Loukachenko renforce son pouvoir au Bélarus

Loukachenko renforce pouvoir Bélarus

Le président bélarusse a signé une loi qui lui garantit une immunité à vie et renforce son camp contre l’opposition, à l’approche de l’élection présidentielle de 2025.

Nouvelle loi : Loukachenko se renforce

.Aleksander Loukachenko, depuis 30 ans à la tête du Bélarus, vient de signer une loi garantissant l’immunité pénale à vie à tous les anciens présidents du Bélarus et leur famille. De facto, il en sera le seul bénéficiaire, étant donné que c’est lui qui a créé ce poste, en 1994, en remplacement de celui de président du Conseil Suprême du Bélarus.

L’immunité accordée concerne aussi la période durant laquelle Loukachenko a exercé son pouvoir. La loi lui prévoit aussi une pension de retraite du montant du salaire présidentiel, une sécurité renforcée et le maintien de ses privilèges médicaux. Par ailleurs, après avoir quitté sa fonction de président il deviendra membre à vie du Conseil de la République, la chambre haute du parlement bélarusse.

Plus important, la loi est écrite de façon à restreindre les possibles candidatures de l’opposition aux prochaines élections présidentielles : Les candidats doivent être citoyens bélarusses de naissance, avoir au moins 40 ans et avoir habité au Bélarus 20 ans sans interruption avant l’élection présidentielle.

Ce dernier point est le plus controversé, puisque la plupart des opposants „présidentiables” ont été contraints de fuir le pays. Cette loi renforce donc volontairement Loukachenko et son camp, un an avant l’élection présidentielle de 2025.

Plus de 4 500 opposants condamnés

.Le pouvoir bélarusse a réagi de façon autoritaire à l’encontre des opposants ayant manifesté à l’issue de l’élection présidentielle de 2020, ayant, selon les observateurs internationaux, été entachée d’irrégularités et de fraudes. L’avocat de l’organisation bélarusse de défense des droits de l’homme „Wiasna”, Pawel Sapielka, estime, dans un entretien accordé à la „PAP”, que plus de 4 500 personnes ont été condamnées par la justice bélarusse pour leur participation aux manifestations. Il ajoute qu’”estimer le nombre total de victimes des répressions politiques est quasiment impossible”.

Les autorités du pays ne communiquent pas sur les statistiques de personnes arrêtées et condamnées pour raisons politiques, mais ce sont plus de 3 500 noms qui se trouvent sur la „liste de personnes engagées dans des activités extrémistes” ce qu’il faut, dans le contexte bélarusse, comprendre comme une liste d’opposants politiques.

Les services bélarusses continuent d’analyser les enregistrements des manifestations de 2020, toujours à la recherche du plus grand nombre de personnes à accuser d’”extrémisme” et faire condamner à de la prison.

Par ailleurs, Aleksander Loukachenko participe, depuis 2021, à la déstabilisation de la frontière est de l’Union européenne et de l’OTAN, en provoquant l’afflux de vagues de clandestins africains et moyen-orientaux vers la Pologne et la Lituanie. Cette manoeuvre est soutenue par la Fédération de Russie de Vladimir Poutine, qui, de son côté, „s’occupe” de charger la frontière avec la Finlande (qui a du fermer ses postes-frontières face à la pression migratoire) et l’Estonie.

„Au Bélarus, un sentiment de désespoir”

.Dans un entretien accordé à „Wszystko co Najwazniejsze”, le député des Français des l’étranger et président du groupe d’amitié parlementaire France-Pologne, Frédéric Petit, décrit la situation en cours au Bélarus :

„Il faut dire Bélarus et non Biélorussie. Dire Biélorussie, c’est reprendre une terminologie moscovite qui véhicule une idéologie d’annexion. C’est l’histoire de Catherine II et des partages de la Pologne. Dire Bélarus, c’est respecter l’histoire de ce pays. La ministre de la Culture de Tikhanovskaïa m’a dit qu’il y avait une chose que nous pouvions faire en France : dans tous les musées où se trouvent des tableaux de Chagall, souligner qu’il était d’origine bélarusse et pas russe. En France, si on ne le fait pas ce n’est pas pour des raisons politiques, c’est uniquement à cause de l’Académie française qui considère qu’il faut continuer à dire Biélorussie car ça veut dire la même chose que Bélarus, c’est la traduction exacte”.

„Il y a des choses assez terribles qui se déroulent actuellement au Bélarus : il y a de la violence, des jugements ridicules, de la torture, il y a eu des morts… Ce qui m’inquiète, c’est que je commence à sentir un sentiment de désespoir. Un peu comme en Pologne dans les années 1980, les gens considèrent qu’il faut s’inscrire dans plusieurs générations de clandestinité et d’espace public condamné. Même si on arrive à faire évoluer la situation, ce sont des choses qui restent, qui marquent une société”.

„En Pologne, il a fallu beaucoup de temps pour sortir de cette mentalité. Pendant plusieurs générations, l’espace public a été un espace ennemi. Ensuite, c’est compliqué de se le réapproprier, de redevenir citoyen”.

„Sur le degré d’indépendance de Loukachenko : il s’est fait élire en 1994 sur un discours extrêmement indépendant de Moscou, et c’était le choix de la société bélarusse de gagner et maintenir son indépendance mais sans accepter le modèle capitaliste. Je pense que Loukachenko joue d’une certaine tradition politique, mais qu’aujourd’hui il a peur et qu’il fait ce qu’on lui dit. Le jour où il s’opposera à un oukase moscovite, il faudra qu’il parte”.

„Ses contradictions sont nombreuses : sur le nucléaire bien sûr, mais aussi sur cette idée de l’”union des deux pays”. Quand la Russie annonce qu’en 2030 il n’y aura même plus de république bélarusse, qu’”on sera tellement amis qu’on aura qu’un seul pays”, Loukachenko laisse dire et ça fait bizarre. Cela signifie tout même plus de représentation diplomatique pour le Bélarus. C’est une sorte de ligne rouge qui a été franchie. Il pouvait dire qu’on a va aller plus loin dans l’union économique et douanière, mais accepter une annonce sur l’annexion pure et simple à la Russie ? „

Nathaniel Garstecka

Materiał chroniony prawem autorskim. Dalsze rozpowszechnianie wyłącznie za zgodą wydawcy. 7 stycznia 2024