Mateusz MORAWIECKI: Rupture avec l'imitation du passé

Rupture avec l'imitation du passé

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Mateusz MORAWIECKI

Premier ministre de la République de Pologne.

Ryc.Fabien Clairefond

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Comme je regarde vers 2017, je vois de grandes opportunités de développement pour la Pologne. Une chance pour un boom de l’investissement dont la portée et l’importance propulseront l’économie polonaise vers l’avenir, rompant avec l’imitation du passé. Nous avons mis en place de solides fondements en vue de favoriser l’épargne nationale et d’encourager la solidarité dans la consommation de fruits de la croissance, tout en améliorant les finances publiques en même temps. Cela dit, au vu du contexte international actuel, il faut bien se rappeler une chose : aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation, la seule certitude est l’incertitude.

.Le monde d’aujourd’hui connait des changements spectaculaires. Les principales hypothèses économiques, en vigueur depuis plusieurs décennies, ont été remises en question. Encore sous le coup du choc, certaines élites tentent d’enchanter la réalité, tout en perdant la sensibilité face aux attentes sociales et tendances économiques. Le meilleur exemple en fut peut-être la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle aux Etats-Unis, un candidat qui n’a eu au départ aucune chance de gagner, révolté contre les élites, dénonçant les dogmes de l’économie néolibérale, l’appauvrissement de la classe moyenne, déplacement de la fabrication hors des États-Unis, et l’effet néfaste, le pire depuis des décennies, de l’automatisation et de la robotisation sur le marché du travail.

INTERRÈGNE

Comme dans le titre d’un volume de « Bolesław Chrobry », le chef-d’œuvre d’Antoni Gołubiew, le nouveau vient. Et même si le nom en reste encore inconnu, il est sûr qu’il ne manquera pas à surprendre tout le monde. C’est ce qu’il fait déjà d’ailleurs. Il y a seulement huit ans, le terme « crise » n’avait qu’une connotation financière, tant qu’aujourd’hui il se voit utilisé pour décrire presque tous les phénomènes publics : de la lutte contre le terrorisme, par l’agitation militaire, jusqu’à la frustration provoquée par l’inefficacité des outils de la politique monétaire et l’approfondissement des inégalités sociales. A cela s’ajoute un paradoxe majeur de notre époque : la croissance économique mondiale (PIB) n’a quasiment pas changé au cours des dernières années, alors que des progrès considérables ont été réalisés en termes de développement économique mondial, ce qu’on appelle la quatrième révolution industrielle (Industrie 4.0). Des questions fondamentales se posent dans tous ces domaines sans qu’il y ait des réponses satisfaisantes. De ce point de vue, nous sommes en interrègne.

Le changement qui s’est produit en Pologne il y a un an s’inscrit dans le cadre de grands changements eu œuvre autour du monde: la reconfiguration, le remodelage, la recherche des modèles d’exploitation plus efficaces qui accordent une plus grande attention à la responsabilité sociale; des modèles reposant sur la solidarité et les valeurs communautaires qui visent bien plus que la simple survie : la prospérité durable et la répartition équitable des richesses. Cette nouveauté dans la politique de développement polonaise s’inspire des origines du mouvement de « Solidarité » et développe le concept historiosophique de Feliks Koneczny.

Le parti Droit et Justice (PiS), qui est arrivé au pouvoir l’année dernière, fonctionne selon une logique différente de celle des élites de la Troisième République. C’est le principe directeur de toutes nos politiques que la croissance économique doive être inclusive, couvrant des groupes sociaux aussi vastes que possible. Tel est notre objectif, notre axiome de développement économique.

UNE ÉCONOMIE PLUS SOLIDAIRE

Nous opérons des transferts sociaux sans précédent. Pas seulement « 500+ », mais aussi d’autres programmes : l’assurance agricole, des logements abordables pour les jeunes, le soutien aux mineurs, l’indexation supplémentaire des prestations de retraite ou encore des médicaments gratuits pour les personnes âgées. Le coût de ces mesures en 2017 s’élèvera à 40 milliards de zlotys et, après l’abaissement de l’âge de la retraite, à plus de 50 milliards de zlotys. Nous sommes persuadés que ces transferts sociaux constituent un moyen essentiel d’amélioration de l’équité sociale. Il s’agit d’un engagement énorme et, pour atteindre nos objectifs budgétaires, nous sommes obligés non seulement de prendre soin de la croissance économique en encourageant l’esprit d’entreprise, mais aussi de nous attaquer aux lacunes du système de collecte des impôts. En effet, la niche fiscale de TVA, estimée coûter à l’Etat des milliards de zlotys chaque année, est due à de graves défaillances du gouvernement précédent, actuellement en opposition. A nous d’y remédier étape par étape.

