
COP24. L’unique voie, c'est la coopération
Le plus important sommet qui déterminera l’avenir du monde se tiendra à Katowice, en Pologne – écrit Marcin KRUPA
Le sommet climatique COP24, qui aura lieu en décembre prochain à Katowice, doit montrer que les décideurs du monde entier savent s’unir et parler d’une seule voix des questions de la protection du climat. C’est l’un des défis majeurs de notre temps, et l’échec en la matière serait une erreur irréversible que les générations futures ne nous pardonneraient jamais. Je sais que pour certains d’entre vous ma confession est une preuve expressis verbis que soit j’ai trop lu Jean-Jacques Rousseau, soit j’ai, comme disent les coachs, des espaces de développement en matière de connaissances sur les intérêts géopolitiques des plus importants acteurs mondiaux. Mais, en tant que maire d’une ville qui, tout en essayant de penser globalement, agit tout de même localement, j’espère que les décisions prises lors du sommet montreront que nous pouvons regarder notre avenir commun avec plus d’optimisme.
Il y a trois ans, à Katowice, j’ai parlé avec le Dr Benjamin Barber d’une obstruction visible sur la scène internationale dans le domaine de la mise en place de solutions communes concernant par exemple la politique climatique, les migrants ou la sécurité des habitants. Il soulignait que ce sont les élus locaux qui doivent rompre avec cette impuissance et endosser la responsabilité de penser de nouvelles idées et de les mettre en œuvre. Je ne cache pas donc que je regarde la COP24 avant tout à travers le prisme de Katowice et de toute la métropole. Nous formons l’une des plus grandes régions d’Europe, basée il y a quelques décennies encore presque exclusivement sur l’industrie métallurgique et minière. Malgré la réindustrialisation engagée depuis plusieurs années sur le terrain de la métropole de Katowice, des mines de houille y sont toujours en activité.
À Katowice, nous investissons des sommes considérables dans la revitalisation des zones postindustrielles. L’aménagement des terrains de l’ancienne mine en centre-ville a coûté plus d’un milliard de zlotys. Nous avons créé la Zone de la Culture (Strefa Kultura), unique à l’échelle nationale. Les bâtiments la constituant, notamment le siège de l’Orchestre symphonique national de la Radio polonaise, avec l’une des meilleures salles de concerts du globe, le Musée de la Silésie construit sous terre ainsi que le Centre international de congrès, attirent aujourd’hui des milliers de visiteurs de Pologne et de l’étranger. C’est la preuve que nous avons traversé un long chemin – d’une ville industrielle à la capitale en plein essor d’une agglomération de plus de deux millions d’habitants. Nous avons misé sur la culture, le sport, le tourisme d’affaires, et ces efforts ont été reconnus par UNESCO qui nous a attribué le prestigieux titre de Ville créative dans le domaine de la musique, dont sont honorées à peine 25 villes du monde. C’est pourquoi la COP24 sera pour nous une excellente occasion de partager les expériences de notre transformation et de promouvoir directement toute la région auprès de plus de 40 mille participants du sommet.
Pourtant, dans la perspective du développement sur le long terme de Katowice, une question reste bien plus importante. Dans la discussion globale sur le climat nous entendons le terme de « clean energy » presque exclusivement dans le contexte de la réduction des émissions de CO2 et de la sortie du charbon. Nous disons que le charbon doit être utilisé de manière écologique – car la fermeture de toutes les mines dans les prochaines années n’est pas réalisable. Le défi clé des temps présents consiste pour nous à réduire les émissions de particules nocives. Parmi les 50 villes de l’Union européenne avec la pire qualité de l’air 33 sont polonaises. Pour nous « clean energy » signifie l’air pur. Ce n’est pas le charbon brûlé dans les centrales thermiques respectant des normes restrictives qui représente la principale source de particules en suspension. La plus importante source de pollution ce sont en fait les vieilles chaudières à charbon utilisées dans les foyers domestiques dans lesquelles sont brûlés des combustibles de faible qualité et parfois même des déchets. Le transport dans notre région contribue à la création de pollution à particules fines à hauteur de 10% seulement.
C’est ce dont nous voulons parler haut et fort lors de la COP24. Nous sommes, en voïvodie de Silésie, le leader de la lutte pour l’air pur. Nous investissons des centaines de millions dans le remplacement des vieilles chaudières, la modernisation thermique des bâtiments, des bus modernes, nous menons des actions éducatives, nous subventionnons l’achat de combustibles de bonne qualité par les plus démunis et la police municipale punit sévèrement ceux qui brûlent des déchets. Les effets de notre engagement sont bien visibles, car depuis 10 dernières années les indicateurs PM2,5et PM10 ont considérablement chuté. Mais le travail qui est devant nous reste de taille. Pour comprendre l’ampleur des besoins il suffit de voir un fait : cette année, nous aurons remplacé 2000 systèmes de chauffage, alors qu’il faudrait en remplacer 50 000 environ. Le coût d’une telle opération s’élève à un milliard de zlotys, et je me permets de rappeler qu’une grande partie de la Pologne est concernée par cette question.
.C’est pourquoi nous avons besoin de nombreux acteurs engagés et de cela vient peut-être ma vision un peu trop idéalisée du monde qui suppose la nécessité d’une coopération très intense et au-dessus des clivages au profit des habitants. Il n’y a pas d’autre voie.
Marcin Krupa