Karol NAWROCKI remporte la victoire [Présidentielle en Pologne 2025]

Après de premiers sondages de sortie des urnes favorables au progressiste Rafal Trzaskowski, le conservateur Karol Nawrocki a inversé la tendance au cours de la soirée du second tour de l’élection présidentielle polonaise. Il remporte finalement la victoire avec 50,89 % des voix.
Karol Nawrocki remporte la victoire
.Le second tour de l’élection présidentielle polonaise s’est déroulé ce dimanche 1er juin 2025 et a opposé Rafal Trzaskowski, maire de Varsovie et vice-président de la PO (Plateforme civique, PPE) à Karol Nawrocki, directeur de l’IPN (Institut de la Mémoire Nationale) soutenu par le PiS (Droit et Justice, CRE).
Selon les sondages de sortie des urnes, c’est le progressiste Rafal Trzaskowski qui était en tête dans la course au Palais présidentiel avec un score de 50,3%. Cependant, les late polls ont propulsé le conservateur Karol Nawrocki, et le décompte officiel des résultats par la Commission électorale a confirmé la victoire du candidat soutenu par le PiS avec 50,89% des suffrages. La participation a été de 71,63%, ce qui constitue un record pour une élection présidentielle polonaise.
Le premier tour s’était tenu deux semaines plus tôt. 29 millions de Polonais avaient été appelés aux urnes afin de choisir le successeur du conservateur Andrzej Duda, dont le deuxième mandat arrive à son terme. La participation s’était alors élevée à 67,3%:
Rafal Trzaskowski – 31,36%
Karol Nawrocki – 29,54%
Slawomir Mentzen – 14,81%
Grzegorz Braun – 6,34%
Szymon Holownia – 4,99%
Adrian Zandberg – 4,86%
Magdalena Biejat – 4,23%
Les autres candidats n’avaient pas dépassé le score de 2%.
Rappel du programme de Karol Nawrocki
.Le candidat conservateur soutenu par le PiS présente un programme conservateur et modérément social:
– Renforcement des relations avec les États-Unis.
– Augmentation des dépenses militaires, accroissement des effectifs de l’armée à 300 000 soldats.
– Poursuite des grands investissements dans les infrastructures et l’énergie: projet d’aéroport central CPK, nucléaire, extension des ports de la Baltique…
– Opposition au pacte vert européen et au pacte asile et migrations.
– Refus de l’approfondissement de l’intégration politique et fédérale européenne, maintien du zloty comme monnaie nationale.
– Défense résolue des frontières polonaises contre l’afflux d’immigrants illégaux.
– Opposition aux réformes progressistes souhaitées par le gouvernement de Donald Tusk, notamment pour ce qui est de la libéralisation de l’avortement, de l’instauration du PACS et de la limitation de la liberté d’expression.
– Soutien au «développement équilibré» de la Pologne, c’est-à-dire à destination des agriculteurs, des campagnes et des villes petites et moyennes.
– Conditionnement du soutien à l’accession de l’Ukraine à l’OTAN à la coopération de Kiev sur les questions historiques et mémorielles.
– Poursuite des efforts pour obtenir des réparations de la part de l’Allemagne pour les dégâts causés durant la Seconde Guerre mondiale.
– Opposition à l’entrisme des associations progressistes dans les écoles.
Enjeux du scrutin
.Tant la PO centriste que le PiS conservateur avaient gros à jouer. Pour le parti du premier ministre Donald Tusk, il s’agissait d’obtenir le dernier maillon politique qui lui manquait pour verrouiller le système politique à son avantage. En effet, ces dernières années la PO a pris le contrôle de la Diète, du Sénat, de la majorité des régions et de toutes les grandes villes. Par ailleurs, elle a imposé sa ligne aux médias publics et est soutenue par la plupart des grands médias privés. Le progressisme est de même très répandu auprès des juristes et du milieu associatif, culturel et artistique. Le poste de président est le seul qui manquait à Donald Tusk pour pouvoir faire passer sans obstacle des réformes sociétales comme la libéralisation de l’avortement ou l’instauration du PACS. Le candidat Rafal Trzaskowski était aussi soutenu par les institutions européennes. Un article paru dans le Monde informait que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, s’abstenait volontairement d’exercer une pression sur la Pologne durant la campagne présidentielle, afin de laisser au camp centriste la possibilité de se poser comme opposé à la politique migratoire de l’UE et au Pacte vert.
