Le 23 aout 1939, signature du Pacte germano-soviétique
Les nazis allemands et les communistes soviétiques se sont mis d’accord sur une collaboration économique et militaire et sur le partage de l’Europe centrale. Le Pacte germano-soviétique a ainsi rendu possible le déclenchement de la guerre.
Aout 1939, le Pacte germano-soviétique et la tragédie de l’Europe centrale
.En septembre 1939, Le III Reich et l’Union Soviétique envahirent la Pologne, débutant ainsi la Seconde Guerre mondiale. Ils se partagèrent ce pays et y menèrent une occupation totalitaire et génocidaire. Les Soviétiques s’en prirent aussi aux pays baltes, à la Roumanie et à la Finlande, tandis que les Allemands avaient les mains libres pour attaquer à l’ouest en 1940. Ces événements ont été rendus possibles par un accord signé en aout 1939, un pacte de non-agression assorti de clauses secrètes prévoyant entre autres le partage de la Pologne et des échanges commerciaux. Le traité sera brisé unilatéralement par l’Allemagne lors de l’invasion de l’URSS en juin 1941.
La propagande soviétique a très longtemps nié avoir pactisé avec les nazis entre 1939 et 1941. Les documents officiels n’ont été dévoilés qu’à la chute de l’URSS. Cependant, 80 ans après les faits, il est difficile en Russie d’évoquer la responsabilité soviétique dans le déclenchement de la guerre.
Plusieurs arguments ont été avancés (et continuent à l’être) par les historiens et les dirigeants soviétiques, puis russes. Par exemple, Staline aurait été contraint de se rapprocher de Hitler à cause des tergiversations des Occidentaux. Ou qu’il ne s’agissait que de gagner du temps et de pouvoir se renforcer en prévision d’une guerre inéluctable contre l’Allemagne. Il s’agit évidemment de manipulations. Staline lorgnait sur les terres de la II République de Pologne depuis la défaite russe aux portes de Varsovie en 1920 et ce n’est qu’en s’alliant aux Allemands qu’il pouvait mener à bien sa revanche. La preuve est qu’à chaque négociation avec les Français et les Anglais au sujet d’une alliance contre Hitler, il posait comme condition l’annexion des pays baltes et d’une partie de la Pologne, ce que les Occidentaux refusaient. L’Allemagne, elle, consentit à ce partage. Pour ce qui est de la volonté de gagner du temps, ici aussi c’est une manipulation. L’accord économique signé entre les nazis et les communistes leur était mutuellement bénéfique, l’URSS fournissant au Reich les matières premières dont il avait besoin pour soutenir une guerre longue et recevait en échange des équipements industriels et militaires de bonne qualité. Les Soviétiques envisagèrent même de rejoindre l’Axe et de renforcer leur collaboration militaire avec les Allemands. C’est Hitler qui, désireux de conquêtes à l’est, rompit le Pacte germano-soviétique.
Pour l’Europe centrale, le Pacte a été une catastrophe. Les deux grandes dictatures totalitaires du XXème siècle, le nazisme et le communisme, l’Allemagne et la Russie, s’alliaient (à nouveau) pour la dépecer. Des crimes terribles ont été commis par les occupants : la Shoah, les déportations massives vers les camps allemands et vers la Sibérie, les crimes contre les Polonais, les Baltes, les Ukrainiens, les destructions, les villes rasées comme Varsovie, la mise sous tutelle de l’Europe centrale par l’URSS jusqu’en 1989.
Les crimes physiques, mais aussi le crime de mémoire. L’Allemagne tente de rejeter la responsabilité de la Shoah sur les peuples occupés tandis que la Russie se pose effrontément en libératrice et en porte étendard de la lutte antinazie, quitte à utiliser cette rhétorique dans sa politique actuelle d’expansion en Europe de l’est. L’histoire de la Seconde Guerre mondiale est manipulée, si ce n’est tout simplement gommée, dans l’indifférence voire avec la bienveillance des opinions publiques occidentales, soucieuses de leurs intérêts économiques avec l’Allemagne et la Russie et au détriment de la recherche de la vérité et de la justice.
„Pourquoi devrions-nous nous souvenir du 23 août 1939”
.L’historien britannique Roger Moorhouse estime, dans un article publié dans „Wszystko co Najwazniejsze”, que le public occidental a une connaissance trop limitée du Pacte germano-soviétique, de sa signification et de sa portée :
„Notre ignorance collective du sujet est surprenante. Pour beaucoup, la Seconde Guerre mondiale a aujourd’hui une importance qui, d’année en année, semble plutôt croître que diminuer. Pour certains pays, elle est passée d’un fait historique à une espèce de religion nationale, comme en témoignent les étagères surchargées des librairies et les documentaires télévisés répétitifs. Dans l’édition d’histoire, il est devenu monnaie courante que chaque campagne de cette guerre, chaque catastrophe ou curiosité fassent l’objet de réinterprétations et de réévaluations sans fin, aboutissant très souvent à des écoles de pensée et des volumes historiques concurrents.”
„Pourtant, le pacte soviéto-nazie est très peu présent dans le récit occidental. Traité sommairement, il est rejeté comme une aberration, une anomalie douteuse ou une note de bas de page de l’histoire plus large. On réduit systématiquement son importance au statut du dernier coup d’échec diplomatique avant le déclenchement de la guerre, sans faire mention de la relation sinistre entre les grandes puissances qu’il a engendrée. Il est instructif de constater, par exemple, que peu d’histoires populaires de la Seconde Guerre mondiale publiées récemment en Grande-Bretagne accordent au pacte une attention significative. Considéré indigne d’un chapitre entier, il occupe généralement un peu plus d’un paragraphe ou deux et une poignée de références d’index.”
„Cette attitude ne peut qu’étonner lorsqu’on considère la signification et l’ampleur évidentes du pacte. Sous ses auspices, Hitler et Staline – les deux dictateurs les plus infâmes de l’Europe du XXe siècle – ont trouvé cause commune dans la destruction de la Pologne et le renversement de l’ordre de Versailles. Leurs deux régimes, dont le conflit ultérieur serait l’affrontement décisif de la Seconde Guerre mondiale en Europe, se sont partagé, main dans la main pendant près d’un tiers de la durée totale du conflit, les territoires d’Europe centrale.”
„Le pacte n’était ni une aberration, ni un dérapage tactique de courte durée. Il a été suivi d’une succession de traités et d’accords, à commencer par le Traité de délimitation des frontières et d’amitié du 28 septembre 1939, par lequel les deux pays se partageaient la Pologne et juraient de ne tolérer « aucune agitation polonaise » dans leurs territoires respectifs. Par la suite, à travers deux traités économiques expansifs, Moscou et Berlin ont échangé des secrets, des plans, des technologies et des matières premières, huilant ainsi les rouages de leurs machines de guerre. Staline n’était pas passif ou involontairement neutre à cette époque ; il était l’allié stratégique essentiel d’Adolf Hitler.”
Nathaniel Garstecka