La Pologne a déjà accueilli 1,5 millions de réfugiés ukrainiens et s’oppose à la relocalisation de clandestins
Le nouvel „accord” européen sur la relocalisation de clandestins africains et proche-orientaux a été voté à la majorité qualifiée au conseil des ministres, malgré l’opposition de la Pologne et de la Hongrie.
Vote européen sur la relocalisation de clandestins
.Le „Pacte pour les migrations”, qui était déjà à l’étude depuis la crise de l’afflux massif de clandestins en 2015, a été adopté par le Conseil des ministres de l’Union européenne. Il prévoit notamment des amendes pour les pays refusant de prendre leur part d’immigrés, allant jusqu’à 22 000 euros par an et par personne refusée. Le quota initial de migrants est fixé à 30 000 par an (au lieu des 120 000 proposés par la Commission), ce nombre étant destiné à s’accroitre systématiquement. Cette „solidarité obligatoire” a été votée malgré l’opposition notable des dirigeants de la Pologne et de la Hongrie.
Les pays en première ligne face à l’immigration illégale africaine et proche-orientale, en particulier l’Italie et la Grèce, sollicitaient depuis des années des mesures au niveau européen afin de les soulager du poids de l’accueil et du traitement des demandes d’asile. Les tergiversations occidentales face aux passeurs et le refus de considérer les pays de départs, par exemple la Tunisie et la Lybie, comme étant sûrs, ainsi que les déclarations favorables à l’immigration massive de nombreux dirigeants de France ou d’Allemagne, ont amené les institutions communautaires à mettre en place un nouveau système de quotas et de participation „solidaire” de tous les Etats de l’Union.
En 2015, un premier projet de relocalisation forcée avait été rejeté grâce au refus de la Pologne, de la Hongrie et de la Tchéquie. Afin de ne pas reproduire cette situation, il a été décidé que ce serait le Conseil des ministres de l’UE qui validerait le Pacte, du fait de la possibilité d’y voter à la majorité qualifiée (règle des 15 Etats membres représentant au moins 65% de la population de l’UE) et non à l’unanimité. De nombreux pays d’Europe centrale ont préféré s’abstenir : Tchéquie, Slovaquie, Lituanie, Bulgarie… et seules la Pologne et la Hongrie ont voté contre, deux pays qui ont accueilli de nombreux immigrés ukrainiens (2 millions pour la seule Pologne) depuis l’invasion russe de l’Ukraine.
En plus de la volonté des pays d’Europe de l’ouest d’organiser l’immigration illégale via la mer méditerranée, la procédure employée fait naître des interrogations sur l’avenir des institutions européenne. En effet, le refus de passer par le vote à l’unanimité au profit du vote à la majorité qualifiée s’inscrit dans le projet fédéraliste porté par le chancelier allemand Olaf Scholz et le président de la République française Emmanuel Macron, contre celui d’Europe des nations défendu en particulier par le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.
Enfin, le projet pourrait bien être corrigé par le Parlement européen, sous l’impulsion des sociaux-démocrates et des écologistes au pouvoir en Allemagne. Ces derniers ont fait part à plusieurs reprises de leur déception face à „cet accord timide et peu ambitieux”. La gauche européenne pourrait suivre et proposer une solution beaucoup plus contraignante envers les pays refusant l’immigration illégale et la relocalisation de clandestins.
Réactions de la Pologne
.Les dirigeants polonais ont annoncé très tôt leur opposition nette à ce nouveau programme. M. Morawiecki a déclaré : „Tant que le PiS („Droit et Justice”, parti conservateur au pouvoir en Pologne) gouvernera, nous n’autoriserons aucune immigration illégale en Pologne”. Il a ajouté, faisant référence à la vague d’agressions commises par des clandestins en Europe occidentale (la dernière en date étant l’attaque, par un migrant syrien, à l’arme blanche d’enfants dans un parc à Annecy) : „Dans certaines villes européennes comme Paris, Marseille, Rome ou Stockholm, il y a des quartiers dans lesquels il est risqué de se balader […] Pour nous, la sécurité des familles polonaises, des femmes polonaises et des enfants polonais est la plus importante.”
