Pourquoi n’êtes-vous pas venus nous aider en 1939?
.Quand j’ai mis les pieds en Pologne il y a plus de vingt ans, la première chose qui m’a étonné c’est la francophilie des Polonais. Tous mes interlocuteurs m’ont dit que je vivais dans un magnifique pays et qu’ils adoraient la culture française. Sans doute étaient-ils très polis, car le deuxième sujet abordé, lui, était beaucoup moins consensuel: « On vous adore tellement … qu’on ne comprend pas pourquoi vous, qui êtes notre allier historique, vous n’êtes pas venus nous aider quand les Allemands nous ont envahi en 1939. Rien à voir avec Napoléon, qui lui est venu nous aider contre les Russes ! »
La première fois que j’ai entendu cette question, je ne parlais pas encore suffisamment bien Polonais pour comprendre et répondre, donc j’ai dû esquiver et me réfugier sans trop de peine dans un commode « nie rozumiem ». Mais cette échappatoire n’a pas duré trop longtemps.
Tout d’abord il me semblait difficile de croire cette histoire. Il faut dire que la chose n’est pas enseignée de la sorte en cours d’histoire dans les lycées français. Vous pouvez bien imaginer qu’on ne raconte pas cette « trahison » aux petits français.
Je voyais bien que mes interlocuteurs voulaient entendre de ma bouche des raisons valables et sans doute des excuses. Ce que je n’ai pas manqué de leur donner en précisant que je ne cautionnais en rien le gouvernement de l’époque et en soulignant qu’étant donné que les Français n’avaient pas été capables de s’aider eux-mêmes, on comprend d’autant mieux qu’ils n’aient pas pu aider les Polonais. Et d’ailleurs cela donnait à méditer la fameuse citation de Thomas Paine : « The duty of a true patriot is to protect his country from its government »
Aujourd’hui, je rencontre rarement des Polonais qui m’interpellent à ce sujet. Pour eux, c’était une question urgente à poser surtout après la chute du mur pour tester et voir un peu qui étaient ces gens avec qui ils allaient s’engager pour faire l’Europe.
Après la longue période glaciaire du communisme, la reconstruction de leur pays après 40 années de communisme et ce n’était pas une mince affaire. Certes ils avaient déjà reconstruit le centre historique de Varsovie qui avait connu l’enfer d’une des plus grande tragédie de l’histoire et également la Cathédrale de Wroclaw totalement détruite par les bombardements US. Mais dans les années 90, tout restait à faire. Aussi, quand on pense qu’il n’a pas fallu 20 ans pour ériger les building de Varsovie et la Skytower de Wroclaw, on tombe forcément en admiration devant ce peuple.
Aussi, quand je vois ce qu’est devenu ce pays aujourd’hui et ce qu’il était à l’époque, il ne fait aucun doute que s’il n’a rien oublié du passé, il n’est cependant pas resté embourbé dans les méandres de l’histoire. Bien au contraire c’est une des économies les plus dynamiques d’Europe avec cette année encore plus de 4,2 % de croissance pronostiqué pour 2019 et un faible taux de chômage. A cela s’ajoute la stabilité et la sécurité qui sont des valeurs prisées aujourd’hui en Europe.
.Voici donc un peuple épris de liberté qui a su reprendre son destin en main. Un peuple qui a résisté aussi bien au communisme, qu’au fascisme et qui est prêt à se battre de nouveau pour sa liberté et ne se laissera pas dicter ce qu’il doit faire par quiconque. Sans aucun doute c’était ce même esprit de liberté qui les poussait à questionner leurs anciens alliés historiques pour remettre les compteurs à zéro. Et si demain des Daladiers et des Chamberlins revenaient sur le continent européen, ils sauraient immédiatement les dénoncer.
Jean-Paul Oury