fr Language FlagPrésidentielle Pologne 2025 - cinquième débat

Cinquième débat

A une semaine du premier tour de l’élection présidentielle polonaise, les candidats ont été amenés à se confronter une cinquième fois. La crise démographique et la liberté d’expression ont notamment été évoqués cette fois-ci.

Présidentielle Pologne: cinquième débat – sécurité et Etat de droit

.Le cinquième débat a été organisé par la chaîne de télévision TV Republika et s’est déroulé ce vendredi 9 mai 2025. La plupart des candidats étaient présents, à l’exception notable du progressiste Rafal Trzaskowski, candidat du parti gouvernemental KO et favori des sondages, de Magdalena Biejat, candidate de la gauche gouvernementale, et de Maciej Maciak, candidat accusé de véhiculer une grossière propagande poutiniste.

L’absence de Rafal Trzaskowski (maire de Varsovie, vice président de la KO centriste du premier ministre Donald Tusk) et Magdalena Biejat (du parti de gauche Lewica membre de la coalition gouvernementale) n’a pas empêché la tenu du débat. Etaient présents Karol Nawrocki (président de l’Institut de la mémoire nationale et candidat conservateur soutenu par le PiS), Slawomir Mentzen (candidat national-libertaire et co-président de la Konfederacja), Szymon Holownia (du parti centriste Polska 2050 appartenant à Renw Europe, et président de la Diète polonaise) et Adrian Zandberg (du parti de gauche anticonformiste Razem).

.Le débat était divisé en 4 parties. Une séances de questions posées par des experts, une séance de questions choisies par le public, une séances de questions posées mutuellement entre candidats et enfin des déclarations libres.

La première question d’expert a été posée par l’entrepreneur Rafal Brzoska et a porté sur la dérégulation et sur l’âge de la retraite. Marek Jakubiak a présenté un point de vue favorable aux entrepreneurs, évoquant notamment la baisse des impôts et des incitations à travailler plus longtemps. Krzysztof Stanowski a, à son habitude, pointé les incohérences des politiciens polonais. Karol Nawrocki, candidat conservateur soutenu par le PiS, a alerté sur les conséquences d’une potentielle victoire de Rafal Trzaskowski sur le système des retraites. Il a soumis l’idée d’inciter les expatriés à revenir en Pologne. Joanna Senyszyn a rejoint l’idée de procéder à une dérégulation de l’économie du pays. Szymon Holownia, président de la Diète, a défendu son bilan en la matière et annoncé vouloir aller plus loin dans la dérégulation. Slawomir Mentzen de la Konfederacja a accusé le trop plein de normes de participer au chaos réglementaire et de favoriser les grands groupes étrangers. Il a aussi proposé de diminuer le nombre de fonctionnaires mais a refusé d’augmenter l’âge de la retraite. Adrian Zandberg, candidat de la gauche anticonformiste, s’est opposé aux positions libérales et s’est montré favorable à un contrôle étatique accru. Artur Bartoszewicz a proposé de davantage mettre à contribution les richesses naturelles de la Pologne et a dénoncé les promesses politiques non tenues. Marek Woch a refusé d’augmenter l’âge de départ à la retraite et a critiqué l’inflation réglementaire polonaise depuis l’indépendance du pays.

La santé a été au centre du second sujet abordé et l’état de droit au cœur du troisième. Marek Jakubiak a pointé la complexité de la problématique de l’Etat de droit en Pologne et a proposé de convoquer une constituante pour mettre au point une nouvelle constitution. Krzysztof Stanowski a ironisé en proposant de s’inscrire au parti au pouvoir afin d’éviter les ennuis judiciaires. Karol Nawrocki a mis l’accent sur les abus du gouvernement de Donald Tusk et a appelé à l’organisation d’un referendum sur la question. Joanna Senyszyn a attaqué les gouvernements précédents, en particulier ceux du PiS. Szymon Holownia a lui aussi accusé les conservateurs d’être à l’origine du blocage du système judiciaire, mais a refusé de procéder à un nettoyage systématique de tous les juges nommés par le PiS. Slawomir Mentzen a rappelé que toute l’affaire avait été initiée en 2015 par les centristes de la KO, puis avait été amplifiée par les conservateurs. Il a dénoncé la pathologie du système actuel et a proposé de tout remettre à plat via un nouvel acte constitutionnel. Adrian Zandberg a renvoyé dos à dos conservateurs et centristes et à déclaré que le tribunal constitutionnel devrait être dépolitisé. Artur Bartoszewicz a pointé l’hypocrisie des partis politiques qui ont provoqué la crise de l’Etat de droit et a avancé l’idée de faire davantage appel à la démocratie directe. Marek Woch a lui aussi fait appel à la constitution et à la dépolitisation de la justice.

Démographie et médias

.La seconde partie de l’émission a mis en scène des questions choisies par le public. La première a porté sur la crise démographique. Karol Nawrocki a annoncé vouloir soutenir les valeurs familiales et les incitations fiscales à la natalité, ainsi que le développement équilibré du pays. Adrian Zandberg a mis en avant le besoin d’aider les plus fragiles et le manque de logements en Pologne. Marek Jakubiak a ironisé sur ce besoin de logement, avançant que jamais on n’avait davantage construit mais que ça n’aidait pas à résoudre la crise des naissances. Il a rappelé que le problème de la démographie était commun à toute l’Europe. Joanna Senyszyn s’est positionnée en faveur de la construction de davantage de logements. Elle a aussi pointé l’«irresponsabilité des pères».  Szymon Holownia a lui aussi multiplié les propositions en matière d’amélioration de la démographie, déclarant qu’il y travaillait en tant que président de la Diète. Marek Woch a demandé, de manière rhétorique, comment était-il possible qu’à l’époque communiste le taux de fécondité était supérieur malgré le manque de logements et la pauvreté. Artur Bartoszewicz a proposé d’indexer le nombre de députés sur la démographie polonaise afin que les hommes politiques s’emparent enfin du problème. Slawomir Mentzen a souligné l’exode rural qui modifie les comportements sociaux des polonais et la propagande médiatique faisant de la maternité un boulet et un frein à l’auto-réalisation des femmes.

