Prof. Philippe COMBE: Un pas de géant vers la science contemporaine

Un pas de géant vers la science contemporaine

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Prof. Philippe COMBE

Professeur des Universités. Né en 1940 à Marseille, il a fait des études de physique à la faculté des Sciences de Marseille. S'intéresse à la théorie spectrale des opérateurs sur les espaces de Hilbert, à l'intégrale de chemin de Feynmann et à l'intégration sur les espaces de dimension infinie. Il se penche également sur les processus aléatoires tels que les mouvements Browniens, le processus de Lévy et le processus de Poisson. L'auteur d'une centaine de publications scientifiques et d'ouvrages scientifiques.

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A une époque où les étudiants ont tendance à se désinteresser des disciplines scientifiques et que la question est de comment les motiver nous devrions méditer sur les dix leçons de Marie Curie à ses enfants. Ces Leçons de Marie Curie, s’adressent à de jeunes enfants, elles ne font intervenir que leur environnement avec les expériences simples à réaliser et à expliquer, et sont une excellente intitiation à la méthode scientifique, comme nous avons pu l’observer avec notre fille et ses collègues – ecrit prof. Philippe COMBE

.Devant l’impossibilité pour une femme de faire des études supérieures en Pologne (qui alors appartenait à l’Empire Russe) Maria Skłodowska s’est resolue à venir en France pour faire des études à l’Université de Paris où elle est classée première en 1893 pour obtenir le diplôme en licence de physique, puis l’année suivante classée deuxième pour obetenir sa licence de mathematiques.

Cette même année 1894 elle s’initie à la recherche en séjournant au Laboratoire de Gabriel Lippmann avec une bourse de la Societé d’encouragement pour l’industrie, pour étudier les proprietés magnétiques des aciers. Ce travail l’a amené à rencontrer Pierre Curie qui est alors Chef de travaux à l’Ecole Municipale de Physique et Chimie de Paris (ESPCI). Ce dernier étudiait les   proprietés magnétiques des corps ferromagnétiques et diamagnétiques en fonction de la température, travaux trés voisins de ceux de Maria Skłodowska. Malgré leurs vision et passion commune pour la Science, Maria Skłodowska (désirant participer à l’émancipation de son pays natal) retourne en Pologne durant l’été 1894. Se heurtant à la misogynie des universités polonaises, à la demande de Pierre Curie, elle reprend ses recherches à Paris. Ils se marient à la mairie de Sceaux en juin 1895, juste après la soutenance de thèse de Pierre.

C’est ainsi que commence la saga du couple le plus mythique de la Science. L’année suivante Maria Skłodowska Curie prépare l’agrégation de mathématiques, qu’elle réussit haut la main en gagnat la première place. Cependant elle ne prend pas le poste d’enseignement qui lui été proposé afin de pouvoir se consacrer à une thèse de doctorat.

Elle choisit de s’intéresser au rayonemment de minerai d’uranium découverte en 1896 par Becquerel, professeur à l’ecole Polytechnique, et de répondre à la question de Henri Poincaré sur la nature de ce rayonement. L’utilisation d’un électromètre mis au point par Pierre et Jacques Curie lui ont permi de montrer que l’atmosphère autour d’un échantillon d’uranium était électrisée et que l’activité dépendait uniquement de la quantité d’uranium présent. Elle a montré ainsi que le rayonnement d’uranium était différent des rayons X découverts quelques mois plus tôt par Röentgen. Elle a émit l’hypothèse que la radiation était produite par l’atome lui même et ne venait pas de l’interaction des molecules, réfutant ainsi l’indivisibilité des atomes.

En 1898 Pierre Curie réjoint Maria dans ses travaux pour isoler des roches radioactives les éléments à l’origine du rayonnement inconnu. Une étude systématique de minéraux a montré que les minéraux de pechblende et de chalcolite étaient beaucoup plus active que l’uranium lui même. La pechblende était 4 fois et le chalcolite 2 fois plus active que l’uranium. Cette constatation les a amenés à conclure à l’existence d’une substance plus active que l’uranium.