Le porte-parole du gouvernement, M. Piotr Müller, a complété : „Nous continuerons à nous opposer à ce programme et nous essaierons de le bloquer au Conseil européen (cette fois-ci au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement) et au Parlement européen”.
Le professeur Zdzislaw Krasnodebski, député européen et ancien vice-président du Parlement européen a rappelé, dans un entretien avec „Polskie Radio 24”, que le projet était en gestation depuis des années. Il s’est aussi inquiété de la méthode utilisée pour faire passer l’accord : „On est passé par le Conseil des ministres de l’Union européenne, au sein duquel fonctionne le vote à majorité qualifié. Imaginez le peu que la Pologne aura à dire si la règle de l’unanimité est abolie”. Il a ajouté, au sujet de la poursuite du processus législatif : „Les négociations vont maintenant être portées au Parlement européen, où les mesures de l’accord pourraient être renforcées sous l’impulsion des groupes de gauche libérale”.
Le député européen PiS Dominik Tarczynski a indiqué, citant des données Eurostat lors d’un débat sur „TVP info”, que la Pologne était le seul pays à ne pas connaître de risque sécuritaire lié à l’immigration illégale : „En Suède, 70% des crimes et délits impliquent des immigrés. Si nous ouvrons les vannes en Pologne, ce sera le début des ennuis sécuritaires”. Le député européen, artisan de l’accession de la Pologne à l’Union européenne et ancien vice-président du Parlement européen de 2004 à 2007, M. Jacek Saryusz-Wolski, ajoute : „La décision du Conseil des ministres de l’UE dépasse le cadre des compétences de l’Union. 98% des immigrés venant du sud sont des migrants économiques, non des réfugiés au sens de la Convention de Genève, et l’immigration économique est du ressort des Etats membres selon l’article 79-5 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne”.
La vice-présidente du groupe conservateur au Parlement européen et ancienne Premier ministre de la Pologne, Mme Beata Szydlo, a écrit sur le réseau social Twitter: „la Pologne s’oppose à l’emploi de la majorité qualifiée pour des sujets d’une telle importance financière et sécuritaire. Cela annonce l’abolition du droit de veto des Etats membres”. Le professeur Ryszard Legutko, co-président du même groupe ECR, poursuit cette pensée dans un entretien à l’agence „PAP” : „L’abolition de l’unanimité constitue un risque pour la souveraineté de la Pologne et des pays plus petits”.
L’ancien ministre polonais des affaires étrangères de 2015 à 2018, M. Witold Waszczykowski a ajouté : „Ce projet de relocalisation de clandestins viole le droit européen en matière d’immigration. L’immigration massive, menaçant notre sécurité, ne peut être régulée que par les Etats et par le Conseil européen à l’unanimité”.
L’ancien Premier ministre polonais et ancien président du Conseil européen de 2014 à 2019, M. Donald Tusk, avait déclaré en 2017 : „De plus en plus de pays voient bien que la relocalisation de clandestins forcée n’est pas une solution au problème migratoire, que la solution passe par davantage d’actions aux frontières européennes et même au-delà, afin de freiner l’immigration illégale.”
.La députée et ancienne porte-parole du parti de gauche SLD, Mme Anna Maria Zukowska, a, de son côté, noté dans un entretien avec „Polskie Radio” : „La Pologne a déjà accueilli 1,5 millions de réfugiés ukrainiens. Même s’il ne serait pas un problème d’en accueillir 1 000 autres d’Afrique, ça ne serait pas juste pour nous. N’oublions pas que les pays que fuient ces Africains étaient des colonies allemandes, françaises, belges et italiennes, et qu’ils ne se sont pas développés économiquement ensuite. Nous, nous avons à nos frontières une guerre de grande ampleur”.
Nathaniel Garstecka