15 septembre 1935, adoption des lois de Nuremberg

Lois de Nuremberg

Les lois de Nuremberg proclamées par Hitler institutionnalisent l’antisémitisme d’Etat et serviront de base aux discriminations ultérieures puis à la politique génocidaire des Allemands.

La montée de l’antisémitisme en Allemagne

.La vie des Juifs en Allemagne a toujours été compliquée. Comme beaucoup d’autres peuples, les Germains éprouvent dès le Moyen âge une méfiance envers les Juifs, pratiquant une autre religion et étant accusés d’avoir tué le Christ. Plusieurs villes impériales sont le théâtre d’attaques contre les communautés juives durant la première croisade, à la fin du XIème siècle. Ces événements inciteront de nombreux Juifs d’Allemagne à s’installer en Pologne, pays qui faisait preuve d’une tolérance inédite pour l’époque. Viennent ensuite les soupçons de meurtres rituels, de profanation d’hosties, de perversion de la société. Martin Luther publie des pamphlets antisémites. Aux XVIIIème et XIXème siècles, l’antisémitisme prend une forme idéologique. Les Juifs sont accusés par les conservateurs et les paysans d’être porteurs d’idées libérales et modernistes, les progressistes puis les marxistes les accusent d’être des obstacles, par leur traditionalisme, à la révolution (Karl Marx publie en 1843 un texte violent à l’égard des Juifs). Le XIXème siècle marque aussi l’apparition des théories völkisch, mélange de nationalisme, de paganisme, de romantisme et d’ethnicisme (puis de racisme) : les Germains sont un peuple aryen et les Juifs sont un élément extérieur et parasite. Malgré le patriotisme des Juifs exprimé pendant la Première Guerre mondiale, de nombreux politiciens et penseurs allemands reprennent la théorie du „coup de poignard dans le dos”. Les Juifs sont associés en bloc aux socialistes, aux communistes et aux pacifistes.

Cette longue tradition antisémite imprègne les responsables du Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands (NSDAP, parti nazi). Le „programme en 25 points” d’Adolf Hitler, littéralement socialiste et nationaliste, élaboré en 1920, prévoit déjà de retirer la nationalité allemande aux Juifs et donc de les priver de nombreux droits et de libertés.

Walther Rathenau, ministre des Affaires Etrangères d’origine juive et qui avait pourtant contribué au redressement diplomatique et militaire allemand après le Traité de Versailles, est assassiné en 1922 par l’Organisation Consul, dont les membres rejoindront plus tard les nazis.

Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler est nommé chancelier. Il entreprend immédiatement de verrouiller la vie politique ainsi que la société allemandes. Les élections de mars 1933, suivant l’incendie du Reichstag, sont cependant décevantes et les nazis doivent accélérer la cadence. Les agressions antisémites se multiplient, provoquées par notamment par les SA. Les pleins pouvoirs sont votés le 23 mars. Des organisations juives occidentales appellent à boycotter les produits allemands afin de protester contre la montée de l’antisémitisme. En réponse, les nazis organisent une campagne nationale de boycott des commerces tenus par des Juifs. En avril 1933, ce sont les premières lois visant à écarter les Juifs de l’exercice de certaines fonctions administratives et de la justice. Progressivement, les Juifs seront exclus de plus en plus d’activités (presse, culture, médecine…) tandis que les violences ordinaires augmenteront.

Les lois de Nuremberg

.Rapidement, les nazis se rendirent compte que la définition de juif était assez vague. Ils s’accordaient sur le fait d’isoler les Juifs au profit des Aryens, mais comment traiter ceux qui avaient des origines mélangées, ainsi que le mariages mixtes ? En septembre 1935, Hitler fit savoir qu’il fallait renforcer le cadre légal des discriminations raciales et qu’il fallait le faire vite, afin de ne pas ternir l’image de l’Allemagne à l’approche directe des Jeux Olympiques de Berlin, qui devaient se tenir l’année suivante.

Le texte d’une nouvelle loi est écrit en précipitation lors du congrès du parti nazi à Nuremberg et présenté dans la foulée lors d’une session parlementaire dédiée et se déroulant dans la même ville. Le 15 septembre 1935, le Reichstag adopte donc trois lois (les „Lois de Nuremberg”). Une qui officialise le nouveau drapeau du III Reich à croix gammée, une sur la citoyenne et qui précise qu’ „un citoyen du Reich est uniquement une personne de sang allemand”, et une loi „de protection du sang et de l’honneur allemands”.

Cette dernière comporte 7 articles. Le premier interdit les mariages „entre Juifs et citoyens de sang allemand”. Le second interdit „les relations extra-conjugales entre Juifs et citoyens de sang allemand ou apparenté”. Ainsi, l’Allemagne institutionnalise sa volonté de contrôler la vie privée de ses habitants et d’isoler „définitivement et racialement” les Juifs.