Le public a choisi comme second thème celui de la liberté des médias et de la liberté d’expression. Karol Nawrocki a dénoncé les attaques du gouvernement de Donald Tusk contre ces libertés, notamment les tentatives de retirer les concessions des chaînes de télévision conservatrices. Adrian Zandberg a souhaité que les médias publics soient dépolitisés. Marek Jakubiak a fait remarquer que les atteintes à la liberté de la presse faisaient penser au système communiste passé. Joanna Senyszyn a, elle aussi, souhaité que les médias publics soient libérés de l’influence politique. Szymon Holownia a repoussé les attaques le visant, lui qui est membre du gouvernement. Il a déclaré que la liberté d’expression ne pouvait être absolue et devait être régulée par l’Etat. Marek Woch a déclaré vouloir protéger la liberté d’expression contre les projets gouvernementaux de manipulation des débats publics. Artur Bartoszewicz a à nouveau appelé à instaurer la démocratie directe. Krzysztof Stanowski a refusé d’exagérer la menace, rappelant que la liberté d’expression et le pluralisme étaient plutôt bien défendus. Slawomir Mentzen a dénoncé la loi, votée récemment, prétendant lutter contre la «haine» et a fait de la liberté d’expression l’une de ses priorités.

Parmi les déclarations marquantes des échanges directs entre candidats, on pourrait relever le refus de Karol Nawrocki de procéder à un renversement d’alliances au détriment des Etats-Unis et la déclaration de Szymon Holownia que Vladimir Poutine ne doit pas remporter la victoire en Ukraine. Le président de la Diète a en outre tenu à rassurer sur le risque de monopole allemand sur la défense de l’Europe. Karol Nawrocki a déclaré qu’il accepterait la candidature de l’Ukraine à l’UE et à l’OTAN si Kiev accepte d’autoriser les exhumations des victimes des nettoyages ethniques visant les Polonais en 1944 en Volhynie. Slawomir Mentzen a radicalement rejeté le pacte européen sur les migrations, dénonçant la situation sécuritaire des pays d’Europe de l’ouest. Krzysztof Stanowski a fait remarquer avec raison que l’immigration légale posait autant de problèmes, voire davantage, que l’immigration illégale. Adrian Zandberg a signalé, de manière surprenante, que la Pologne avait déjà accueilli de nombreux réfugiés ukrainiens et qu’elle devrait être dispensée des termes du pacte migratoire.

Conclusions

.Il est devenu habituel que certains candidats progressistes boycottent les débats organisés par les chaînes de télévision conservatrices. Cette attitude de Rafal Trzaskowski et de Magdalena Biejat ne peut être qualifié de présidentielle, car cela revient à mépriser ouvertement des millions de citoyens pensant différemment. Le président étant censé représenter toute la nation, il se doit de mettre de côté ses préférences partisanes et inimitiés personnelles. En ceci, les autres candidats de gauche devraient naturellement gagner en popularité au détriment de ceux qui évitent les confrontations.

Comme lors des précédentes émissions, des échanges musclés ont eu lieu entre Szymon Holownia et Slawomir Mentzen, en particulier sur l’immigration. Ce dernier sujet n’a pas été davantage abordé que lors des débats précédents et il ne s’est malheureusement limité qu’à la question de l’immigration illégale. Pourtant, le sujet de la crise démographique avait été clairement posé par l’entrepreneur Rafal Brzoska : la Pologne a l’un des taux de fécondité les plus bas d’Europe et une partie de la classe politique et des milieux des affaires appellent à ouvrir le pays à l’immigration massive légale. Cette proposition dangereuse n’a été que peu évoquée, à l’inverse de l’immigration illégale via la frontière avec le Bélarus et les transferts en provenance d’Allemagne.

Il en ressort que les principales préoccupations des Polonais sont la sécurité, le logement et la santé. Le choix entre poursuivre sur le chemin de l’alliance transatlantique ou se réorienter vers davantage de coopérations intra-européennes est l’un des thèmes de cette élections présidentielle, avec une droite favorable au maintien de relations privilégiées avec Washington et un centre et une gauche plutôt favorable à un «rééquilibrage» au profit de Bruxelles, Paris et Berlin.

A une semaine du premier tour de l’élection présidentielle, ce cinquième débat n’aura pas apporté de bouleversement majeur et il est manifeste que les candidats peinent à renouveler leur répertoire de provocations ciblées, de petites phrases et de «punchlines», d’autant plus qu’il reste encore une confrontation télévisée, cette fois-ci sur la chaîne publique TVP. L’ambiance n’était pas aussi électrique que lors des débats précédents et personne ne s’est particulièrement illustré à cette occasion.

Les derniers sondages

Selon les derniers sondages, le candidat centriste-progressiste de la KO Rafal Trzaskowski est toujours en tête avec 33% des voix, suivi par Karol Nawrocki, candidat conservateur soutenu par le PiS, avec 26%. La troisième place semble promise à Slawomir Mentzen de la Konfederacja (14%). La lutte pour la quatrième place est âpre: Szymon Holownia est à 7-8%, Adrian Zandberg à 6-7% et Magdalena Biejat à 5-6%. les autres candidats se situent sous les 5%.

Nathaniel Garstecka

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 10/05/2025