Daniel OBAJTEK: Le pouvoir du patriotisme économique

Le pouvoir du patriotisme économique

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Daniel OBAJTEK

President du groupe pétrolier polonais PKN Orlen.

Ryc.Fabien Clairefond

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Si nous n’avions pas d’actifs de Mažeikiai, nous aurions un énorme problème pour compléter les réserves de la Pologne et développer le marché des carburants – écrit Daniel OBAJTEK

Le patriotisme économique est un facteur majeur de responsabilité de l’État et de ses entreprises vis-à-vis de l’environnement et, en tant que tel, un véhicule de l’économie nationale. Les dirigeants et les décideurs polonais en sont de plus en plus conscients, ce qui explique pourquoi le patriotisme économique gagne en importance en tant qu’élément de la stratégie de l’État et des entreprises nationales à la conscience sociale.

L’économie polonaise est en développement. Par conséquent, nous devons investir dans les entreprises polonaises pour qu’elles puissent innover, stimuler d’autres industries, développer de nouvelles activités et effectuer des acquisitions. C’est également le cas de la plus grande entreprise nationale polonaise PKN Orlen. Lorsque l’économie est en croissance, les entreprises prospèrent. Et tous les Polonais en bénéficient. Ce n’est pas seulement une question de combustibles, de leur prix ou origine. Même les Polonais qui ne consomment pas d’essence ni ne conduisent de voiture sont entourés de produits pétrochimiques que nous aidons à produire. Ceux-ci comprennent, par exemple, le polychlorure de vinyle utilisé dans les profilés en PVC ou les polypropylènes utilisés, entre autres, dans la construction. Nous sommes présents dans tant de branches de l’économie polonaise que le patriotisme économique peut se manifester dans plusieurs de nos métiers.

Le patriotisme économique consiste également à traiter équitablement nos clients et à coopérer avec des entreprises polonaises. C’est ce que l’on peut bien constater dans les stations-service d’Orlen, avec 68% de notre gamme de marchandises provenant de producteurs polonais. Les ventes au détail record ne laissent aucun doute sur le fait que cette stratégie rapporte. Notre programme commercial et social intitulé « Buvez des Jus Polonais » en est une bonne illustration. La sélection des jus de fruits polonais est en vente à travers notre chaîne de distribution. C’est ainsi que nous stimulons l’économie polonaise : en faisant circuler l’argent, sa force motrice. De grands défis nous attendent toujours, comme le développement de l’industrie pétrochimique, qui est stratégique à bien des égards.

Il y a aussi le genre de patriotisme qui s’étend à l’étranger. La raffinerie de Mažeikiai, achetée grâce à la détermination du feu président Lech Kaczyński, devait protéger les intérêts énergétiques des pays baltes. Or c’était avant tout un projet d’affaires. Si nous n’avions pas d’actifs de Mažeikiai, ou Orlen Lietuva, nous aurions un gros problème pour compléter les réserves de la Pologne et continuer à développer le marché des carburants lequel s’est vu augmenté de 45% depuis fin 2015. Sans les actifs lituaniens, le groupe Orlen devrait acheter des quantités importantes de pétrole sur les marchés extérieurs. Cela, à son tour, ferait monter les prix de détail. La raffinerie de Mažeikiai, ainsi que nos actifs tchèques, à savoir Unipetrol, revêtent une importance vitale. Tous les deux sont situés près de la Pologne grâce à quoi la diversification des sources d’approvisionnement est bien organisée sur le plan logistique. En outre, avec d’importants achats de pétrole, les prix peuvent être négociés. Ainsi, nous sécurisons non seulement le marché intérieur, mais également les autres marchés sur lesquels nous opérons.

En tenant compte des enjeux stratégiques, nous ne pouvons oublier ce qui renforce la position internationale de la Pologne. La consolidation d’Orlen et de Lotos est sans doute l’un des moyens pour atteindre cet objectif. Toutes les sociétés pétrolières importantes – telles que Shell, BP et Total – ont accompli ce processus et, en plus des activités menées dans leurs pays d’origine, elles sont également présentes sur les marchés étrangers. Le projet d’acquisition de Lotos par PKN Orlen s’inscrit dans cette tendance de consolidation européenne et mondiale. En effet, la mesure est indispensable si l’on veut faire face à la concurrence extérieure. MOL, qui est nettement plus petit qu’Orlen, a déjà subi ce processus. En Hongrie, il y avait neuf sociétés du secteur pétrochimique – elles ont toutes été fusionnées. Aujourd’hui, MOL se porte bien sur les marchés extérieurs. Compte tenu des défis auxquels le secteur est confronté, la consolidation renforcera notre position, ne serait-ce que dans les négociations d’achat, puisque nous allons acheter 20% de plus de pétrole en tant que groupe intégré.

Dans le contexte de la construction du capital polonais et du patriotisme économique, il faut mesurer l’impact de l’innovation. Là aussi, la consolidation d’Orlen et de Lotos offre des opportunités. Un budget commun pour l’innovation permet d’éviter la duplication des dépenses affectées par exemple aux nouvelles technologies de production. Le développement des installations pétrochimiques repose en grande partie sur le progrès des compétences en recherche et développement, un gage important de succès pour l’économie polonaise. Actuellement, nous créons des produits pétrochimiques semi-finis, mais nous espérons commencer à fabriquer des produits complets et finis sur lesquels nous pourront nous offrir une marge plus grande. Cela permettra d’assurer la stabilité de l’entreprise. Il est évident qu’aujourd’hui il ne suffit plus de s’en tenir à une seule branche : nous avons besoin de la pétrochimie, des carburants et des engrais tous ensemble. C’est là un autre aspect du patriotisme économique : l’anticipation stratégique.

L’industrie pétrochimique est un élément important de l’économie de chaque pays développé, ne serait-ce que parce que un emploi dans ce secteur en crée cinq dans d’autres secteurs. Aujourd’hui, la pétrochimie est présente dans presque tous les produits de la vie quotidienne: vêtements, emballages, matériaux de construction, etc. Toute économie se voit stimulée par la suite, et nous voulons jouer un rôle actif là-dessus.

.Notre marché est fort concurrentiel et nous ne pouvons pas fonctionner en retrait de l’environnement. En fin de compte, c’est le consommateur qui juge une offre intéressante ou pas, et nous ne pouvons pas le forcer à faire des choix spécifiques. Par contre, ce qui nous pouvons, c’est promouvoir un patriotisme économique en montrant aux Polonais que, en favorisant les produits locaux et en faisant un choix conscient, ils renforceront la condition économique de leur pays. C’est le client – le dernier maillon de la chaîne – qui décide s’il prend un produit polonais ou un autre. A lui de décider quelle économie il veut soutenir.

Daniel Obajtek

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 08/11/2018
Traduction: Grazyna Sleszynska