Les lois de Nuremberg sur la citoyenneté et sur le sang allemand sont complétées en novembre 1935 par des décrets d’application qui prétendent définir „techniquement” la judéité, via une classification fondée sur l’ascendance. La catégorie de Juif est ainsi établie : „Est Juif celui qui descend d’au moins trois grands-parents qui sont racialement des Juifs intégraux” et „Est également réputé Juif le ressortissant métissé de Juif qui descend de deux grands-parents juifs intégraux et ; appartient à la communauté religieuse juive à la date de la proclamation de la loi, ou rejoint cette communauté par la suite ; est marié à une personne juive à la date de la proclamation de la loi, ou conclut un tel mariage ultérieurement ; est le fruit d’un mariage avec un Juif, si ce mariage a été conclu après l’entrée en vigueur de la loi sur la protection du sang et de l’honneur allemands du 15 septembre 1935 ; est le fruit de relations extra-conjugales avec un Juif”.

Cette étape est fondamentale dans la montée de l’antisémitisme en Allemagne durant les années 1930 et le processus qui a mené à la Shoah. Les nazis mettent en place un appareil bureaucratique et administratif important qui traquera les origines des Juifs et qui participera à leur discrimination raciale puis à leur extermination.

Les lois de Nuremberg et d’autres lois de ce type serviront de modèle aux politiques antisémites des gouvernements collaborateurs durant la Seconde Guerre mondiale.

La ville de Nuremberg gagna à l’occasion son statut de „capitale idéologique” du III Reich. De nombreuses manifestations politiques nazies y seront organisées. C’est pour cela qu’elle sera symboliquement choisie par les Alliés comme localisation pour le procès des criminels de guerre en 1946.

„La Shoah – le crime que le monde entier a préféré ignorer”

.Dans un article paru dans „Wszystko co Najważniejsze”, Marcin Czepelak, Juriste et ambassadeur de aux Pays-Bas, rappelle que l’Occident a préféré fermer les yeux sur le sort des Juifs d’Europe :

„Depuis l’invasion de la Pologne en septembre 1939, les Allemands ont entamé dans les territoires conquis des persécutions de la population juive, mais leur agression de l’Union soviétique, en juin 1941, s’est soldée par une brutalité encore plus grande et un caractère encore plus massif de leur politique antijuive. En août, les Einsatzgruppen ont massacré 24 000 Juifs à Kamenets-Podolski ; mi-septembre, début octobre plus de 30 000 Juifs ont été assassinés à Babi Yar, dans les environs de Kiev ; les exécutions du 30 novembre et du 8 décembre ont entraîné plus de 30 000 victimes juives du ghetto de Riga. Parallèlement, en automne, les Allemands ont commencé la construction de premières usines de la mort : les camps d’extermination à Sobibor et à Bełżec. C’est entre autres dans ces camps qu’ont été acheminés les Juifs venant de toute l’Europe pour y être exterminés dans les chambres à gaz. Tout cela s’est passé dans un silence absolu de la communauté internationale”.

„L’État clandestin polonais a entrepris des actions visant à informer la communauté internationale sur le tragique sort des Juifs. À l’automne 1942, est arrivé à Londres Jan Karski, le courrier de l’État clandestin auteur de rapports sur la situation de la population juive, en particulier sur son extermination par les Allemands. Pour collecter des informations crédibles, Karski avait pénétré secrètement dans le ghetto de Varsovie et puis, dans un uniforme d’officier allemand, dans le camp transitoire d’Izbica. Ses rapports ont été transmis aux gouvernements britannique et américain, sans pour autant suscité un intérêt particulier. Seul le New York Times du 25 novembre 1942 a publié, en page 10, un court texte sur le plan allemand d’extermination de 250 000 Juifs polonais. Rien d’autre”.

„Sur l’initiative des autorités polonaises en exil, Karski a rejoint les États-Unis pour y présenter un rapport sur les crimes dont il avait été témoin. Le 18 juillet 1943, il a même été accueilli par le président Roosevelt. Sa relation a pourtant été accueillie avec incrédulité et indifférence. Karski s’est entretenu aussi entre autres avec le juge de la Cour suprême Felix Frankfurter, le secrétaire d’État Cordell Hull, le chef de l’agence de renseignement Wiliam Joseph Donovan, l’archevêque de Chicago Samuel Stritch ou le rabbin très influent Stephen Wise. Leurs réactions ont été similaires : méfiance envers le témoignage de Karski et aucune suite donnée”.

„Le monde libre a préféré le silence face aux crimes de la Shoah”.

Nathaniel Garstecka

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