Nous devrions rechercher de nouveaux domaines de coopération
Le centième anniversaire du renouvellement des relations diplomatiques entre la Pologne et la France offre une bonne occasion pour la réflexion. En résumant les derniers mois marqués par un intense travail, je souhaite envisager sous un nouvel angle la dynamique de la coopération entre nos deux capitales – écrit Tomasz MŁYNARSKI
Au chapitre des relations franco-polonaises, l’année écoulée dans a été ponctuée par des anniversaires commémorant les moments clés de l’histoire de l’Europe et de la Pologne. À l’occasion du centième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, le ministre Jacek Czaputowicz a rendu hommage sur les Champs-Elysées à tous les soldats morts dans ce conflit tragique qui a bouleversé l’Europe. Pour la Pologne, cette journée de 1918 a été placée sous le signe d’une double joie du fait de l’indépendance retrouvée. C’est pourquoi la Polonia française a célébré avec beaucoup de bonheur cet anniversaire à l’ambassade de Pologne à Paris en 2018 en présence du ministre du gouvernement polonais.
La fin du premier conflit mondial a coïncidé avec une période de bourgeonnement du partenariat franco-polonais. En tant que première capitale européenne, Paris décida alors d’envoyer sa mission à Varsovie en 1919. Cela témoigna de l’importance du retour de la Pologne, d’une Pologne indépendante, sur la carte de l’Europe. De même la création et la dotation en France de l’armée Bleue soutenue par la mission militaire française avec à sa tête le général Faury, constitua un puissant soutien à la renaissance des forces armées polonaises.
Pour rappeler ces belles pages de notre histoire, Poczta Polska et la Poste française ont émis, à mon initiative, un timbre anniversaire immortalisant le général Józef Haller et le capitaine Charles de Gaulle, deux personnages qui ont joué un rôle précieux dans l’histoire de la renaissance de l’État polonais et de la coopération franco-polonaise.
Cependant, l’histoire ne devrait être pour nous qu’un point de référence permettant d’édifier la coopération future. Aujourd’hui, alors que l’Europe est à nouveau confrontée à des bouleversements internationaux, à un conflit à l’est, à des crises au sud, à des menaces qui ne connaissent pas les frontières nationales, un partenariat fort entre la Pologne et la France est encore plus nécessaire qu’il y a cent ans de cela. L’avenir du projet européen l’exige.
Cela doit concerner en premier lieu la coopération en matière de défense. L’Europe doit investir davantage dans sa propre sécurité pour mieux protéger ses citoyens et faire face aux nouveaux défis en la matière. Il est nécessaire de coordonner ces activités avec l’OTAN et nos partenaires atlantiques. À l’heure actuelle, plutôt que de nouveaux traités conclus dans ce domaine, nous avons besoin d’une plus grande volonté politique pour prendre des mesures qui unissent les Européens au lieu de creuser les divisions.
Après l’élection du nouveau Parlement européen et la formation de la nouvelle Commission européenne à l’automne, de sérieux débats auront lieu pour décider de l’avenir de l’UE à l’horizon des prochaines décennies. Le budget sera le premier point à aborder. Assurer un financement adéquat dans les domaines prioritaires qui déterminent le développement et la compétitivité de l’UE sera le principal objectif du débat sur le cadre financier pluriannuel. Achever la construction du marché intérieur unique, en particulier dans le secteur des services, augmenter les investissements dans les infrastructures, assurer une transition énergétique efficace, voilà quelques exemples des pistes que nous devons aborder ensemble.
Le potentiel démographique et industriel de notre pays fait de la Pologne un partenaire clé dans cette discussion.
Rapporté au premier trimestre de cette année Un taux de croissance du PIB de 4,7% et une augmentation de l’investissement de plus de 12% au cours de cette période jettent des bases solides pour maintenir des années une dynamique élevée de croissance économique ininterrompue. La Pologne est en train de devenir aux côtés de l’Allemagne le véritable moteur de l’économie européenne. Et comme les entreprises françaises qui en ont jusqu’à présent bénéficié en investissant dans notre pays, la France dans son ensemble peut en bénéficier également en établissant un véritable partenariat stratégique avec Varsovie.
La France et la Pologne ont de nombreux points de vue convergents à cet égard. Au premier rang desquels se trouve le maintien de la politique agricole commune, base de la sécurité alimentaire du continent. Le développement et l’innovation dans ce domaine revêtent une importance fondamentale pour l’Europe. Le secteur agroalimentaire doit également continuer à jouer un rôle important dans la politique commerciale de l’UE.
Au chapitre du développement du marché unique numérique, la Pologne et la France devraient parler d’une seule voix. Les propositions visant à taxer les activités des géants du numérique dans l’UE sont un bon exemple d’une direction d’action commune.
Il est également dans l’intérêt de nos deux pays de renforcer la politique industrielle de l’UE. En tant que nouveau projet prospectif dans ce domaine, il convient de rappeler les plans de création d’un consortium européen de batteries de voitures. La Pologne a l’intention de rejoindre le projet inauguré par Paris et Berlin. Cette coopération peut être essentielle pour assurer la compétitivité de l’industrie automobile européenne sur les marchés mondiaux. Je suis sincèrement convaincu que ce projet peut devenir un symbole de l’innovation européenne à l’échelle mondiale et un levier pour le développement de la coopération industrielle et politique dans le triangle de Weimar.
Il existe également un grand potentiel de coopération au niveau des échanges scientifiques et universitaires. C’est pour cette raison que j’ai pris l’initiative de faire de 2019 l’Année scientifique franco-polonaise. Cela permet d’attirer l’attention sur un domaine moins visible des échanges bilatéraux, qui revêt toutefois une importance capitale pour établir des contacts, identifier des priorités communes et émuler l’innovation qui construira l’avenir de l’Europe.
.Cette année, 30 ans se seront écoulés depuis la fin du communisme en Pologne et 15 ans depuis notre adhésion à l’Union européenne. Les Polonais pouvaient compter sur le soutien de la société française à l’époque de Solidarność et au cours des années de transformation économique et politique. L’important développement survenu sur les bords de la Vistule a apporté des avantages mutuels à nos patries. Dans cet esprit, nous devrions rechercher de nouveaux domaines de coopération qui renforceront notre partenariat pour le succès de nos sociétés et de nos pays.
Tomasz Młynarski