Je n’ai aucun doute : la réponse aux problèmes du monde d’aujourd’hui est un système économique plus solidaire, durable et socialement responsable. La Banque mondiale et même le Fonds monétaire international l’admettent déjà (voir l’étude intitulée « Néolibéralisme. Surestimé ? »). Après une période de changements et de turbulences dans le monde, il est devenu évident que l’économie et la société sont inséparables l’un de l’autre. L’économie ne saurait exister sans la société, celle-ci étant la variable clé de l’équation titrée l’économie. En même temps, il est impossible de construire une société cohérente, où l’économie joue un rôle intégrateur dans la vie sociale, sans renoncer au modèle économique fortement oligarchique de type latino-américain.

L’EUROPE DES VALEURS, PAS DES IDÉOLOGIES

L’Europe devrait être unie par l’économie et non par l’idéologie. L’Europe devrait se renforcer, mais en rétablissant un système rationnel de coopération entre les Etats, avec un rôle accru des parlements nationaux, plutôt qu’en poursuivant l’intégration selon un modèle actuel. Aujourd’hui, plus l’UE est dogmatique, plus elle s’occupe des questions superflues, comme d’une part, la courbure des bananes, et d’autre part, les dilemmes idéologiques qu’elle n’a d’ailleurs aucune vocation à résoudre, plus faible elle est.

L’année 2017 verra des élections importantes qui vont marquer l’avenir de l’Europe : aux Pays-Bas, en France et en Allemagne. Je ne peux qu’espérer qu’elles ne porteront pas au pouvoir des extrémistes anti-européens et des isolationnistes car cela mènerait à la fragmentation de l’Union européenne. Le fait est déjà plus que clair que les utopistes européens, fermant les yeux sur la réalité, n’ont aucune chance de gagner. L’un des enjeux de ces élections, surtout en France, est de savoir quelle sera la position des nouveaux gouvernants vis-à-vis de la Russie. Tout cela peut entraîner de risques pour la Pologne, ressemblant possiblement à la situation il y a un siècle, lorsque la France et d’autres pays occidentaux considéraient le cas de la Pologne par le prisme des intérêts russes.

BREXIT COMME UNE OPPORTUNITÉ D’INVESTISSEMENT EN POLOGNE

Si l’Europe a changé, c’est aussi suite au vote sur le Brexit. Pour nous, la leçon du Brexit est que qu’il faut mettre tout en œuvre pour encourager les Polonais ayant émigré au Royaume-Uni, les gens fort d’expérience et de capitaux, de se réinstaller en Pologne. Nous voulons qu’ils viennent rejoindre leurs familles.

En outre, nous y avons reconnu une occasion pour attirer des dizaines de grandes entreprises. C’est ce qui en train de se produire déjà. Grâce à nos efforts au cours des derniers mois, Rolls-Royce, le numéro deux mondial de moteurs d’avions, s’est engagé à faire d’importants investissements à Ropczyce près de Rzeszów. De la même manière, certaines institutions financières de la Cité de Londres non seulement envisagent de déplacer certaines de leurs activités vers la Pologne, mais elles le font déjà. Cela ouvre de nouvelles perspectives d’emploi de grande valeur, en particulier dans la gestion des risques, des technologies de l’information et de la communication (TIC), des bases de données et la gestion de projets. Six mois seulement après Brexit, 15 000 nouveaux emplois ont été créés dans ces domaines. Et un effet de rétroaction se voit déjà. Comme le dit Mark Bisnow : L’esprit d’entreprise, l’esprit d’entreprise, et encore une fois l’esprit d’entreprise. Car il permet d’encourager l’emploi, réduire la pauvreté, stimuler l’innovation.

Les talents informatiques sont notre trésor national. Nous cherchons à attirer en Pologne les entreprises de TIC. Par exemple, nous observons de près Israël, un pays qui s’est doté d’une économie fort innovatrice au cours des vingt dernières années. Nous sommes également en passe de devenir un acteur majeur de l’industrie automobile, ayant créé un pôle de compétitivité important : Mercedes, Toyota, Fiat et Volkswagen ont décidé de lancer un projet d’investissement en Pologne cette année. Un mythe nuisible sur la fuite alléguée des investisseurs étrangers se voit donc démenti : ils sont, bien au contraire, de plus en plus intéressés par la Pologne. Si nous parvenons à boucler sans tarder au moins une partie des négociations actuellement en cours, l’année 2017 sera fructueuse pour l’économie polonaise.

Mateusz Morawiecki

œuvre protégée par droit d'auteur. Toute diffusion doit être autorisée par l'éditeur 03/01/2017