En juillet 1898 Pierre et Maria Skłodowska Curie annoncent l’existence d’un première élément : le polonium (nomé en honneur de la Pologne) et en décembre un seconde élément appelé radium, ces éléments étant obtenus à l’état de traces. Ce n’est qu’en 1902, après avoir méticuleusement traité une tonne de la pechblende, qu’ils obtiennent un dixième de gramme de sel de radium: le chlorure de radium. Mais ne réussissent pas à isoler le polonium qui a une durée de vie trop court. En juin 1903 Maria Skłodowska Curie soutient sa thèse de doctorat sous la direction de Gabriel Lippmann à l’Université de Paris.

En décembre de cette même année Maria Skłodowska Curie, Pierre Curie et Henri Becquerel reçoivent le prix de Nobel de physique. Initiallement, le Comité de Académie Royale Suédoise des Sciences prévoit le prix uniquement pour Pierre Curie et Henri Becquerel. Heureusement, gâce à la vigilance et l’appui du mathematicien suédois Gösta Mittag-Leffler et au soutien sans limite d’ Henri Poincaré, Maria Skłodowska Curie se voit recevoir cette noble distinction et devient ainsi la première femme à recevoir le prix Nobel. A la suite de ce prix, Pierre Curie est nommé professeur à la chaire de physique de l’université de Paris.

Le 19 avril 1906 Pierre Curie meurt tragiquement dans un accident de la circulation. Durant les années qui suivront ce terrible accident Maria aura une grande difficulté à se remettre de cette perte. Elle trouvera néanmoins du soutien auprès du père et du frère de Pierre. Au mois de mai le département de physique décide d’offrir à Maria la chaire crée pour Pierre. Maria Skłodowska Curie devenient ainsi la première femme professeur à l’Université de Paris.

Son désir de créer un laboratoire de radioactivité de classe internationnale à la mémoire de Pierre n’a pas eu l’écho esperé au prés de l’Universitè de Paris. Elle doit attendre jusqu’en 1909 pour qu’Emile Roux, directeur de l’institut Pasteur, propose la création d’un Institut du Radium consacré à la recherche médicale contre le cancer et à son traitement par radiothérapie. Les travaux de construction de cet institut, commun à L’Institut Pasteur et à l’Université de Paris ne commenceront que en 1911.

L’année 1910 est une grande annéee pour la Science, Maria Skłodowska Curie est arrivée à isoler le radium sous forme de metal pure dans son laboratoire de l’Ecle municipale de physique et de chimie industrielle. Assistée par André-Louis Debierne elle a procédé par une électrolyse d’une solution de chlorure de radium sur une cathode de mercure. L’amalgame produit est chauffé dans une atmosphère d’hydrogène à fin d’éliminer le mercure. Ainsi elle a pu déterminer le numéro atomique de radium et ses caractéristiques, prouvant inconstablement l’existence de l’élément radium. Malgré ces important résultats Maria Skłodowska Curie ne sera jamais élue à l’Academie des Sciences, victime du conservatisme misogyne des académiciens.

Elle est la seule femme invitée à participer au premier Congrès Solvay qui s’est tenu à Bruxelles debut novembre 1911 faisant d’elle un membre à part entière des chercheurs qui ont créé la physique contemporaine. Ses succès ont exacerbé les rancoeurs de la presse nationaliste, misogyne et xénophobe lui reprochant d’être étrangère, athée et juive détruisant les ménages en imaginant des scenarios de liasons extra-conjugales avec Paul Langevin et en montant l’opinion publique contre elle.

Le 8 novembre 1911 elle reçoit un télégramme qui l’informe que le prix Nobel de chimie lui est décerné. Elle ira en personne au mois de décembre le recevoir à Stokholm en dépit de pressions polytiques auxquelles Maria est soumise et du scandale dont elle est soupçonnée. Elle devient la première personne au monde à recevoir deux prix Nobel; la presse française en reste silencieuse.

