

80 ans après l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, Polonais et Juifs unis dans le devoir de mémoire
Difficile d’échapper au pathos en commémorant le 80e anniversaire de l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale qui a entraîné la mort d’environ 70 millions d’êtres humains. C’est en Pologne qu’a commencé l’horreur de la guerre. Mais pour de très nombreux Polonais, ce conflit n’a touché à sa fin qu’en 1993, date à laquelle le dernier soldat russe a quitté le territoire de la Pologne. Proportionnellement à sa population totale, elle est le pays qui a compté le plus de victimes durant la Seconde guerre mondiale.
6 millions de Polonais ont péri, le plus souvent des mains de nazis allemands. Entre eux, trois millions de Juifs polonais, la moitié de toutes les victimes de la Shoah, annihilés sur le seul critère de leur origine. Avant la guerre, 20% de la population juive mondiale vivait en Pologne. À la sortie du conflit, 9 Juifs polonais sur 10 ont été exterminés.
L’ironie du sort, c’était un juriste juif polonais – Rafał Lemkin – qui avait créé le terme « génocide » et l’avait soumis à la Société des Nations cinq ans avant l’éclatement de la guerre.
Ce sont les Polonais et les Juifs agissant de concert qui tirent le mieux les leçons de la Seconde Guerre mondiale. Bien que l’agression allemande, tragique dans son bilan, ait mis fin à la coexistence géographique de nos deux nations, elle n’a pas changé le patrimoine construit durant 800 ans.
Pour les Polonais, cette guerre ne se résumait pas à résister les premiers à Hitler, bien que cela fût le cas, en réponse à la cruelle Blitzkrieg nazie. Peu se souviennent que la guerre a commencé comme un acte d’agression conjoint de l’Union soviétique et de l’Allemagne dont l’alliance allait durer presque deux ans. 17 jours après l’invasion allemande, l’armée soviétique a passé la frontière Est de la Pologne, en remplissant ainsi les dispositions du protocole secret du pacte germano-soviétique Ribbentrop-Molotov.
Le point culminant de cette phase de la guerre a été le massacre de Katyń, perpétré en 1940. Les Soviétiques, agissant en tant qu’alliés d’Hitler, ont tué plus de 20 000 soldats polonais (pour la moitié, des officiers de réserve, dont des centaines de Juifs et le grand rabbin de l’Armée polonaise).
Ensuite est arrivée l’inévitable trahison de Staline par Hitler, une invasion qui a vu le reste du territoire polonais passer entre les mains des nazis. Les Allemands ont pénétré profondément dans la Russie, mettant fin à l’alliance germano-soviétique. Dès lors, l’Union soviétique est devenue une alliée à part entière de l’Occident, en combattant les Allemands tout au long de leur marche sur Berlin et en payant un lourd tribut en vies humaines.
La Pologne n’a pas été libérée par les alliés, mais de nouveau a été occupée – par l’Union soviétique, libre cette fois-là de tout accord délimitant les frontières du territoire conquis. L’armée rouge ne s’est pas arrêtée, et la Pologne, trahie à la conférence de Yalta, pour des décennies à venir, s’est retrouvée du côté Est de la frontière délimitant le territoire de la guerre froide en Europe. Les Polonais ont eu l’impression d’avoir été « vendus » à l’Union soviétique.
Imaginons ce que devaient sentir à l’époque les généraux polonais Władysław Anders et Stanisław Maczek ainsi que leurs troupes.
Anders a rejoint le front de l’Ouest avec son fameux 2e Corps polonais responsable de l’ouverture du front du Sud au Mont-Cassin. Parmi ses soldats, il y avait des Juifs dont une partie a été envoyée en Palestine dans le cadre d’une mission des forces alliées. Parmi eux se trouvait le futur Premier ministre israélien Menachem Begin que le général Anders en personne encourageait à rester en Palestine pour y continuer le combat en faveur de la cause sioniste.
Maczek était à la tête de la Ire Division blindée dont se souviennent avec affection de très nombreux Français, Belges et Hollandais, loin d’oublier les libérateurs de leurs villes après la bataille victorieuse de la poche de Falaise.
Ces héroïques preuves de courage et de sacrifice n’ont pas suffi pour épargner à la Pologne une nouvelle soumission, d’un demi-siècle celle-ci.
Et comme les cicatrices de la guerre ne sont toujours pas refermées, les Polonais restent naturellement emphatiques envers les Juifs, trahis eux aussi par le monde durant la Seconde Guerre mondiale. C’était le capitaine Witold Pilecki, un officier de l’armée polonaise, qui, sous la direction de l’État clandestin polonais, s’est laissé raffler en volontaire par les Allemands pour pénétrer dans leur camp de concentration d’Auschwitz. Voyant le génocide des Juifs, perpétré à une échelle industrielle, il était le premier homme au monde à exiger des alliés de bombarder ce camp de la mort. Ses rapports, rédigés au péril de sa vie et sortis clandestinement du camp, se sont avéré inefficaces.
Il y a eu aussi Jan Karski, un autre officier polonais et résistant. Il était parmi les premiers à informer les alliés de l’existence des camps de la mort et de la liquidation du ghetto de Varsovie. Les alliés, malgré toutes ces informations sur le massacre des Juifs d’Europe, ont refusé d’ouvrir leurs frontières pour accueillir les réfugiés. Ils ont refusé de bombarder les camps ou les voies ferrées qui y menaient. Ils ont refusé d’ouvrir les frontières de la Palestine sous mandat britannique pour permettre à des Juifs voulant fuir Hitler de s’installer dans leur patrie biblique.
.Ces derniers temps, on s’habitue aux informations sur les tensions entre les Polonais et les Juifs, entre la Pologne et Israël. Mais le 1er septembre, Polonais et Juifs doivent être unis pour témoigner des atrocités de cette guerre durant laquelle Hitler a réservé des horreurs indescriptibles à la nation polonaise en général, et aux Juifs polonais en particulier, victimes du plus grand génocide dans l’histoire de l’humanité.
Ce devoir de mémoire est notre obligation commune. Les victimes d’Hitler ne doivent jamais être oubliées. Nous devons nous opposer à toute forme d’oppression dictatoriale, condamner les génocides où qu’ils soient perpétrés.
C’est à nous de combattre l’antisémitisme en hausse à travers le monde. Polonais et Juifs doivent pousser ensemble ce cri post-Shoah : « Plus jamais ça ».
Maciej Golubiewski
Shmuley Boteach
Texte publié en coopération avec New York Post (Etats-Unis) et Wszystko Co Najważniejsze (Pologne)