Tomasz MŁYNARSKI: Pourquoi le partenariat entre la Pologne et la France est important pour l'Europe

Pourquoi le partenariat entre la Pologne et la France est important pour l'Europe

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Tomasz MŁYNARSKI

L'Ambassadeur de la Pologne en France.

Ryc.Fabien Clairefond

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Varsovie est dans le domaine économique le quatrième partenaire de Paris. Les échanges commerciaux de la France avec la Pologne sont plus importants qu’avec la Russie, la Turquie ou le Japon – écrit Tomasz MŁYNARSKI

Les relations entre la Pologne et la France relèvent à la fois d’une longue histoire de coopération et de contacts culturels, économiques et interpersonnels dynamiques. Cela offre un énorme potentiel positif que perçoivent tous mes interlocuteurs en France. Je voudrais que le centième anniversaire du rétablissement des relations diplomatiques franco-polonaises que nous fêterons l’année prochaine soit l’occasion d’utiliser ce potentiel pleinement et de donner une nouvelle énergie à nos relations. Cela conféra des avantages non seulement à nos pays, mais aussi à toute l’Europe.

Une Europe forte, plus compétitive sur le plan économique et mieux adaptée aux besoins des citoyens, tel est l’objectif tant de Varsovie que de Paris. Pour les deux pays, le projet européen constitue une opportunité de développement et de prospérité pour ses citoyens. Tous deux reconnaissent concomitamment la nécessité de maintenir la souveraineté des actions de l’État-nation dans le cadre de la communauté. C’est pourquoi il est si important de construire des passerelles entre Paris et Varsovie pour surmonter les stéréotypes et même les préjugés qui dominent trop souvent dans nos contacts.

Pour y parvenir, nous devons en premier nous tourner vers le potentiel humain – les Polonais vivant en France, tout comme les Français vivant en Pologne. Au cours des décennies, les Polonais sont devenus une partie intégrante de la société française. Frédéric Chopin ou Marie Skłodowska-Curie sont les exemples les plus évidents. En même temps, le plus inspirant, car ce sont eux qui cimentent le plus l’histoire de nos deux pays.

Le million de Polonais disséminés dans toute la France représentent les meilleurs avocats de la cause polonaise à Paris. Mon travail en tant qu’ambassadeur de Pologne est de maintenir leurs liens avec ma patrie. Pour que les cœurs polonais continuent à s’émouvoir en entendant l’hymne polonais, la musique de Chopin, ou devant le monument du grand Polonais Jean-Paul II. C’est donc avec une satisfaction d’autant plus grande qu’en mai j’ai accueilli une réplique de l’image de Notre-Dame de Jasna Góra dans la nouvelle chapelle polonaise de la cathédrale Notre-Dame de Paris, réalisant que de tels événements symboliques rapprochaient les Polonais entre eux en dépit de la distance.

C’est en nous fondant sur ce capital humain que nous devrions construire nos relations, en premier lieu économiques. Varsovie est dans le domaine le quatrième partenaire de Paris. Les échanges commerciaux de la France avec la Pologne sont plus importants qu’avec la Russie, la Turquie ou le Japon. Le volume de nos exportations excède depuis des années celle de nos importations en provenance de France, et les entrepreneurs polonais conquièrent de plus en plus le marché français et européen. Cela ne s’applique plus seulement aux industries avec lesquelles les entreprises polonaises sont le plus souvent associées comme l’industrie du bâtiment, le transport ou à la production de pièces automobiles. Ce printemps, le leader polonais du marché numérique, Comarch, a ainsi ouvert sa deuxième agence à Lille.

C’est justement dans les nouveaux secteurs de l’économie que je perçois la plus grande opportunité d’intensifier la coopération franco-polonaise. Il faut la chercher dans des domaines d’avenir tels que le numérique, l’industrie à basse consommation énergétique, l’électromobilité, qui vont créer de nouveaux emplois ainsi qu’une opportunité de développement économique durable en Europe. Ils constitueront également une plate-forme pour les échanges et la coopération scientifiques, et pour les projets de recherche communs qui placent nos pays à la pointe de l’innovation.

En m’appuyant sur le capital humain et les échanges économiques, je souhaite développer la coopération franco-polonaise dans d’autres domaines stratégiques. Les mois à venir seront décisifs pour la future forme du projet européen. Le travail sur le cadre financier pluriannuel qui débute au sein de l’Union européenne déterminera pour des années la direction du développement communautaire. La Pologne et la France ont de nombreux intérêts convergents: préserver les acquis de la politique agricole commune ou assurer le financement de nouveaux importants volets communautaires, tels que, par exemple, le contrôle des frontières extérieures de l’UE.

Dans un contexte où des conflits armés éclatent à ses portes, il est aussi nécessaire de renforcer les capacités défensives de l’Europe. Par conséquent, la coopération franco-polonaise devient indispensable également dans le domaine de la sécurité. Varsovie et Paris comprennent mieux qu’ils ne peuvent pas appréhender uniquement les menaces venant de l’Est ou seulement du Sud, parce que tôt ou tard elles affecteront tous les Européens. C’est pourquoi les soldats polonais sont présents au Moyen-Orient et en Méditerranée. Nous fournissons également de plus en plus d’aide à l’Afrique, en réalisant qu’en résolvant les problèmes à la source, nous éviterons les crises et les menaces pesant sur les Polonais.

L’implication de Paris dans le renforcement du flanc oriental de l’Alliance est un signal tout aussi important de la solidarité européenne. Nous devrions l’accentuer en élargissant les domaines de coopération au niveau de la formation, de la coopération industrielle et opérationnelle afin de consolider la défense européenne.

C’est dans le même esprit que nous intervenons au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU, dont la Pologne est membre non-permanent depuis le début de l’année 2018. Garantir le respect des engagements internationaux et du droit international demeure l’objectif de tous les Européens. En parlant d’une seule voix, la Pologne et la France peuvent montrer au monde que nous sommes capables de défendre efficacement les intérêts de notre continent et d’accroître ainsi la signification de l’Europe.

De même, nous voulons maintenir le rôle moteur de l’Union européenne dans la lutte contre le réchauffement climatique. La conférence climatique COP 24 de cette année qui va se dérouler à Katowice sera la prochaine étape de la mise en œuvre des engagements signés à Paris en 2015.

La liste des sujets où les intérêts de la Pologne et de la France convergent est longue. Par conséquent, notre objectif commun devrait être de rechercher des accords bilatéraux, qui constitueront en même temps la base d’un compromis entre les attentes de l’Europe de l’Ouest et de l’Est. C’est pourquoi ajouter la Pologne au moteur franco-allemand devrait être dans l’intérêt de Berlin et de Paris, s’ils veulent faire avancer l’Europe dans son ensemble, et non la diviser. Je me réjouis de la reprise des discussions à différents niveaux au sein du Triangle de Weimar qui a eu lieu ces derniers mois.

La réunion des ministres des Affaires étrangères polonais et français à Paris en avril de cette année a constitué une nouvelle impulsion positive dans les relations bilatérales. Je souhaite qu’en 2019 le centième anniversaire du renouvellement de nos relations diplomatiques soit le coup d’envoi d’une nouvelle dynamique entre Varsovie et Paris.

.Pour que cela se produise, les deux capitales doivent écouter la voix de leur partenaire et voir que les deux pays sont indispensables pour la construction européenne future. Nous avons trop à gagner en Pologne et en France, mais aussi en Europe. Nous devons donc être à la recherche d’accords et de compromis pragmatiques, dans le respect des intérêts de tous les États membres.

Tomasz Młynarski

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 13/07/2018