„l’Opinion” évoque l’histoire de la famille Ulma
Le journal français „l’Opinion” publie des articles d’auteurs polonais au sujet de la famille Ulma, famille polonaise massacrée par les Allemands en 1944 pour avoir caché des Juifs.
La famille Ulma dans „l’Opinion”
.Dans le cadre du projet „Opowiadamy Polske swiatu” („Nous contons la Pologne au monde”), réalisé par l’Instytut Nowych Mediow avec le soutien de l’Institut de la Mémoire Nationale et du Ministère polonais des Affaires Etrangères, „l’Opinion” publie des articles traitant de l’histoire de la famille Ulma, dont la béatification aura lieu le 10 septembre 2023.
Le président de la République de Pologne, Andrzej Duda, rappelle dans l’un des articles que la Pologne a longtemps été une terre d’accueil pour les Juifs : „une très nombreuse communauté juive vivait en Pologne, l’une des plus importantes de l’histoire de cette nation. Pendant des siècles, les Juifs s’étaient volontairement installés dans notre pays, qu’ils nommaient eux-mêmes par un mot qui en disait long : Polin, qui se traduit par « tu t’y reposeras ». En Pologne, ils jouissaient de la paix et des opportunités de développement. La population juive de notre capitale, Varsovie, était à la fin des années 1930 la deuxième plus grande population au monde, après New York”.
Jan Rokita, homme politique et ancien résistant, explique la mise en place de la Shoah sur les territoires occupés par l’Allemagne nazie : „A l’été 1941, après l’invasion de l’Union soviétique par Hitler, les Allemands décidèrent d’exterminer en premier lieu les Juifs qui vivaient depuis des siècles dans les vastes territoires de l’Etat polonais occupé. Les exécutions massives de villages juifs entiers commencèrent dans les confins orientaux et, bientôt, les premiers camps d’extermination furent mis en place : à Bełżec, Sobibór et Treblinka, situés au centre du territoire polonais occupé. Cependant, les occupants remarquèrent vite que les nations conquises commençaient à comprendre toute l’horreur de la nouvelle politique allemande et que, grâce au soutien des Polonais, des Biélorusses et des Ukrainiens – alors citoyens de l’Etat polonais occupé – de plus en plus de juifs parvenaient à se sauver”.
Le professeur Piotr Glinski, vice-Premier ministre polonais et ministre de la culture et de l’héritage national, raconte la tragédie qui a touché la famille Ulma et les Juifs qu’elle avait cachés : „Le 10 septembre 2023, à Markowa, sera élevée au rang des bienheureux de l’Eglise catholique la famille Ulma – des Polonais qui, à l’heure de l’épreuve, donnèrent un tel exemple d’extrême dévouement : malgré la menace de la peine de mort, ils ne refusèrent pas le toit et la protection à deux familles juives. Et ils payèrent, en 1944, le prix le plus élevé des mains de l’occupant allemand. Avec leurs parents, Józef et Wiktoria, sept de leurs enfants furent également tués : Stanisława, huit ans, Barbara, six ans, Władysław, cinq ans, Franciszek, quatre ans, Antoni, trois ans, Maria un an et demi et l’enfant à naître de Wiktoria, enceinte de neuf mois”.
Eryk Mistewicz, président de l’Instytut Nowych Mediów informe les lecteurs sur le rôle de la Pologne et des Polonais durant la Seconde Guerre mondiale : „Justice historique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Polonais se sont comportés décemment. Ils ont défendu leur pays, ayant rejeté en bloc l’idée de former un gouvernement de collaboration avec les Allemands. Le gouvernement, en exil à Londres, a créé une armée clandestine qui, tout au long de la guerre, a combattu l’occupant sur le territoire. Des Polonais ont aidé les juifs à survivre à l’occupation, en pleine connaissance du risque, car il faut savoir que les Allemands ont systématiquement puni cette aide de peine de mort. Ils ont dû se battre simultanément avec les Allemands et les Russes qui, en septembre 1939, ont de nouveau démembré la Pologne (une quatrième fois en 150 ans). Ils se sont battus pour aider les Alliés à mettre fin, le plus rapidement possible, à cette terrible guerre”.
„Le martyre comme témoignage”
„Bien entendu, les « Samaritains de Markowa » vivaient dans un sentiment de danger. Tous ceux qui les ont connus louent leur intelligence et leurs connaissances. Il ne fait aucun doute qu’ils faisaient partie de l’élite locale et leurs conseils et leurs savoir-faire étaient souvent mis au profit de la communauté. Conscients de la réalité environnante, connaissant les réalités de l’occupation allemande, ils savaient ce qui pouvait leur arriver. Cela permet d’espérer que – au sens chrétien du terme – ils essayaient d’être préparés à ce qui devait arriver”.
„Le moment de témoigner vint dans la matinée du 24 mars 1944. Trois des Juifs qu’ils cachaient furent probablement tués dans leur sommeil, les autres furent abattus devant la maison. Ensuite, les balles allemandes atteignirent Wiktoria et Józef. Wiktoria, très enceinte, commença à accoucher pendant l’exécution. Les derniers à mourir furent les enfants, six frères et sœurs, observateurs terrifiés de cet épouvantable drame. Les derniers mots qu’ils auraient entendus étaient les cris d’un des Allemands : « Regardez comment meurent les cochons polonais qui cachent des Juifs » … Des riverains polonais reçurent l’ordre d’enterrer les corps. Les Allemands se concentrèrent sur le pillage, pour terminer leur coup de force par une libation”.
„Le mot grec martyria signifie témoignage. En ce sens, l’attitude des Ulma est certainement un témoignage de leur cheminement chrétien, de leur humanité. Cependant, dans les conditions de l’omniprésente soumission qui régnait sous l’occupation allemande, cette attitude peut aussi être un symbole de vraie liberté, du droit de faire même les choix les plus difficiles hormis les circonstances oppressantes, en phase avec la conscience et les valeurs déclarées, faisant fi des injonctions et des interdictions totalitaires. Dans ce contexte, Wiktoria et Józef Ulma, tout comme Irena Sendler, mère Matylda Getter et des milliers d’autres personnes, connues et inconnues, qui eurent le courage d’apporter du soutien aux persécutés, choisirent la liberté. En gens libres, ils défendirent – comme ils le font toujours en un sens – notre humanité”.
Nathaniel Garstecka