La Pologne organise un referendum sur la question de l’immigration illégale
Le gouvernement polonais a décidé de la tenue d’un referendum en octobre 2023. Certaines questions porteront sur la politique migratoire, tant nationale qu’européenne.
Elections à venir en Pologne
.Le Président de la république de Pologne, Andrzej Duda, a récemment fait connaître la date à laquelle se tiendront les élections législatives polonaises: le 15 octobre 2023. Ce jour-ci, les Polonais voteront pour élire leurs députés et sénateurs. Simultanément sera organisé un referendum dont plusieurs questions sont déjà connues.
Deux d’entre elles porteront sur des sujets purement intérieurs (vente des entreprises publiques et augmentation de l’âge de la retraite), deux autres concerneront l’immigration illégale : „approuvez-vous l’accueil de milliers d’immigrés illégaux du Proche-Orient et d’Afrique que tente de nous imposer la bureaucratie européenne via le mécanisme de relocalisation obligatoire?” et „approuvez-vous la suppression de la clôture de sécurité entre la Pologne et la Biélorussie?”
L’article 125 de la Constitution de la République de Pologne autorise la tenue de referendums nationaux sur des sujets importants pour l’Etat. Si la participation au referendum est supérieure à 50% du corps électoral, le résultat est contraignant pour le gouvernement.
Referendum sur le mécanisme de relocalisation de clandestins
.La volonté du gouvernement polonais de demander aux électeurs leur avis sur l’immigration illégale fait suite au projet de la Commission européenne de mettre en place un mécanisme permanent de relocalisation des migrants illégaux africains et proche-orientaux dans les pays de l’UE. Il serait possible aux Etats membres de refuser l’accueil des clandestins, mais il faudra alors s’acquitter d’une amende de 22 000 euros par personne refusée et par an. Le projet a été voté en juin au conseil des ministres de l’Union européenne, malgré l’opposition de la Pologne et de la Hongrie, et concerne dans un premier temps un quota annuel de 30 000 migrants, ce nombre devant par la suite augmenter d’année en année (la Commission avait proposé 120 000 clandestins).
L’immigration massive illégale est un sujet de préoccupation majeur pour l’Europe. Elle pose des problèmes sécuritaires, financiers et culturels à tous les pays qui la subissent. Selon l’ancien secrétaire général du Ministère de l’Immigration français, Patrick Stefanini, entre 800 000 et 1 million de clandestins se trouveraient actuellement en France, alimentant ainsi les réseaux de passeurs et le trafic d’êtres humains.
C’est lors de la crise de l’arrivée massive de „réfugiés” en 2014 et 2015 (1 million de personnes venant d’Afrique et du Proche-Orient) que les institutions européennes ont décidé d’établir un mécanisme contraignant d’accueil devant soulager les pays en première ligne face à l’afflux de migrants illégaux, en particulier l’Italie, la Grèce et l’Espagne. A l’époque déjà, les autorités de certains pays d’Europe centrale s’y étaient opposées. La Pologne, par exemple, devait accueillir 7,5% des clandestins selon le plan originel de la Commission.
Depuis février 2022 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Pologne a reçu plus de deux millions de réfugiés ukrainiens fuyant la guerre. C’est le pays qui a accueilli le plus d’Ukrainiens et qui a fait le plus preuve de solidarité à leur égard, grâce à l’engagement des citoyens, de l’Etat et de nombreuses organisations. Ayant réalisé cet effort, le gouvernement polonais estime qu’il serait injuste de lui imposer en plus une immigration en provenance des pays du sud et de l’est de la mer Méditerranée.
Cette position semble faire consensus au sein de la classe politique polonaise et de la population, et c’est pour s’en assurer que la question de ce mécanisme européen de relocalisation de clandestins sera posée lors du referendum du 15 octobre 2023.
Referendum sur la clôture de sécurité entre la Pologne et la Biélorussie
.L’autre sujet migratoire qui sera abordé lors du referendum est celui de la barrière qui a été érigée par les autorités polonaises à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Sa fonction est essentiellement sécuritaire. Elle doit empêcher les clandestins de pénétrer illégalement sur le territoire de l’Union européenne et d’éventuels membres des services spéciaux biélorusses ou des mercenaires du groupe Wagner de s’infiltrer afin de mener des actions de provocation ou de sabotage.
Au printemps 2021, le Président biélorusse Aleksander Loukachenko et le Président russe Vladimir Poutine ont organisé une nouvelle filière d’immigration clandestine extra européenne visant à déstabiliser les pays d’Europe centrale. Les migrants sont acheminés par avion de Syrie, d’Irak ou d’Afrique jusqu’à Minsk, la capitale de la Biélorussie, puis sont équipés et dirigés vers la frontière polono-biélorusse par les services spéciaux biélorusses. Depuis deux ans, plusieurs dizaines de milliers de tentatives de passage ont été empêchées par les garde-frontières polonais.
Etant confrontées à la même situation, la Lituanie et la Lettonie ont érigé une clôture à leur frontière avec la Biélorussie, puis la Pologne en a fait de même. Le tronçon polonais du mur est long de 187 km et est constitué de piliers de métal surmontés de fils barbelés. Sa construction a été achevée au premier semestre 2022 et a coûté 350 millions d’euros.
Le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie a permis de mieux comprendre les objectifs de cette volonté d’inonder l’Europe centrale de migrants en provenance de pays africains et musulmans. C’est l’un des éléments de la guerre hybride menée contre l’Occident, une tentative de déstabiliser l’Europe centrale et de brouiller les pays de cette région avec ceux d’Europe de l’ouest et les institutions européennes, beaucoup plus tolérants envers les flux de clandestins. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a par exemple déclaré qu’elle ne soutiendrait pas la construction de la clôture, malgré les demandes de la Pologne.
La situation à la frontière est d’autant plus inquiétante que la Biélorussie fait peser plusieurs menaces sur la sécurité de la région, notamment en accueillant sur son sol entre 4 000 et 6 000 mercenaires du groupe paramilitaire russe Wagner ayant été engagés dans la guerre contre l’Ukraine.
Début aout 2023, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a déclaré, au sujet des clandestins instrumentalisés par la Biélorussie: “Aujourd’hui, les frontières est de la Pologne et de la Lituanie sont celles du monde libre, faisant barrage aux menées du despotisme oriental. C’est à nos frontières que sont stoppées les attaques hybrides que nous observons depuis deux ans”. Il a ajouté, évoquant le groupe Wagner : “Nous alertons contre les provocations de la Russie et de la Biélorussie. Le Groupe Wagner peut mener des actions de sabotage et tous ceux qui sous-estiment cette menace rendent possible de nouvelles provocations à nos frontières”.
La Pologne étant responsable de la frontière est de l’Union Européenne, son gouvernement a donc décidé de demander aux citoyens de se prononcer par referendum sur l’avenir de cette clôture visant à empêcher l’immigration illégale et les provocations des soldats russes et biélorusses.
Nathaniel Garstecka