C’est par hasard que j’ai eu l’idée d’écrire une biographie de Marie Curie-Skłodowska et de sa sœur. Pratiquement dans chaque portrait de la scientifique polonaise on mentionne brièvement qu’elle partit faire des études à Paris où sa sœur étudiait déjà – et l’histoire s’arrête là. J’ai cru bon la développer. C’est ainsi qu’est née l’idée de mon livre Les sœurs savantes sur Marie et Bronisława – ecrit Natacha HENRY
.En dépit des apparences, ce récit n’a pas uniquement une valeur historique. Bien que ses succès datent du début du XXe siècle, Marie Curie-Skłodowska est aujourd’hui plus influente que jamais. Toute sa vie est un message aux jeunes générations. Il y a 100 ans déjà, elle a montré comment on pouvait profiter des possibilités qu’offrent les voyages à travers l’Europe, de l’opportunité de poursuivre ses études et de travailler dans d’autres pays. Nous le sous-estimons aujourd’hui. Nous ne prêtons pas suffisamment attention aux possibilités dont nous disposons pour nous perfectionner.
Curie-Skłodowska a également montré que cela ne sert à rien d’attendre le facteur avec une invitation, mais, au contraire, qu’il faut tenter soi-même sa chance dans la vie.
Pourquoi nous impressionne-t-elle toujours autant ? Elle devait ses succès à son intelligence hors pair. Mais qui sait si sa plus grande vertu n’était pas de savoir se concentrer sur un objectif. Elle avait ses ambitions – rendre le monde meilleur – et cherchait la possibilité de les mener à bien. Et ce faisant, elle était intraitable, elle se battait pour ses rêves avec une grande détermination. Et défis et problèmes ne manquaient pas. Sa mère mourut quand elle avait 11 ans. Toute sa génération était très lésée – les Polonais vivant sous le joug russe, à la charnière du XIXe et du XXe siècle, n’avaient pas trop la possibilité de progresser. Comme elle ne pouvait pas poursuivre ses études à Varsovie, Marie partit en France pour y réaliser ses passions. Cela ne se serait jamais produit sans l’appui de sa famille. Tous les Skłodowski partageaient la même vision du monde, étaient fidèles aux mêmes valeurs : que les femmes et les hommes sont égaux et que les femmes ont aussi le droit d’étudier et de travailler. Son père l’aidait beaucoup, mais c’était la coopération avec sa sœur Bronisława qui s’avéra encore plus importante. L’aînée partit deux ans après le bac à Paris faire des études. Marie travaillait à Varsovie comme gouvernante et l’argent qu’elle gagnait, elle le lui envoyait en France pour l’aider à subvenir à ses besoins. Une fois les études secondaires terminées, Marie l’y rejoignit et entama sa formation à Paris.
Les deux sœurs restèrent très unies toute leur vie, en s’entraidant et se soutenant mutuellement. Bien que Bronia soit retournée en Pologne après les études
et que Maria soit restée à Paris, elles gardaient cette proximité en se rendant visite à chaque occasion. Ces liens furent le mieux visibles en 1925 lorsque Marie Curie-Skłodowska, alors déjà prix Nobel à deux reprises et scientifique de renommée mondiale, ouvrait l’Institut du Radium à Varsovie. Elle ne s’était même pas posé la question de savoir qui devrait le diriger. Son choix naturel fut Bronisława.
Il n’y avait pas que Bronisława. Son mari, Pierre, lui fut aussi d’un grand soutien. Il n’attendait pas d’elle de sacrifier sa vie pour lui – bien au contraire, il l’encourageait dans son travail. C’était une relation d’égal à égal, les deux travaillaient ensemble au laboratoire, unis dans le travail et dans la vie. Pour les deux, leur couple apporta son lot de succès.
Habituellement, on parle de Skłodowska dans le contexte de la science mais peu nombreux sont ceux qui soulignent son énorme impact sur la société. On ne devrait pas oublier aujourd’hui le message qu’elle nous a légué : que les femmes doivent essayer de laisser leur empreinte sur la société à travers leur travail, leurs façons de penser, leur liberté. Marie Skłodowska-Curie avait en elle suffisamment de courage pour être libre, mais aussi pour devenir quelqu’un. C’est un message important encore aujourd’hui.
Natacha Henry