L’Institut du Radium, qui deviendra plus tard l’Institut Curie, mettra cinq ans à voir le jour. C’est à la veille de la première guerre mondiale que l’institut est achevé. Il reunit deux laboratoires : le laboratoire de physique et de chimie dirigé par Maria Skłodowska Curie et le laboratoire Pasteur de radiothérapie dirigé par Claudius Regaud. Lorsque la guerre éclate c’est la mobilisation générale qui vide l’Institut. Maria Skłodowska Curie décide de se mobiliser aussi, avec le Service de Radiologie des Armées et la Croix Rouge, elle participe à l’organisation d’unités chirurgicales mobiles. Elle a crée de sa propre initiative la première unité mobile capable d’aller au plus prés de front. Cette unité était constituée d’un vehicule de tourisme équipé d’un appareil de rayons X alimenté par une dynamo entrainée par le moteur du véhicule. Ce prototype sera généralisé et connu sous le nom de petites curies.

Les traveaux de Maria Skłodowska Curie sur les radiations découvertes par Becquerel va renforcer l’idée que les rayonnements ne sont pas uniquement du type électromagnétique mais peuvent être aussi des rayonemments de particules massiques. Cependant, la contribution certainement la plus importante sur le plan théorique de sa thèse, est l’hypothèse qu’elle fait sur la nature du rayonemment du radium. L’hypothèse que la radiation était produite par l’atome lui même implique que l’atome (qui signifie insécable en grec ancien) perd son statut de structure indivisible. Elle remet en cause les idées que se faisaient les scientifiques sur la structure de la matière. Cette hypothèse sera rapidement vérifiée dans les années qui suivent. Les experiences de Rutherford montrent que l’atome est constitué de particules subatomiques : des électrons et d’un noyau. L’étude de la radioactivité a montré par la suite, que les noyaux eux mêmes pouvaient se diviser naturalemment (radioactivité naturelle) ou dans les réactions nucléaires (radioactivité artificielle).

Les recherches de Pierre et Maria Skłodowska Curie ont fait partie intégrante du courrant qui a changé notre vision du monde. Cette remise en question est à la source des recherches actuelles tant sur le plan théorique que sur le plan expérimental qui ont permis les technologies que nous utilisons tous les jours mais aussi à faire largement progresser les techniques médicales.

Cinquante ans plus tard au sud de la France (à Marseille), j’étais jeune et je préparais l’examen du baccalaureat. Pour me changer les idées j’aimais feuilleter de vieux livres appartenant à mes deux grand pères, tous deux chimistes. C’est ainsi que je suis tombé sur un fascicule de Jean Perrin intitulé : Grains de Matière et de Lumière, Noyaux des Atomes où dans le deuxième paragraphe il a commencé parler de résultats scientifiques de travail de Maria Skłodowska Curie. Ces lectures m’ont décidé à m’orienter vers la physique. Quelques années plus tard, j’ai travaillé sur les métaux de transition dont les propriétes quantiques étaient mal connues. Cependant, petit à petit, je me suis tourné vers des aspects théoriques et mathématiques de la théorie de la matière.

Plus tard cela m’a amené à travailler avec des équipes internationales (Canada, USA, Russie, Europe). C’est au cours d’un séjour à l’etranger que j’ai rencontré Hanna Nencka, qui est devenue ma femme et également ma collaboratrice scientifique. Nous avons travaillé ensemble sur différent sujets de physique mathématiques.

.Je voudrais terminer sur une réflexion. A une époque où les étudiants ont tendance à se désinteresser des disciplines scientifiques et que la question est de comment les motiver nous devrions méditer sur les dix leçons de Marie Curie à ses enfants. Ces Leçons de Marie Curie, s’adressent à de jeunes enfants, elles ne font intervenir que leur environnement avec les expériences simples à réaliser et à expliquer, et sont une excellente intitiation à la méthode scientifique, comme nous avons pu l’observer avec notre fille et ses collègues.

Philippe Combe

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 06/11/2017
Repr. Piotr Mecik / Forum