Pour le PiS, la situation était tout autre. Après avoir perdu les élections législatives de 2023 puis son statut de premier parti de Pologne en 2024, le parti de Jaroslaw Kaczynski devait absolument rebondir et conserver le seul contre-pouvoir dont il disposait. Ce faisant, il pourrait, en remportant la victoire à l’élection présidentielle, enclencher une dynamique positive en sa faveur en vue des prochaines législatives de 2027, voir espérer provoquer une crise dans la coalition gouvernementale de centre-gauche menée par Donald Tusk.
Cette campagne a été particulièrement brutale. Les médias proches du camp centriste et progressiste ont concentré leurs attaques sur le passé trouble de Karol Nawrocki. Ce dernier est né et a grandi dans un environnement pauvre et difficile, et a été en contact avec notamment le milieu des hooligans ou celui de la boxe. Cependant, il est parvenu à en sortir, a obtenu un doctorat d’histoire et est devenu directeur du musée de la Seconde Guerre mondiale à Gdansk, avant de prendre la tête de l’Institut de la Mémoire Nationale. Ses articles peuvent être lus dans des journaux français comme l’Opinion. Par ailleurs, les organes de contrôle ont signalé que des doutes pesaient sur le financement de la campagne de Rafal Trzaskowski: des spots publicitaires ciblant Karol Nawrocki et le candidat national-libertaire Slawomir Mentzen (Konfederacja, PfE et ENS) semblent avoir été financés par des fonds étrangers, possiblement en provenance de milieux proches des démocrates américains. L’administration de Washington a adressé une lettre à la Commission européenne, lui demandant de se pencher sur le sujet d’une éventuelle ingérence étrangère dans l’élection présidentielle polonaise, ce que Ursula von der Leyen a refusé.
Durant l’entre-deux-tours, le camp progressiste a multiplié les attaques personnelles contre Karol Nawrocki, l’accusant entre autres de consommer de la drogue et d’avoir été proxénète, accusations étayées uniquement par des témoignages anonymes paru dans des médias de gauche. De son côté, le camp conservateur a tiré à boulets rouges sur le bilan du gouvernement de Donald Tusk, ainsi que sur les nombreuses contradictions de Rafal Trzaskowksi, sur ses relations présumées avec le milieu mafieux de Varsovie et ses accointances avec les élites progressistes européennes.
A côté de ça, le national-libertaire Slawomir Mentzen a cherché à capitaliser sur son score record obtenu au premier tour (15%) et à se poser en faiseur de roi du second tour. Il a invité les deux finalistes à débattre avec lui afin que ses électeurs puissent se faire une idée de pour qui voter. C’est Karol Nawrocki qui s’est, sans surprise, avéré être plus proche des idées de Slawomir Mentzen et des autres candidats de droite n’ayant pas pu se qualifier pour le second tour, tandis que Rafal Trzaskowski n’a pas cherché à essayer de convaincre outre mesure, préférant se focaliser sur les électeurs de gauche et du centre.
Le résultat du second tour et la victoire de Karol Nawrocki n’augurent pas un apaisement des tensions politiques polonaises, d’autant plus que seuls deux ans les séparent des prochaines élections législatives. La coalition de centre-gauche au pouvoir depuis fin 2023 risque de connaître des turbulences internes, ce qui pourrait mener à son effritement. Enfin, force est de constater la portée symbolique de cette élection: un candidat non issu du monde politique, sans cesse attaqué par les grands médias sur son passé et donné initialement largement perdant, parvient à rattraper son retard et finit par l’emporter sur un candidat progressiste issu de sérail et intensivement préparé à cette échéance depuis des années.
Nathaniel Garstecka