sentiment de sécurité de nos compatriotes. Vous devez savoir perdre avec dignité et respecter les règles de la démocratie».

.La Cour Suprême doit statuer sur les contestations électorales d’ici le 1er juillet 2025 et établir si celles qui sont recevables pourraient avoir une influence sur le résultat de l’élection. Karol Nawrocki prêtera serment le 6 aout, et une manifestation de soutien envers le nouveau président est prévue dans les rues de Varsovie.

Le vainqueur de l’élection a d’ailleurs tendu la main au premier ministre Donald Tusk: «Monsieur le Premier ministre, le futur président polonais ne laissera pas la Pologne être privée de sa démocratie et de sa liberté d’élire son président. La Pologne est un pays libre, indépendant et souverain, et ce sont les Polonais qui ont élu leur président. Monsieur le Premier ministre, nous devons commencer à nous habituer les uns aux autres, il est temps d’abandonner l’hystérie et de ne pas détruire la démocratie polonaise, mais de commencer à coopérer avec le futur président autant que possible». Ces appels convaincront-ils l’équipe de Donald Tusk de cesser de provoquer le chaos en Pologne?

Nathaniel Garstecka

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 22/06/2025