L’immigration, sujet d’importance en Europe centrale

Immigration Pologne

Ces derniers mois, les questions d’immigration sont au cœur des débats publics dans le contexte des projets de la Commission de Bruxelles et des élections tant nationales qu’européennes à venir.

L’immigration, cheval de bataille de Bruxelles

.Les institutions européennes souhaitent faire avancer la réforme de la politique migratoire européenne. La commission a déjà présenté un projet de loi instaurant une „solidarité migratoire” entre les Etats membres, le „Pacte européen sur la migration et l’asile”. Ce mécanisme de relocalisation prévoit des amendes („contributions solidaires”) contre les pays qui refuseront d’accueillir les clandestins africains et proche-orientaux. Le montant de l’amende est pour l’instant fixé à 20 000 euros par clandestin refusé et par an.

Parallèlement, le Parlement européen vient de voter, avec les voix de la gauche, du centre et d’une grande partie du centre-droit, un texte de résolution appelant les Etats membres de l’espace Schengen à ne pas réinstaurer de contrôles à leurs frontières visant à empêcher leur franchissement par les migrants illégaux qui seraient déjà présents sur le continent.

Plus précisément, le texte „rappelle qu’un grand nombre de prolongations des contrôles aux frontières intérieures depuis 2015 ne sont pas suffisamment justifiées et ne sont pas conformes aux règles en ce qui concerne leur extension, leur nécessité ou leur proportionnalité, et sont par conséquent illégales”.

Par ailleurs, le Parlement européen „est vivement préoccupé par les rapports persistants et sérieux faisant état de violences et de renvois forcés aux frontières extérieures, y compris d’un État membre à l’autre, puis vers un pays tiers”  et „demande à la Commission et aux États membres [d’enquêter sur] les allégations de renvoi forcé et de mauvais traitements aux frontières et de faire en sorte qu’il soit immédiatement remédié à ces lacunes”.

Enfin, il „estime qu’il est essentiel que la politique de l’Union en matière de visas soit efficace, conviviale et sûre, et estime que l’intégration des ressortissants des pays tiers qui sont installés durablement dans les États membres est un élément clé pour promouvoir la cohésion économique et sociale”.

Les institutions européennes prévoient d’accélérer le processus d’adoption des nouvelles lois avant les élections européennes de juin 2024.

Réactions dans les pays d’Europe centrale

.De plus en plus pays d’Europe centrale sont touchés par des problématiques liées à l’immigration. De nombreux clandestins ayant débarqué sur l’île de Lampedusa cette année (130 000 de janvier à septembre) ont déjà été transférés sur le continent et se sont déplacés vers l’Allemagne entre autres. Berlin a effectué plusieurs revirements suite à l’enchaînement des événements. Le 13 septembre, l’Allemagne a annoncé qu’elle n’accepterait plus de migrants en provenance de Lampedusa, mais elle a rapidement du faire volte-face. Cependant, deux semaines plus tard, la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, a décrété l’instauration de contrôles aux frontières avec la Pologne et la Tchéquie. Depuis le début de l’année, 200 000 demandes d’asile ont été déposées à Berlin, soit une augmentation de plus de 70% par rapport à la même période en 2022. Dans ce contexte, le parti de droite anti-immigration AFD a poursuivi sa progression dans les sondages, dépassant désormais systématiquement les 20% de soutien dans toutes les enquêtes d’opinion.

La question de l’immigration a aussi fortement pesé lors des élections législatives slovaques du 30 septembre. Le parti de gauche anti-immigration de l’ancien Président du gouvernement slovaque Robert Fico, SMER-SD, est arrivé en tête avec 23% des voix et travaille désormais à la constitution d’une coalition de gouvernement. Dans la foulée, la Slovaquie a renforcé les contrôles à la frontière avec la Hongrie. Cependant, elle n’a pas, comme la Tchéquie, voté contre le „Pacte européen pour la migration et l’asile”, mais s’est abstenue.

Budapest a de son côté maintenu son opposition aux projets bruxellois. Le ministre des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, a déclaré : „Nous appelons Bruxelles à mettre immédiatement fin à cette politique migratoire et aux quotas de réinstallation obligatoires”.

La Pologne, qui entre dans une période décisive de la campagne électorale pour les législatives du 15 octobre, tient des positions fermes sur l’immigration illégale. En plus de s’opposer, avec la Hongrie, au „Pacte européen sur la migration et l’asile” présenté par la Commission, elle a décidé de demander aux Polonais leur avis via un referendum qui se tiendra le même jour que les élections législatives. Deux questions seront dédiées à l’immigration :

„approuvez-vous l’accueil de milliers d’immigrés illégaux du Proche-Orient et d’Afrique que tente de nous imposer la bureaucratie européenne via le mécanisme de relocalisation obligatoire?” et „approuvez-vous le démantèlement de la clôture de sécurité à la frontière avec le Belarus ?”. Selon les sondages, une écrasante majorité des Polonais répondraient par la négative aux deux questions. Par ailleurs, la Pologne a elle aussi renforcé les contrôles à ses frontières Schengen, avec la Slovaquie notamment.

Déclarations des dirigeants polonais

.Le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a affirmé, jeudi 5 octobre, dans le cadre du sommet du Conseil européen informel à Grenade (Espagne), qu’il poserait le véto polonais à toute tentative d’institutionnaliser l’immigration illégale en Europe.

Le ministre de l’Intérieur, Mariusz Kaminski, a critiqué le projet européen en matière d’immigration : „Les migrations sont utilisées comme un outil de déstabilisation de la Pologne et de l’Union Européenne. La politique migratoire de l’UE est irresponsable et inadéquate par rapport aux défis actuels. Elle est idéologisée et suicidaire”.

Le Président de la République de Pologne, Andrzej Duda, a rappelé que la Pologne avait réussi à bloquer le projet de relocalisation forcée de clandestins en 2015 et 2016 et qu’il fallait qu’il en soit de même cette fois-ci. Il a aussi incité les Polonais à se rendre aux urnes le 15 octobre et à voter au referendum afin de mettre le poids de la souveraineté populaire dans la balance des négociations au sein de l’Union Européenne.

La députée européenne et ancienne Premier ministre, Beata Szydlo, a ajouté : „Nous observons une accélération dans le processus d’adoption du Pacte pour la migration et l’asile. Il est possible que les décisions autorisant l’instauration du système de relocalisation obligatoire de clandestins peuvent être prises même d’ici la fin 2023. Les Etats membres qui s’y opposeront se verront infliger des amendes. La Pologne est claire là-dessus : nous n’acceptons pas ce projet.”

Nathaniel Garstecka

Materiał chroniony prawem autorskim. Dalsze rozpowszechnianie wyłącznie za zgodą wydawcy. 6 października 2023
Photo: Jakub Szymczuk/ KPRP